Vingt centimètres de neige au début de novembre, c’est impressionnant. Mais ce qui frappe davantage les experts, c’est le froid. Un froid qui bat un record centenaire. Un froid qui prive d’eau des dizaines de résidants déjà éprouvés par un interminable chantier. Un froid mordant qui menace des milliers de pieds de vigne, plaçant les vignerons sur le pied de guerre.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Montréal bat des records vieux de 100 ans

Vous grelottez ? Normal. Montréal a battu des records de froid qui dataient de 100 ans. Il faisait - 13,4 °C au petit matin, mercredi, 2 °C de moins que le record précédent (- 11,1 °C), enregistré en 1920. Mardi, le record de froid remontant à 1916 a aussi été battu par 2 °C.

Un mercure qui joue au yoyo

La vague de froid qu’on connaît n’est pas la preuve que le climat se détraque, affirment les experts interrogés par La Presse. « On ne peut pas faire de lien entre la variabilité de la météo et les changements climatiques, mais on voit que cette variabilité naturelle est en train de changer. On joue au yoyo », nuance Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il faudrait voir des répétitions de ces phénomènes sur des décennies pour faire un lien », ajoute Simon Legault, d’Environnement Canada.

Moins d’épis

On prévoit du temps froid samedi et
dimanche, mais les épisodes de plus importante froidure devraient se faire plus rares dans l’avenir. « Ça peut encore arriver qu’on dépasse des records de froid, mais on va avoir de moins en moins d’événements de ce type », assure Dominique Paquin, spécialiste en simulation et analyse climatique au consortium Ouranos. « Les analyses qu’on a faites montrent qu’il y a de moins en moins d’épisodes de temps froid et qu’il va y en avoir de moins en moins. »

Records de chaleur

Dans les faits, on bat beaucoup plus de records de temps chaud que de temps froid. « Presque le double », précise Simon Legault, d’Environnement Canada. « Les températures chaudes sont de plus en plus chaudes et les températures froides, de moins en moins froides », souligne David Plummer, spécialiste en simulation et analyse climatique au consortium Ouranos.

17,8 °C en 1945

Bon à savoir : la température normale pour un 13 novembre est de 6 °C maximum et de - 1 °C minimum. Le record de chaleur ? Il est de 17,8 °C et remonte à 1945. « Des chiffres à faire rêver ou à faire pleurer », dit en riant Simon Legault.

Un vent du nord

L’air froid qu’on connaît s’est engouffré derrière la tempête de neige de lundi. Il est descendu des Territoires du Nord-Ouest en passant par les Prairies, avant de foncer sur le Québec. Des dizaines de records de froid ont été battus au Canada. Le mercure a atteint - 17,8 °C à Gatineau, près d’Ottawa, et - 15,8 °C à Windsor, dans le sud de l’Ontario.

Vers un week-end glacial

Les températures devraient se réchauffer au courant de la semaine prochaine. « On estime que la fin de novembre et le mois de décembre devraient revenir plus près des normales saisonnières », signale Simon Legault. En attendant, les stations de ski se préparent à ouvrir, si ce n’est déjà fait. « En moyenne, les Montréalais reçoivent près de 19 centimètres de neige au cours du mois de novembre au complet. On est déjà à 25, si on compte les 7 centimètres de la semaine dernière », dit Gilles Brien, météorologue. Le record de quantité de neige tombée à pareille date remonte à 1993, avec 19 cm. À 7 h mercredi matin, la dernière mesure faisait état de 18 cm tombés à Montréal, de 24 cm en Beauce et de 25 cm dans la grande région de Québec. Le mercure devrait baisser jusqu’à - 12 °C à Montréal , soit beaucoup plus froid que la moyenne de - 2 °C à laquelle les Montréalais sont habitués.

