Certains artistes établis au 305, rue de Bellechasse craignent de devoir déménager. L’aide financière offerte par la Ville de Montréal pour préserver leurs ateliers sera retirée faute d’accord signé entre l’organisme qui chapeautait les négociations et les nouveaux propriétaires de l’immeuble.

La bâtisse de quatre étages située dans le quartier La Petite-Patrie, à Montréal, abrite des ateliers d’artistes à prix très abordable.

L’immeuble a été racheté en octobre 2018 par les Investissements 650 Wellington Ltée, semant l’inquiétude chez les occupants, qui craignaient alors une hausse démesurée du loyer.

En juillet 2019, l’annonce d’une subvention de la Ville de Montréal de 147 000 $ à l’organisation à but non lucratif (OBNL) Ateliers créatifs Montréal allait permettre aux occupants de conserver leurs espaces.

L’organisme voué au développement d’ateliers abordables s’est lancé dans la négociation d’un usufruit de 30 ans sur l’immeuble au complet pour les occupants. Les pourparlers avec les propriétaires ont duré un an et n’ont pas abouti à l’entente espérée. Le financement promis par la Ville ne sera donc pas débloqué.

L’aide devait servir à négocier avec le partenaire afin de pérenniser les ateliers d’artistes, explique Geneviève Jutras, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante.

Selon elle, la Ville a appuyé Ateliers créatifs Montréal dans ses démarches. « Malheureusement, le projet [des propriétaires] était de plein droit et les négociations n’ont pas abouti à un accord », précise Mme Jutras.

Réaménagement

Déçu, Marc Dulude se prépare à quitter son atelier de la rue de Bellechasse, qu’il occupe depuis 19 ans.

Si on passe notre temps à disloquer le système, on va affaiblir le tissu créatif. Ce genre d’espace abordable est essentiel, particulièrement pour les jeunes artistes qui sortent de l’université.

Marc Dulude

Un compromis serait cependant en cours de discussion, soutient Gilles Renaud, directeur d’Ateliers créatifs Montréal : les propriétaires développeraient trois des quatre étages de la bâtisse, laissant un étage aux artistes qui souhaitent rester. Les loyers resteraient inférieurs au marché.

Environ 150 personnes sont réparties sur les quatre étages, selon Catherine Bodmer, membre du comité des occupants du 305, rue de Bellechasse. Leur espace réduit à un seul étage, certains se sentent contraints de partir à la recherche d’une option plus sûre.

« On conçoit que les propriétaires de l’édifice seraient dans tous leurs droits, mais Bellechasse est un lieu de création emblématique à Montréal. Ce projet doit perdurer. Si on considère Montréal comme un pôle culturel, il faut penser à fournir la base », plaide Mme Bodmer.

Pas d’évictions

Personne ne sera chassé de Bellechasse, assure pourtant Jeremy Kornbluth, l’un des propriétaires de l’immeuble. « Les plans d’architecture et de design n’ont pas encore été présentés. Il s’agit [d’hypothèses] et d’interprétation à ce point-ci. »

Notre priorité demeure de mettre à niveau les espaces pour optimiser le service et libérer des pieds carrés actuellement inoccupés. Il n’a jamais été question d’[évacuer les artistes] de leur atelier.

Jeremy Kornbluth, copropriétaire du 305, rue de Bellechasse

Des communications sont prévues à court terme avec les occupants, soutient-il. « Il faut comprendre que nous sommes encore à des étapes très préliminaires du processus. »

Il s’agit d’une situation complexe, selon Gilles Renaud.

« Ce n’est pas la bonne solution de forcer chaque nouveau propriétaire à devenir un mécène […] Mais je comprends la frustration des artistes, car il y a bel et bien un exode des quartiers centraux », nuance-t-il.

La nature précaire de leur profession les pousse à rechercher des prix avantageux. « Leur présence amène un buzz dans certains quartiers, qui deviennent plus populaires. [Les artistes] participent involontairement à quelque chose qui se retourne contre eux », explique M. Renaud.

Dans un contexte de pression immobilière, admet Geneviève Jutras, retenir les artistes dans les quartiers centraux est un énorme défi. « Notre administration est déterminée à continuer de soutenir les efforts de ses partenaires, tout en [cernant] des pistes de solution à long terme en collaboration avec le gouvernement du Québec. »

La perte d’un lieu accessible pour créer fragiliserait le milieu des arts, affirme Catherine Bodmer. « On veut souligner qu’il y a une crise. »