Le chantier du Réseau express métropolitain (REM) est un vaste casse-tête pour de nombreux employeurs du centre-ville de Montréal qui anticipent les impacts de la fermeture de la ligne de trains de banlieue Deux-Montagnes sur leur personnel et donc sur leur propre productivité.

On compte parmi eux Hydro-Québec, le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale ; les deux premiers jonglent avec l’idée de déplacer des équipes de travail en périphérie et l’autre a déjà aménagé deux endroits pour contourner les obstacles.

La relocalisation temporaire des employés s’ajoute aux solutions déjà mises de l’avant pour tenter d’accommoder les travailleurs, mais également pour éviter des problèmes d’absentéisme ou même la tentation chez certains employés de changer d’emploi : télétravail, horaires flexibles et covoiturage, par exemple.

Chez Hydro-Québec, 200 employés qui travaillent au centre-ville habitent dans le secteur de Deux-Montagnes. « On explore la possibilité d’utiliser des espaces de bureaux qui nous appartiennent et qui pourraient être mis à leur disposition. Cela fait partie des solutions envisagées », affirme Louis-Olivier Batty, des affaires publiques chez Hydro-Québec. La société d’État a été invitée, par ailleurs, à participer à une possible table de concertation qui serait mise en place par les gestionnaires du projet du REM afin de discuter des problèmes de mobilité.

Réflexion globale

Le Mouvement Desjardins se dit également préoccupé, mais analyse la situation dans son ensemble. « Tout le monde pense à Deux-Montagnes, mais c’est tout le territoire qui subit les impacts des travaux du REM. Il y en a aussi sur la Rive-Sud, par exemple. Notre réflexion est donc globale sur tous les déplacements de nos employés pour se rendre au travail », explique Valérie Lamarre, conseillère principale aux relations publiques au Mouvement Desjardins.

Cette dernière souligne que « la relocalisation pourrait faire partie des solutions parce [qu’il y a] des locaux existants, mais il est encore trop tôt pour statuer là-dessus », explique Mme Lamarre. Dans l’immédiat, Desjardins procède à une évaluation du nombre exact d’employés touchés par le REM et de leurs besoins.

De son côté, la Banque Nationale a décidé d’agir il y a déjà quelques semaines. 

« On offre aux employés touchés par la ligne de Deux-Montagnes la possibilité de travailler à partir de deux emplacements que nous avons réaménagés, un à Laval et l’autre à Saint-Laurent. »

— Marie-Pierre Jodoin, directrice principale des affaires publiques à la Banque Nationale

Selon Mme Jodoin, « les sites ne sont pas utilisés à leur plein potentiel, mais on s’attend à avoir une évolution au fur et à mesure que la situation se déploiera ». Les deux emplacements permettent la relocalisation de 165 personnes.

Perturbations en 2020

Tous confirment que la réflexion en entreprise se fait en accéléré. Et pour cause, puisque les travaux d’aménagement du REM auront des conséquences importantes sur l’accès direct au centre-ville dès le début de l’année prochaine. C’est à partir de ce moment que les trains en provenance de Deux-Montagnes et de Mascouche ne pourront plus franchir le tunnel du mont Royal. De 2021 jusqu’en 2024, la fermeture complète de la ligne Deux-Montagnes viendra ajouter de la pression sur les travailleurs qui ont choisi de vivre en banlieue.

Un réseau transitoire de transports collectifs est prévu, dont des autobus qui se dirigeront vers la station de métro Côte-Vertu, pour la ligne Deux-Montagnes. 

Dix-mille usagers de plus qui pourraient ainsi se retrouver sur la ligne orange aux heures de pointe. 

Des mesures pour faciliter la circulation des autobus sont en évaluation (voies réservées, feux prioritaires, horaires modifiés et augmentation de la fréquence), mais rien n’est encore officiel.

Joint aux États-Unis, où il est en mission économique, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, estime que ces mesures d’atténuation « ne suffiront pas » pour faire face à « une réalité complexe ». « Ce qui est requis est costaud », soutient-il en précisant qu’une large part de la solution est entre les mains des entreprises, qui devront revoir leurs pratiques.

En 2017, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a mené un projet-pilote afin d’« identifier les meilleures pratiques des grands générateurs de déplacements », c’est-à-dire les grandes entreprises dont le personnel est concentré dans une tour au centre-ville, par exemple. La réflexion s’est amorcée à cause des problèmes généralisés de congestion dans la région de Montréal ; les impacts du REM n’étaient pas connus à l’époque.

« Dans un univers de congestion, on enlève une solution qui était le transport en commun, soit la ligne Deux-Montagnes. On vient accentuer un problème qui existait déjà. Ça prend donc une solution plus agressive », estime M. Leblanc. Selon lui, il ne faut pas rater l’occasion que représente une telle « crise » : le marché du travail doit changer.

Le président et chef de la direction de l’agence immobilière Devencore, Jean Laurin, reconnaît que les travaux d’aménagement du REM « perturbent tout le monde », et surtout les très grandes entreprises. Mais à cette étape-ci, « ce n’est pas la panique », précise-t-il. « Derrière tout ça, il y a un risque opérationnel. C’est ce qui est en jeu. Les entreprises doivent réfléchir à comment gérer le risque », commente M. Laurin.

À cet égard, si la relocalisation temporaire peut être envisagée, un déménagement n’est pas une solution, croit-il, car à long terme, le REM est un projet d’envergure qui aura des retombées positives. « La venue du REM va apporter des opportunités de développement qui seront fort intéressantes », affirme Jean Laurin.

Qu’est-ce que le REM ?

Le Réseau express métropolitain (REM) est un train électrique autoguidé sur un trajet de 67 km reliant la Rive-Sud, le centre-ville montréalais, l’aéroport Trudeau, l’Ouest-de-l’Île et la couronne nord. Pour permettre le passage du REM, 30 km de voies ferrées existantes doivent être réaménagés, ce qui provoquera la fermeture de la ligne Deux-Montagnes. Le projet de 6,3 milliards est sous la responsabilité de CDPQ Infra, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec. CDPQ Infra bénéficie d’une loi qui lui attribue le statut de mandataire de l’État et lui permet de ne pas être assujettie aux règles d’urbanisme, par exemple. CDPQ Infra a confié le contrat de conception et de construction du REM à un consortium d’entreprises appelé NouvLR. Les premiers départs sont prévus en 2021 entre Brossard et le centre-ville de Montréal. Une deuxième phase de développement est à l’étude.