Des opposants au registre québécois des armes à feu ont manifesté au centre-ville de Montréal, samedi matin, un peu plus de deux semaines après la date limite d'enregistrement pour les propriétaires de fusils de chasse et de carabines.

Portant un gilet orange, les militants du mouvement « Contre le registre, pour la santé mentale » s'étaient donné rendez-vous à 8 h à la place Jean-Paul-Riopelle, non loin du Palais des congrès de Montréal où se déroule le Salon Plein Air, Chasse et Camping tout au long du week-end.

Un des organisateurs du rassemblement, Michel Therrien, estime que le débat autour du registre baigne dans une confusion qui « démonise la chasse ».

« Les gens vont voir à la télévision des échanges de coups de feu à Montréal et se dire que c'est sûr que ça prend un registre, illustre-t-il. Les journaux colportent des fois une page couverture avec une arme de poing ou des armes de type militaire, mais ce ne sont pas les armes qui sont concernées présentement par ce débat-là. »

La Loi sur l'immatriculation des armes à feu, adoptée sous le gouvernement de Philippe Couillard et entrée en vigueur le 29 janvier 2018, accordait aux Québécois un an pour enregistrer leurs armes sans restriction - c'est-à-dire n'entrant ni dans la classe prohibée ni dans celle à autorisation restreinte. Il s'agit donc surtout d'armes d'épaule.

Lui-même guide de chasse, Michel Therrien estime que le processus déjà en place pour se porter acquéreur de ces armes, soit la réussite d'un cours de maniement et l'obtention d'un permis, était amplement suffisant.

Guy Morin, de « Tous contre un registre québécois des armes à feu », soutient que la lourdeur administrative rebute la relève et même les chasseurs d'expérience.

« C'est très difficile à comprendre pour les gens qui restent plus dans les villes et qui n'ont pas cette culture-là de la chasse, fait-il valoir. Le registre des armes à feu, c'est comme la goutte qui fait déborder le vase. C'est le point de rupture qui fait que plusieurs personnes ont décidé que c'était terminé. »

Sans compter que certains chasseurs pensent être injustement associés aux tueries.

« À la base, les gestes qui sont liés à la naissance de ce registre-là, ce sont des homicides commis par des individus qui étaient en proie à des problèmes sévères de santé mentale », relève Michel Therrien, qui souligne être détenteur d'un baccalauréat en criminologie.

« C'est en ce sens-là qu'il faut qu'il y ait des programmes de dépistage et d'intervention », ajoute-t-il.

« Complètement démesuré »

Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique, rejette avec véhémence l'idée que les armes d'épaule soient rarement utilisées à mauvais escient.

Le groupe PolySeSouvient cite des chiffres fournis par la Sûreté du Québec, selon lesquels près de 80 % des armes saisies à la suite d'un crime ou d'un suicide entre 1991 et 2011 étaient en fait des armes d'épaule.

Aux yeux de Mme Provost, bien que le registre ne constitue pas une solution miracle, la traçabilité des armes demeure indispensable.

Ainsi, lorsque les policiers sont alertés quant à des cas de violence conjugale ou de détresse psychologique, ils peuvent procéder à leur retrait préventif.

La porte-parole de PolySeSouvient reconnaît que des investissements en santé mentale sont nécessaires, mais fait valoir qu'il faut également limiter la létalité des moyens à la portée des personnes tourmentées.

La levée de boucliers face au registre est selon elle « complètement démesurée ».

« On ne veut pas empêcher la chasse. On ne veut pas empêcher la possession d'armes, souligne-t-elle. L'enregistrement, c'est quelques minutes de contrôle. »

« Il y a un paquet de choses qu'on enregistre dans notre société. On enregistre les voitures. On enregistre les animaux. Pourquoi ? Parce que ça responsabilise le propriétaire », poursuit-elle.

Le gouvernement québécois avait annoncé son intention de se doter de son propre registre d'armes d'épaule lorsque le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait aboli le registre fédéral en 2012.

À la veille de la date-butoir du 29 janvier dernier, moins du quart des armes de la province avaient été immatriculées, selon le ministère de la Sécurité publique.