Montréal interdira d’ici la fin de l’année le glyphosate, un herbicide controversé que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe comme un agent cancérigène probable.  

La ville s’inquiète principalement des effets néfastes des résidus de l’herbicide sur l’eau potable, la qualité des sols et les aliments. Des inquiétudes que partage le gouvernement Legault, qui étudie ces jours-ci la question.  

« On a pris connaissance de la conclusion de l’OMS et de possibles résidus dans nos aliments. Il faut qu’on protège la santé des Montréalais et de leur environnement. Si ça peut inspirer d’autres municipalités, tant mieux », affirme Laurence Lavigne Lalonde, responsable de la transition écologique, d’Espace pour la vie et de l’agriculture urbaine et membre du comité exécutif à la Ville de Montréal.

Le règlement municipal sur les pesticides sera amendé pour empêcher l’utilisation du produit. L’usage domestique des pesticides est déjà interdit sur le territoire montréalais : il faut faire une demande de permis temporaire à la Ville pour utiliser de tels produits. En vertu du nouveau règlement, il ne sera plus possible de demander un permis pour le glyphosate, indique Laurence Lavigne Lalonde. L’interdiction sera en vigueur sur le territoire montréalais, ce qui exclut les agglomérations.

À Québec, le gouvernement partage les inquiétudes de Montréal et réfléchit à réglementer à son tour l’utilisation du glyphosate. Pourrait-on bannir son utilisation ? « On n’est pas rendu là, mais on ne l’exclut pas », a affirmé jeudi le premier ministre François Legault.  

Toujours disponible en magasin

En 2015, le centre international de recherche sur le cancer de l’OMS a classé le glyphosate pur comme un agent « probablement cancérigène pour les humains ». Le glyphosate est l’ingrédient actif d’un désherbant commercialisé par le géant agrochimique Monsanto Bayer, sous le nom de Round Up. Par contre, en 2017, Santé Canada autorisait la vente de 186 différentes préparations, tant pour l’agriculture que pour l’usage domestique.

Les particuliers et les entreprises pourront toutefois continuer à acheter des produits comme Round Up, puisque la Ville de Montréal n’a pas la capacité d’en interdire la vente. Pour s’assurer du respect de son nouveau règlement, la Ville devra compter sur le travail des inspecteurs.

Comme le glyphosate est utilisé principalement en agriculture, on ne parle pas d’une présence accrue de glyphosate sur les pelouses montréalaises. Certains endroits seront touchés par cette interdiction comme le Jardin botanique, les clubs de golf, la pépinière de Montréal et quelques agriculteurs, selon Mme  
Lavigne Lalonde. « Même si ce n’est pas une utilisation massive, il y en a une. On prend donc des précautions », ajoute-t-elle.

« Nous comprenons parfaitement la décision de la Ville et nous allons dès maintenant cesser l’utilisation du glyphosate », a annoncé Anne Charpentier, directrice du Jardin botanique.

Le Jardin botanique n’utilise le produit qu’en dernier recours, avec parcimonie, pour contrôler la prolifération de plantes envahissantes comme le dompte-venin, la ficaire et le nerprun, précise-t-elle. Ces espèces pourraient mettre en péril les collections existantes du jardin. D’autres solutions consistent à appliquer des savons biologiques ou du vinaigre sur les plantes ou à les arracher dès leur apparition. « On préconise ces méthodes avant d’utiliser le glyphosate », insiste la directrice.  

Cependant, ces mesures sont moins efficaces que le glyphosate : l’ingrédient pénètre dans les vaisseaux de la plante pour l’éliminer, alors que les autres produits restent en surface, selon Mme Charpentier. « Nous allons tout simplement redoubler d’efforts en organisant des corvées pour arracher ces trois espèces de plantes », précise-t-elle.

De son côté, l’Union des producteurs agricoles (UPA) juge que l’initiative de Montréal est précipitée. L’UPA urge les municipalités québécoises d’attendre les conclusions de la commission parlementaire sur l’impact des pesticides, qui aura lieu dans quelques semaines.

« La situation deviendra rapidement insoutenable si chaque municipalité réglemente l’usage des pesticides sur son territoire », peut-on lire dans un communiqué publié jeudi.  

Effets néfastes

Quand il est utilisé en très grande quantité, comme sur les terres agricoles, le glyphosate peut affecter la santé des cours d’eau, plaide l’écologiste Marie-Pier Hébert, auteure d’une étude sur les apports de phosphore qui proviennent du glyphosate.

Certains pays l’ont banni par précaution, car des recherches suggèrent que le produit est cancérigène. Il n’existe toutefois aucun consensus. « Son utilisation peut avoir des effets néfastes si la concentration est très élevée », dit-elle. En milieu urbain, les chances d’une concentration aussi haute sont minces. Selon Marie-Pier Hébert, c’est en Montérégie que le glyphosate est le plus utilisé au Québec.

« Dans l’optique d’une véritable transition écologique, il ne faut pas qu’on bannisse un pesticide juste pour en utiliser un autre. Il faut trouver des alternatives plus vertes », juge-t-elle. Elle voit tout de même d’un œil favorable l’initiative de la Ville de Montréal.

Une lettre a été envoyée à tous les gens susceptibles d’utiliser du glyphosate, indique Mme  
Lavigne Lalonde. « Si les utilisateurs ont des préoccupations, on les accompagnera et on les aidera à trouver des solutions », assure-t-elle.

La multinationale Bayer, qui commercialise le produit Round Up, se trouve actuellement au centre d’une controverse. Les potentiels effets cancérigènes du glyphosate ont conduit la compagnie devant les tribunaux.

- Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse