(Ottawa) Le ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, François-Philippe Champagne, ne veut pas que l’on élimine banalement toute trace du vieux pont Champlain, qui a bien servi les gens de la région de Montréal pendant près de six décennies.

S’il a songé pendant quelque temps à transformer cette infrastructure en un immense parc urbain — une option qui a été écartée en raison de la facture imposante pour les contribuables et des risques que cela représentait pour la sécurité —, M. Champagne offre maintenant aux gens qui le souhaitent de mettre la main sur un morceau du pont Champlain en guise de souvenir.

Ce faisant, le ministre veut ainsi s’inspirer de lieux importants qui ont marqué l’histoire, tels que le mur de Berlin, en Allemagne, symbole de la guerre froide et du partage du monde en deux blocs entre les États-Unis et l’ex-Union soviétique, ou encore le vieux Forum de Montréal, où a eu lieu la fameuse émeute du 17 mars 1955 après que la LNH eut suspendu le joueur étoile du Canadien Maurice Richard.

La chute du mur de Berlin en 1989 a été un des grands événements marquants du dernier siècle. De nombreux Allemands ont tenu à conserver un morceau de ce mur qui a été érigé en 1961 et qui a divisé leur pays en deux pendant près de trois décennies.

PHOTO PATRICK HERTZOG, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La chute du mur de Berlin en 1989 a été un des grands événements marquants du dernier siècle.

Dans le cas de l’émeute au Forum de Montréal, elle est considérée par beaucoup comme l’éveil du Québec français avant le début de la Révolution tranquille. De nombreux partisans du Canadien ont pu mettre la main sur un siège de l’amphithéâtre avant qu’il ne change de vocation en 1997, après avoir été le domicile du Tricolore pendant 70 ans.

Dans une entrevue accordée à La Presse, à quelques jours de l’ouverture officielle du tout nouveau pont Samuel-De Champlain, le ministre Champagne affirme que permettre aux Québécois d’obtenir un morceau du vieux pont est une façon de souligner l’importance de cette infrastructure dans l’histoire de la région de Montréal.

« Pour s’inspirer de l’histoire et compte tenu que l’on sait que Samuel de Champlain a traversé l’Atlantique plus d’une vingtaine de fois à son époque, il faut garder un morceau de cette grande œuvre qui a quand même servi les Montréalais pendant plusieurs décennies. Dans le cas du mur de Berlin, on a permis aux gens d’aller se chercher un morceau de ce fameux mur pour immortaliser dans le temps ce que c’était. Nous allons donc avoir cette version canadienne, québécoise, montréalaise de cela », a indiqué le ministre.

Appel d’offres

Les détails de cette démarche restent encore à définir avec l’entreprise qui sera choisie pour mener à bien la délicate opération de la déconstruction du vieux pont Champlain. L’appel d’offres du contrat de déconstruction vient d’être lancé.

« On tient à marquer l’histoire à notre façon avec un personnage comme Champlain. Ce sera probablement un morceau de béton. Tout le monde qui le veut pourra venir chercher un morceau. On devra le faire en respectant les normes de santé et de sécurité des usagers », a-t-il dit.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

François-Philippe Champagne, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités

Si les gens sont au rendez-vous, tant mieux. Sinon, on aura essayé de faire vivre quelque chose aux Montréalais et aux Québécois.

François-Philippe Champagne, ministre de l’Infrastructure et des Collectivités

Le ministre compte d’ailleurs lui-même mettre la main sur un morceau du pont en guise de souvenir. « Ah, bien sûr ! Non seulement je serai dans la première voiture qui va traverser le nouveau pont Samuel-De Champlain lundi, mais cela va même me faire plaisir d’être là pour distribuer des morceaux aux gens qui en voudront bien ! C’est ma façon de marquer l’histoire. C’est quelque chose de symbolique plus qu’autre chose. Mais ça permet, d’une certaine façon, de mettre les gens dans le coup. »

400 millions pour déconstruire

Au départ, M. Champagne a indiqué qu’il a « rêvé » de faire comme à New York, où on a utilisé une portion de 2,3 km des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side pour en faire un parc linéaire urbain connu sous le nom de High Line. « C’est aujourd’hui un parc piétonnier et c’est génial. Mais les gens m’ont expliqué que le pont Champlain est véritablement arrivé à sa fin de vie utile de façon prématurée à cause de l’usage du sel. Autre fait important, 80 % du poids vient de la structure et non pas des véhicules qui y circulent. Donc, cela fait en sorte que ce n’est pas possible parce que ça coûterait des dizaines de millions par année uniquement pour l’entretenir, même s’il n’y a pas de trafic dessus. »

L’option de rechange qu’il a retenue se mettra en branle une fois que la phase de déconstruction sera lancée. La déconstruction est un projet relativement complexe qui durera de deux à trois ans et qui va coûter au bas mot 400 millions de dollars.

« Il faut le faire dans le cadre de nos politiques de développement durable. Il faut aussi tenir compte de la sécurité des travailleurs et de l’environnement. On ne déconstruit pas en 2019 comme on le faisait à une autre époque », a dit le ministre.