(Montréal) Les jeunes de la rue sont davantage mal en point à Montréal depuis le début de la pandémie, selon des organismes qui viennent en aide aux jeunes en difficulté.

Après un mois de mars « catastrophique », lors duquel les jeunes ont été « laissés à eux-mêmes » selon la directrice générale du Refuge pour les jeunes de Montréal, France Labelle, la situation s’est stabilisée. Malgré les mesures d’urgence mises en place au fil des mois, la vie dans la rue est toujours difficile.

« L’anxiété a augmenté chez les jeunes, et ils vont tenter de l’anesthésier avec toutes sortes de substances », a expliqué Mme Labelle. Elle a d’ailleurs souligné que 75 % des jeunes qui se présentent au refuge souffrent de détresse psychologique.

Les problèmes de surconsommation sont fréquents chez les jeunes en situation précaire, a indiqué France Labelle. Mais depuis le début de la pandémie, la fermeture des frontières a eu un impact sur la qualité de la drogue sur le marché noir.

« L’approvisionnement est plus difficile, alors il y a beaucoup de drogues de synthèse, avec on ne sait pas quoi dedans, et il y a du fentanyl dans beaucoup de substances. »

Si la vie dans la rue est plus difficile pour les jeunes, les ressources qui leur sont offertes ont aussi diminué ces derniers mois.

Au Refuge, qui accueille de jeunes hommes de 17 à 25 ans, la capacité est passée de 45 jeunes à 30 jeunes par nuit. L’organisme a aussi commencé à offrir des services à l’extérieur de son local pour pallier le manque d’espace à l’intérieur.

La situation est similaire au « bunker » de l’organisme Dans la rue, où seulement 9 jeunes, garçon ou fille, peuvent trouver refuge chaque soir. Il pouvait y en avoir 17 avant la pandémie.

Dans la rue a dû réduire ses activités depuis le début de la pandémie, afin de maintenir ses services d’urgence. « C’est super crève-cœur », a confié sa directrice générale, Cécile Arbaud.

« En ce moment, nous n’avons pas notre salle de musique, nous n’avons pas nos salles d’art, nous n’avons pas nos activités, il nous manque des programmes en employabilité, notre école a été fermée, certains psychologues ne sont pas là… Alors on se retrouve avec des jeunes plus démunis, mais nous n’avons pas grand-chose à leur proposer », a expliqué Mme Arbaud.

À son centre de jour, Dans la rue a été forcé de retirer les deux tiers des chaises de ses aires communes afin de s’assurer du respect de la distanciation sociale. En ce moment, le centre de jour Chez « Pops » peut accueillir une trentaine de personnes, soit environ 30 % de sa capacité régulière.

Même si la réouverture de la société amène « un peu d’espoir » selon la directrice de Dans la rue, il y a toujours des facteurs qui pourraient faire augmenter le nombre de jeunes se trouvant en grande précarité.

« Avec la crise du logement, certains pourraient perdre leur toit. Avec la crise économique, certains pourraient perdre leur emploi. Et il y a toujours les jeunes qui sortent des centres jeunesse ou qui fuguent. Il y a plusieurs jeunes qui pourraient se retrouver dans une situation très vulnérable, alors nous sommes inquiets. »

France Labelle craint également l’arrivée d’une deuxième vague de COVID-19 cet automne, puisque la plupart des mesures d’urgence mises en place ce printemps pour venir en aide aux personnes en situation d’itinérance sont progressivement retirées.

« C’est assez contradictoire : on dit à la population de se préparer pour la deuxième vague, mais en itinérance, on ferme les refuges d’appoint. C’est assez préoccupant. »

Même si elle considère que son organisme a été chanceux de n’avoir eu aucune éclosion de COVID-19 lors de la première vague, Mme Labelle reconnaît que le Refuge n’est pas à l’abri et pourrait être atteint à tout moment.

« Nous avons pris des risques pour maintenir nos services ce printemps. Mais si nous avons une éclosion au Refuge et que nous devons fermer jusqu’à 14 jours, quels seraient les dispositifs d’urgence prévus pour répondre à la demande ? »

Selon Mme Labelle, il est donc impératif que les refuges d’urgence demeurent en place cet automne.

« Il ne faut pas attendre que la deuxième vague soit à nos portes ou qu’il y ait des refuges qui soient obligés de fermer, il faut maintenir les services d’urgence d’hébergement et de distribution de repas à Montréal. »