Entre les sacs à ordures et les cartons éventrés qui s’accumulent derrière les restaurants de l’avenue du Mont-Royal, un large bac à fleurs surmonté d’un avertissement en caractères rouges : « Défense de jeter ses déchets ». À quelques pas de là, des caméras sont braquées sur les poubelles. Les restaurants du secteur ont pris ces initiatives pour lutter contre l’insalubrité de leur ruelle.

Ces derniers mois, la ruelle Généreux, qui longe l’avenue du Mont-Royal sur le Plateau, est plus sale que jamais, selon ses habitants, particulièrement entre De Lanaudière et Brébeuf. La sciure répandue sur le sol noirci par les huiles de cuisson ne suffit pas à absorber l’odeur nauséabonde qui s’en dégage. « Je trouve ça déplorable. Je trouve ça triste », commente Nathalie Roy, qui habite le quartier depuis trois ans.

La semaine dernière, Mme Roy a envoyé une plainte à la Ville de Montréal après avoir observé un important déversement d’huile dans la ruelle. C’était la deuxième fois en trois mois que cela arrivait. Le premier déversement a eu lieu en avril. Zoé, la chienne du voisin, trempait ses pattes dans l’huile lors de ses promenades quotidiennes.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Ces derniers mois, la ruelle Généreux, qui longe l’avenue du Mont-Royal sur le Plateau, est plus sale que jamais, selon ses habitants, particulièrement entre De Lanaudière et Brébeuf.

Pour ne rien arranger, les habitants ont constaté un nombre élevé de logements loués sur Airbnb dans le secteur. Les déchets ménagers sont ramassés le vendredi ; or les vacanciers quittent généralement les appartements le dimanche. Luc Martineau, qui vit ici depuis cinq ans, constate que des déchets attendent dehors pendant toute la semaine.

La journée des déménagements n’a fait qu’amplifier le problème, selon lui. 

Cette période, c’est pire parce que les gens arrivent le 1er juillet et c’est normal. Mais c’est régulier. Il y a toujours un surplus de déchets qui appartient à je ne sais qui.

Luc Martineau

Ce problème exaspère tout autant les restaurateurs.

Ari Goudsouzian est chef copropriétaire du Bungalow, l’un des restaurants donnant sur la ruelle. C’est son bac de récupération des huiles qui a provoqué la colère du voisinage.

La première fois, quelqu’un l’aurait renversé et il se serait déversé sur le sol. Les propriétaires ont reçu une amende. Pourtant, eux aussi déplorent l’incident. « Je recycle l’huile parce que [les entreprises qui la récupèrent] me donnent de l’argent, explique M. Goudsouzian. Ce n’est pas dans mon intérêt de jeter l’huile à terre, de jeter l’argent à terre. »

« On est très propres »

La semaine dernière, quelqu’un aurait placé un sac à ordures dans son bac de récupération des huiles et l’aurait fait déborder. « Tout de suite, je suis allé chercher le tuyau d’arrosage et j’ai commencé à nettoyer, raconte le chef cuisinier. J’ai fait mon possible pour sortir le sac de l’huile pour que ça ne déborde pas encore plus. » Depuis, son équipe récure le sol à coup de savon et de dégraissant pour faire partir les résidus.

Face au manque de civisme de ceux qui déposent sauvagement leurs ordures, les restaurateurs semblent pédaler dans l’huile. « C’est des montagnes ! », s’exclame Hugo Laramée, gérant de l’India Rosa.

On nettoie… une journée après, les gens ont remis [des déchets].

Hugo Laramée

Malgré leur bonne volonté, ils se disent dépassés par la situation. « On a fait des plaintes à la Ville pour faire bouger les choses, explique M. Laramée. On est tannés d’être toujours en train de nettoyer, de se faire taper sur les doigts. Ce n’est pas de notre faute parce qu’on est très propres et très soucieux du voisinage. »

Mais les plaintes n’ont rien changé, et la responsabilité est souvent attribuée aux commerçants. « Le règlement sur la propreté exige de nettoyer en avant et en arrière de chez soi. Donc ce n’est pas vrai que c’est la Ville qui est forcément responsable si c’est derrière chez eux, explique Catherine Piazzon, chargée de communication de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. C’est normal que ce soit eux qui ramassent. » Pour les dépôts sauvages, elle les invite à appeler le 311.

Dissuader les pollueurs

Pour dissuader les pollueurs, la famille Sandhu, propriétaire de l’India Rosa, a installé samedi un bac à fleurs sous l’œuvre murale rose que l’établissement avait fait peindre pour éviter les graffitis. « Ça donne un beau look, et depuis qu’on a fait ça, du jour au lendemain, il n’y a plus aucun déchet qui a été mis là, ni en dessous, ni par-devant », rapporte le gérant.

L’initiative a été acclamée par les voisins. « Ça fait du bien. C’est comme une bouffée de fraîcheur dans un coin de ruelle qui est vraiment mal en point », souligne Mme Roy. Le coin rose et fleuri flatte l’œil et le nez des passants, mais le problème n’est que repoussé. Les déchets s’accumulent désormais derrière le restaurant voisin.

De leur côté, les propriétaires du Bungalow comptent démasquer les pollueurs. Ils ont installé des caméras de surveillance au-dessus de leurs bacs. « Là, on va vraiment avoir des preuves quand on voit que quelque chose a été mis et que ce n’est pas nous autres. Et surtout, juste en mettant les caméras, ça va sûrement être dissuasif », espère Ari Goudsouzian.