Des milliers de manifestants ont marché pour dénoncer le racisme et la brutalité policière dimanche au centre-ville de Montréal, un évènement qui s’est déroulé dans une ambiance calme, même si des moments de tension sont survenus.

Les manifestants, qui étaient plus de 10 000, selon des estimations non officielles, s’étaient réunis à la place Émilie-Gamelin avant de se mettre en marche vers le square Dorchester. La Presse a pu constater que la distanciation physique n’était pas possible au cœur de la manifestation. Mais, à vue de nez, plus de 8 personnes sur 10 portaient un masque ou un couvre-visage.

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Le boxeur Jean Pascal, en bas à droite, prenait part à la marche

« Je suis venu pour que mes enfants n’aient pas à venir à une telle manifestation dans 20 ans », a confié Brahim Djiddah, qui prenait part à l’évènement.

Originaire de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, M. Djiddah a dit que la brutalité policière et le profilage racial sont bien présents au Québec, même si le problème est « plus grave encore aux États-Unis », où la mort de George Floyd aux mains des policiers de Minneapolis, le 25 mai, a déclenché un mouvement de protestation mondial.

Des photos de la manifestation contre le racisme et la brutalité policière dimanche à Montréal
  • Les manifestants étaient plus de 10 000, selon des estimations non officielles.

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    Les manifestants étaient plus de 10 000, selon des estimations non officielles.

  • Des policiers du SPVM étaient présents tout le long du cortège.

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    Des policiers du SPVM étaient présents tout le long du cortège.

  • Un manifestant tient une pancarte qui recense les noms de personnes mortes à la suite d'une intervention policière.

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    Un manifestant tient une pancarte qui recense les noms de personnes mortes à la suite d'une intervention policière.

  • Des manifestants du cortège, dimanche, à Montréal

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    Des manifestants du cortège, dimanche, à Montréal

  • de nombreux manifestant défilaient avec des pancartes contre le racisme ou la brutalité policière.

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    de nombreux manifestant défilaient avec des pancartes contre le racisme ou la brutalité policière.

  • Une fois la marche terminée au square Dorchester, des manifestants se sont amassés au coin des rues Peel et Sainte-Catherine, où se trouvaient des policiers en combinaison antiémeute.

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    Une fois la marche terminée au square Dorchester, des manifestants se sont amassés au coin des rues Peel et Sainte-Catherine, où se trouvaient des policiers en combinaison antiémeute.

  • Malgré une arrestation, la majeure partie des manifestants se sont dispersés dans le calme vers 14˙.

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    Malgré une arrestation, la majeure partie des manifestants se sont dispersés dans le calme vers 14˙.

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Je me suis fait agresser par des policiers du SPVM à la sortie d’un bar, et j’en garde des séquelles psychologiques. En voiture, je vais voir ma mère à Longueuil, et les policiers m’arrêtent sans raison et me demandent pourquoi je suis à Longueuil. Jamais ils ne demanderaient ça à une personne blanche. Ça s’accumule, et ce n’est pas agréable d’être traité différemment à cause de la couleur de sa peau.

Brahim Djiddah, un manifestant

Ulrich, un ex-militaire qui préférait ne pas donner son nom de famille, remarque aussi que c’est « deux poids, deux mesures » lorsque les policiers de Montréal sont en contact avec des personnes noires. « Je conduis une belle voiture, et je me fais arrêter sans raison. Si tu es Noir et que tu conduis une belle voiture, tu sais ce que c’est, le profilage racial. »

Les manifestants se sont amassés par centaines à la place Émilie-Gamelin dès 10 h.

Les organisateurs avaient fait le pari de devancer l’heure de la marche pour éviter tout grabuge et la majeure partie des manifestants se sont effectivement dispersés dans le calme vers 14 h.

Deux heures plus tard, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dit avoir eu recours à des irritants chimiques contre un groupe de protestataires qui continuaient de manifester et qui auraient lancé des projectiles contre des agents.

Le SPVM a confirmé au moins une arrestation.

