Les dirigeants du terrain n’ont pas l’intention de mettre la clé sous la porte malgré le bras de fer qui les oppose au maire de Verdun.

« La Ville veut nous mettre dehors. Elle ne veut pas régler les problèmes. Mais ça n’arrivera pas. Jamais. On est ici pour rester ! »

Vice-président du Golf Exécutif Montréal, à L’Île-des-Sœurs, Guillaume Boulanger est catégorique : la menace d’expulsion brandie par le maire de Verdun, Jean-François Parenteau, la semaine dernière, ne tient pas la route parce que le bail emphytéotique de 70 ans qui lie les parties ne le permet pas.

« La résiliation du bail ? Bonne chance ! », lance-t-il.

« Le bail est très clair sur ce qui doit se passer lorsqu’il y a des désaccords, ajoute-t-il. On appelle ça l’arbitrage. »

Le maire Parenteau a d’ailleurs fait marche arrière, mardi, au conseil d’arrondissement, et annoncé que la Ville s’engageait dans un processus d’arbitrage à la demande du propriétaire du golf, Pierre Emond. « La demande de cessation est reportée », a-t-il dit.

Nombreux reproches

En attendant la décision de l’arbitre, Guillaume Boulanger a accepté de sortir de sa réserve pour donner sa version des faits dans ce dossier, où on a surtout entendu le point de vue de la Ville.

« Ç’a été une surprise d’apprendre dans La Presse que le maire voulait résilier le bail », dit-il d’emblée, dans le pavillon (clubhouse) du Golf Exécutif Montréal, où il nous avait donné rendez-vous. « Mais ce n’est pas une surprise de voir l’agressivité avec laquelle il nous traite. »

En effet, les litiges entre les parties sont nombreux et durent depuis plusieurs années.

La liste des reproches de M. Parenteau est longue : le golf de L’Île-des-Sœurs arrose ses verts avec de l’eau potable, il refuse de payer sa part de la station de pompage, il éclaire son champ d’entraînement avec de puissants projecteurs qui nuisent à la quiétude des citoyens et a une politique tarifaire trop élevée pour un golf public.

M. Boulanger affirme, de son côté, que ces critiques sont sans fondement.

« Ce n’est pas un golf municipal, ici. C’est un golf qui est détenu par une entreprise privée, insiste-t-il. La Ville n’a pas mis un sou. Elle nous a donné un site contaminé qu’on a décontaminé à nos frais. »

Les améliorations du terrain, l’équipement et les bâtiments nous appartiennent. M. Emond a investi 31 millions dans ce terrain.

Guillaume Boulanger, vice-président du Golf Exécutif Montréal

Écologique ou pas ?

À l’origine, en 2006, l’entente entre la Ville et le golf de L’Île-des-Sœurs portait sur le développement d’un golf écologique. C’est précisé clairement dans le bail signé par les deux parties en avril 2007, que La Presse a consulté.

Un désaccord subsiste cependant sur l’interprétation de ce qu’est un golf écologique. Pour la Ville, cela implique qu’il doive utiliser l’eau du fleuve grâce à une station de pompage plutôt que l’eau potable du réseau municipal.

Mais le certificat de golf écologique délivré en 2009 par le ministère de l’Environnement n’oblige pas le golf à arroser son terrain avec de l’eau brute.

« Dans notre certificat, on a l’autorisation de prendre de l’eau brute dans le fleuve pour irriguer notre terrain. On n’a pas l’obligation », indique le bras droit de M. Emond.

Résultat : le golf continuera à utiliser de l’eau potable, du moins pour le moment. Et il n’a pas l’intention de payer la moitié de la facture de la station de pompage, comme l’exige le maire Parenteau.

« Un golf public »

Autre point litigieux : la vocation publique du golf. Selon M. Parenteau, la Ville a autorisé la construction de ce golf sur un terrain municipal de L’Île-des-Sœurs à la condition qu’il soit public et accessible aux citoyens. Mais le bail ne fait aucune mention de ce caractère public. Le mot « public » n’apparaît nulle part.

Malgré cette absence d’obligation, M. Boulanger assure que le Golf Exécutif Montréal est public.

C’est une entreprise qui n’a pas l’obligation d’avoir un golf public, mais qui gère un golf public.

Guillaume Boulanger, vice-président du Golf Exécutif Montréal

Il faut comprendre que ce désaccord repose sur la confusion qui entoure le terme « public ». Dans l’esprit du maire et sans doute dans celui des citoyens de l’arrondissement, un golf est public quand il est accessible aux citoyens. Mais dans le jargon de cette industrie, on définit un golf public par opposition à un golf privé, réservé aux membres qui détiennent des parts, selon M. Boulanger.

Le Golf Exécutif Montréal, où il est possible à tous de prendre un abonnement, est donc public.

Cela ne veut pas dire qu’il est ouvert à tous ou qu’il est accessible. Depuis 2018, les gens qui veulent faire le parcours de neuf trous doivent être membres. Les forfaits vont de 5000 $ à 25 000 $ par année.

« Un golf, c’est un sport de luxe, rappelle M. Boulanger. Les terrains de golf ferment les uns après les autres. La clientèle change. Il faut que le modèle d’affaires change. Le milieu doit s’adapter. »

Litigieux luminaires

Pour ce qui est de l’éclairage du champ d’entraînement, décrié par de nombreux citoyens de la pointe sud de l’île, M. Boulanger maintient que tout a été fait dans les règles. Le golf a obtenu l’autorisation de l’arrondissement avant d’installer les luminaires.

« Ces lumières-là, elles ont été approuvées telles quelles. On a fait ce qui avait été prévu. J’ai même fourni à la Ville les documents qui le prouvent. »

Malgré cela, M. Boulanger affirme avoir procédé à des tests cet été pour trouver une solution qui satisfasse les citoyens. Des dispositifs permettant de masquer la lumière des projecteurs ont donné de bons résultats. Si tout va bien, ils pourraient être installés sur tous les luminaires d’ici la fin du mois.

« Ça va dépendre de la bonne foi de la Ville, nuance M. Boulanger. Je n’installerai pas tout ça si la Ville dépose une injonction [pour faire éteindre les lumières]. Est-ce que je travaille à régler ce problème-là ou est-ce que je travaille à me battre sur une injonction ? »

Un bail renouvelable

D’une durée de 40 ans, le bail emphytéotique qui lie la Ville au Golf Exécutif Montréal expire en 2047. Mais il comprend trois options de renouvellement de 10 ans, à la discrétion du locataire. C’est donc un bail de 70 ans. « Un bail emphytéotique, c’est un bail qui donne des pouvoirs importants au locataire, précise Guillaume Boulanger. On est quasi propriétaires du terrain pendant la durée du bail. »