Le tribunal rend inopérants deux règlements de Mont-Saint-Hilaire interdisant de facto la construction résidentielle sur des lots inclus dans son périmètre urbain.

Ces règlements entrent en contradiction avec les dispositions du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) qui vise à freiner l’étalement urbain.

« La Ville se comporte de façon abusive, arbitraire et discriminatoire envers les demandeurs, traités en parias tout en payant des taxes municipales pour des immeubles dont le développement est gelé capricieusement », écrit, cinglant, le juge Pierre-C. Gagnon au sujet de l’administration du maire Yves Corriveau dans ce dossier.

La zone litigieuse, A-16, est composée de lopins de terre au pied de la montagne traversés par les chemins Ozias-Leduc et de la Montagne. Elle est coincée entre les deux quartiers résidentiels : La Pommeraie et les Hauts du Flanc-Sud. On y trouve notamment le Ström Spa Nordique.

Ce secteur était autrefois un territoire agricole qui a fait l’objet d’un dézonage en 1992. Un moratoire de dix ans a été voté pour sauvegarder son caractère agricole. Le dossier refait surface en 2012 quand entre en vigueur le premier Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la CMM, dont Mont-Saint-Hilaire fait partie. Ce plan fixe des normes de densité minimale selon les caractéristiques du territoire.

L’objectif des normes de densité résidentielle est de contenir l’étalement urbain à l’échelle de la CMM, d’éviter l’éparpillement de constructions et de densifier les zones urbaines pour limiter la pression sur le territoire agricole.

En 2012, donc, le PMAD fixe la densité minimale à 21 logements par hectare par la zone A-16, qui est peu ou pas développée.

« Pas dans ma cour »

C’est alors que survient le syndrome « Pas dans ma cour ». L’affaire devient un enjeu électoral et le maire Corriveau se fait élire en novembre 2013 après avoir promis d’imposer un arrêt au développement de Mont-Saint-Hilaire pour analyser l’avenir de la ville.

Cette pause s’est toutefois pérennisée jusqu’à aujourd’hui pour ce qui est du secteur en question. Des demandeurs représentant 11 des 34 lots de la zone se sont donc regroupés pour contester la légalité des règlements qui empêchent de facto la construction de logements, en contradiction avec le PMAD.

Pour les plaignants, les règlements minent la valeur de leurs biens fonciers et s’apparentent à une expropriation déguisée.

Un comité municipal noyauté par les opposants

La Ville s’est défendue en faisant valoir que ses règlements avaient été jugés conformes au schéma d’aménagement de la MRC, lui-même réputé conforme au PMAD. Elle ajoute qu’il s’agit d’une situation temporaire dans l’attente d’une planification détaillée, ainsi que lui permet le droit municipal.

Dans sa décision, le juge Gagnon soutient que la Ville n’a nullement suivi les étapes exigées par la MRC pour déroger aux normes minimales de densité de 21 logements par hectare apparaissant au schéma d’aménagement de la MRC.

M. Gagnon qualifie de biaisé le travail du comité municipal noyauté par des opposants au développement de la zone A-16 et qui n’a, de surcroît, abouti à aucun résultat concret après trois ans de rencontres.

Selon lui, la Ville ne peut pas faire abstraction du PMAD simplement parce que celui-ci ne fait pas son affaire.

« Le gel prolongé de tout ensemble résidentiel dans la zone A-16 contrecarre la volonté du législateur, de la CMM et de la MRC de concentrer les nouvelles constructions à l’intérieur du périmètre d’urbanisation.

« Il ne s’agit pas de caprice chimérique que de concentrer les zones d’urbanisation hors des terres agricoles, poursuit-il. Il s’agit d’une stratégie nationale en vue de combattre le réchauffement climatique en contrant l’étalement urbain et en protégeant adéquatement le territoire agricole. »

« […] la Ville se comporte comme si la lutte au réchauffement climatique ne concerne pas ses résidants », lit-on plus loin.

En conséquence, le juge rend inopérants à l’égard des demandeurs les aspects des règlements municipaux contestés qui limitent la densité résidentielle requise en zone A-16.

Jointe au téléphone, la porte-parole des demandeurs, Dominique Nègre, s’est évidemment réjouie de la décision du tribunal. La Ville décidera par résolution au prochain conseil municipal d’interjeter ou non-appel du jugement, a indiqué Julie Benjamin, du service des communications. À la Communauté métropolitaine de Montréal, on n’avait pas eu le temps d’analyser les impacts de cette décision.