Déneigement des trottoirs et des pistes cyclables : « Pas de complot », dit la mairesse

La mairesse Valérie Plante a tenu mercredi à signaler qu’il n’y avait pas de mot d’ordre de son administration afin que des pistes cyclables soient déneigées avant des trottoirs à Montréal dans certains arrondissements. « Il n’y a pas de complot. Il n’y a aucune volonté de déblayer une piste cyclable plus rapidement qu’un trottoir, ce n’est pas le cas. C’est une question purement technique. » La mairesse a noté que des pistes cyclables pouvaient parfois être déblayées rapidement parce que les équipements utilisés par les employés de la Ville sont les mêmes que ceux utilisés pour déblayer la route. « C’est aussi simple que ça », a-t-elle dit. Valérie Plante répondait ainsi à une boutade employée plus tôt cette semaine par le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Lionel Perez, qui laissait entendre que les nombreux chantiers de la métropole étaient « un complot » de l’administration Plante pour inciter les citoyens à cesser d’utiliser la route.
— Nicolas Bérubé, La Presse

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le Domaine du Nival est situé sur une terre de 2,6 hectares qui longe la rivière Yamaska. Près de 14 000 vignes y sont plantées. On y cultive surtout le pinot noir, le vidal et le gamaret.

Les vignerons « sur le pied de guerre »

Course contre la montre dans les vignobles québécois. Le froid polaire annoncé dans la nuit de samedi à dimanche force les vignerons à passer en cinquième vitesse pour protéger leurs vignes et éviter des pertes catastrophiques. La chute de neige hâtive vient compliquer le travail des ouvriers agricoles. Des volontaires ont même été appelés en renfort.

« On est sur le pied de guerre, c’est un peu la panique, explique Yvan Quirion, président du Conseil des vins du Québec. On est tous sur le gros nerf. »

Même s’il ne s’agit pas d’un record, Environnement Canada évalue que la tempête de neige qui vient de déverser jusqu’à 35 centimètres sur le Québec est survenue environ un mois à l’avance sur la moyenne saisonnière. Mercredi, le froid s’est mis de la partie. Mais ce que les vignerons craignent le plus, ce sont les prévisions arctiques prévues pour la nuit de samedi à dimanche. Le mercure pourrait descendre jusqu’à - 18 °C, le point de bascule à partir duquel plusieurs cépages comme le pinot noir ou le chardonnay peuvent subir des dommages irréversibles.

C’est pourquoi les vignerons travaillent d’arrache-pied pour recouvrir d’un géotextile les vignes qui ne tolèrent pas naturellement les froids du Québec. Avant de procéder à cette opération, les branches doivent être coupées et le sol, dégagé de sa neige. En l’absence de couverture thermique, les vignes exposées à de grands froids ne produiront pas de raisins l’année suivante, car le bourgeon sera mort.

Au vignoble d’Yvan Quirion, le Domaine Saint-Jacques, ils seront une vingtaine aujourd’hui et demain à couvrir le plus de vignes possible avant le week-end.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le jour de la marmotte

Les vignerons québécois subissent encore les contrecoups d’un épisode de grand froid survenu les 23 et 24 novembre 2018. Une courte période de froid sibérien a causé des pertes importantes aux vendanges de cette année. Au vignoble d’Yvan Quirion, les pertes s’élèvent à 60 %.

Son confrère Mathieu Beauchemin, du Domaine du Nival, a, quant à lui, perdu de 6 à 7 tonnes de raisins, ce qui représente près de 150 000 $.

« Si on n’a pas fini de tailler et de mettre les toiles lorsqu’il arrive une tempête comme ça, c’est un peu le scénario catastrophe. On s’est dit, cette année, on ne se fera pas prendre ! On a changé certaines façons de faire, mais là, l’hiver est arrivé 10 jours plus tôt que l’année dernière », soupire-t-il.

Pour les vignes qui ne sont pas encore taillées et couvertes, ça nous force à passer avec un souffleur à feuilles pour enlever la neige sur les vignes et au pied des vignes. Une fois les sols remis à nu et après cela, on taille. C’est plus laborieux.

Mathieu Beauchemin, du Domaine du Nival

C’est pourquoi il a lancé un appel à tous sur les réseaux sociaux pour demander des renforts pour venir l’épauler.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

« Même si on a mieux joué nos cartes, on est coincés. De vendredi à lundi, on a eu entre 6 et 12 personnes par jour qui sont venues nous donner un coup de main. C’est vraiment génial, cet élan ! Je ne sais pas si c’est de la solidarité ou de la pitié, mais les gens ont senti qu’on en avait vraiment besoin. »

Plaza St-Hubert : Tuyaux gelés, eau coupée

La vague de froid actuelle cause bien des maux de tête aux commerçants de la Plaza St-Hubert : plusieurs d’entre eux sont privés d’eau en raison du gel de tuyaux.