Vers 18, des participants à une marche ont commencé à lancer des projectiles sur les policiers près de l’intersection Saint-Antoine et Hôtel de Ville. Des irritants chimiques ont alors été utilisés afin de disperser les manifestants. Le bilan de cette opération est d’une arrestation concernant des menaces de mort.

Manuel Couture, porte-parole du SPVM

Avant le départ de la marche, des organisateurs ont pris la parole pour souligner « la pluralité de leurs horizons ». Lonely-Amanda Labourot a reproché au premier ministre François Legault d’avancer une définition erronée du racisme systémique, « un amalgame » qui viendrait contrecarrer les efforts de leur mouvement.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Des manifestants s’agenouillent pour protester contre la brutalité policière.

Dans la foulée de la manifestation de dimanche dernier, le premier ministre François Legault a déclaré que la discrimination systémique n’existe pas au Québec, selon lui, car les personnes racistes sont une « petite minorité ».

« La discrimination existe au Québec, mais il n’y a pas de discrimination systémique ; il n’y a pas de système au Québec de discrimination », a-t-il dit.

L’ex-boxeur Ali Nestor a pourtant souligné que « toutes les preuves ont été faites ».

« Publiquement, il le nie, mais il est très au courant. C’est un homme intelligent, il le sait très bien qu’il y a du racisme systémique qui existe au Québec », a soutenu celui qui dirige maintenant l’organisme Ali et les Princes de la Rue, qui initie les jeunes à la pratique des arts martiaux avec un volet scolaire.

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La nouvelle cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade

La nouvelle cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, de même que la ministre fédérale du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, étaient présentes à la place Émilie-Gamelin, où elles se sont brièvement adressées à la foule. Le député et chef adjoint du NPD Alexandre Boulerice était également présent.

Une fois la marche terminée au square Dorchester, des manifestants se sont amassés au coin des rues Peel et Sainte-Catherine, où se trouvaient des policiers en combinaison antiémeute. À quelques mètres d’eux, des manifestants ont scandé plusieurs slogans, dont « Hands up, don’t shoot », dans un porte-voix. Après de longues minutes de tension, les policiers ont reculé et ont déplacé leurs véhicules de manière à libérer la rue Sainte-Catherine, un geste acclamé par la foule.

Des rassemblements se sont aussi déroulés dans d’autres villes du Québec, notamment à Sherbrooke et à Québec, face à l’Assemblée nationale. Des députés du Parti québécois et de Québec solidaire y ont annoncé leur présence.

« Biais systémiques » au SPVM

Face à une levée de boucliers, des membres de l’organisation de la marche montréalaise ont finalement retiré l’invitation qui avait été transmise au directeur du SPVM, Sylvain Caron.

De nombreux militants considéraient sa présence comme inappropriée dans le cadre d’un évènement devant notamment commémorer les victimes de violences policières. Le collectif Hoodstock, qui a vu le jour après la mort du jeune Fredy Villanueva lors d’une intervention policière à Montréal-Nord en 2008, a même pris ses distances avec l’organisation de la marche à la suite de cet impair.

Pharaoh Hamid-Freeman, de la Ligue des noirs nouvelle génération, expose que certains sont toutefois prêts à « passer à la prochaine étape » et collaborer avec les policiers.

Des appels à revoir le financement « disproportionné » des corps policiers, à freiner leur militarisation et à rendre le port de caméras obligatoires ont été lancés.

Un rapport commandé par la Ville de Montréal faisait état en octobre dernier de « biais systémiques » dans le traitement des membres de certaines minorités racisées par les policiers de la métropole.

Des chercheurs universitaires ont constaté que les personnes noires et autochtones sont de quatre à cinq fois plus susceptibles que les personnes blanches d’être interpellées par les policiers, une disproportion qui augmente à 11 fois plus de risques chez les femmes autochtones.

Initialement promise pour le mois de mars dernier, une politique encadrant les interpellations policières est maintenant attendue le 8 juillet, à la suite d’une des recommandations de ce rapport accablant.

La Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal compte lancer un processus de consultation publique pour modifier et bonifier cette politique, dont une ébauche doit lui être présentée dans les prochains jours. L’échéancier des consultations n’a pas encore été annoncé.

 – Avec la collaboration de La Presse canadienne