(Montréal) Des milliers de personnes ont envahi dimanche après-midi le boulevard René-Lévesque, au centre-ville de Montréal, pour le 36e défilé de la Fierté à Montréal. L’ambiance était à la fête le long du parcours de 2,7 km, où une trentaine de chars allégoriques et de fanfares ont défilé, accompagnés de 12 000 marcheurs.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a marché aux côtés des premiers ministres François Legault et Justin Trudeau. Tous les chefs des partis provinciaux et fédéraux étaient présents, sauf le chef conservateur Andrew Scheer et celui du Parti populaire du Canada, Maxime Bernier, qui brillaient par leur absence.

Des absences que n’a pas manqué de souligner Justin Trudeau en conférence de presse avant le départ. « La Fierté, c’est plus qu’un défilé. C’est important que les gens puissent sortir dans les rues et être fiers de qui ils sont. Tous les politiciens devraient appuyer ce genre d’événement qui encourage les gens à être eux-mêmes », a-t-il déclaré.

Le premier ministre a également appelé à aller au-delà de la tolérance. Selon lui, les Canadiens sont rendus bien plus loin dans leur ouverture à la diversité.

« Tolérer quelqu’un c’est accepter qu’il ait le droit d’exister, mais qu’il ne vienne pas trop me déranger. Qu’on arrête d’appeler pour de la tolérance au Canada. Il faut parler d’acceptation, d’amitié, de respect et d’amour les uns pour les autres », a-t-il souhaité.

En entrevue à La Presse canadienne, avant le défilé, le président fondateur de Fierté Montréal, Éric Pineault, a réitéré à quel point ces festivités sont capitales. « C’est un défilé très important pour l’avancement des droits LGBT, pour atteindre la pleine acceptation et reconnaissance sociale », a expliqué.

Une position partagée par plusieurs festivaliers rencontrés, dont Jean-François Huard qui était bien entouré d’amis pour célébrer et s’afficher en toute liberté. Le Montréalais considère que le défilé est nécessaire pour « travailler à améliorer l’ouverture d’esprit ».

Ghislain Pelletier, parti de sa région de Lanaudière pour assister au défilé, y voit l’occasion de « montrer qu’on est fier d’être qui on est » et une opportunité de conscientiser le reste de la planète. « Il ne faut pas oublier qu’il y a encore des pays où l’on peut se faire tuer », rappelle-t-il.

Un message qui fait écho à celui de la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May. « Avec les politiques régressives que l’on voit, il est encore plus important de souligner que nous sommes un pays qui protège les droits des personnes LGBTQ “partout dans le monde », a-t-elle insisté.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh se trouvait lui aussi au cœur des célébrations. Pour lui, cette journée représente surtout « un engagement à protéger le droit d’aimer qui vous aimez ».

Le cortège festif s’étirait sur des kilomètres de couleurs et de costumes excentriques. La foule et les marcheurs du défilé rivalisaient d’originalité dans leurs tenues exhubérantes aux couleurs arc-en-ciel agrémentées de paillettes et de spectaculaires arrangements floraux.

Les drapeaux flottaient par milliers tout au long de passage du défilé et même sur de nombreux balcons surplombant le boulevard où des gens faisaient aussi la fête.

Parmi les numéros spectaculaires, le char allégorique du Casino de Montréal misait sur des acrobates ; les athlètes LGBTQ+ en ont mis plein la vue avec leurs pirouettes et l’on dansait allègrement autour du véhicule de la communauté juive avec sa musique entraînante.

Les retombées économiques

Les retombées économiques directes de l’événement sont estimées à plus de 15 millions, selon Fierté Montréal. L’organisme croit même avoir atteint les 2,5 millions d’entrées à ses divers événements, ce que le bilan devra ensuite confirmer.

« On est devenu un des six plus grands festivals au Québec, tous festivals confondus. Alors, c’est une belle croissance. On voit que la population est derrière nous », ajoute-t-il visiblement heureux.

Selon le président de Fierté Montréal, près de 25 % des touristes proviennent de l’extérieur du Québec, principalement d’Europe.

Marine et Adrien, deux touristes français rencontrés séparément dans la foule ont profité de leur passage à Montréal pour se joindre à la fête. Pour Marine, ce type de célébrations doit se poursuivre pour faire en sorte que les gens de la communauté LGBTQ+ n’aient plus jamais peur. « Ce n’est pas encore le cas partout », déplore-t-elle.

Le festival de Fierté Montréal a commencé le 8 août dernier, proposant 256 d’événements où la musique et la danse étaient bien évidemment à l’honneur, tout comme les traditionnels spectacles de drag-queen. Les visites guidées du village ont aussi gagné en popularité, souligne Éric Pineault.

Le défilé de la Fierté vient clore 11 jours de festivités dans la métropole, la fête devait toutefois continuer jusque tard en soirée au parc des Faubourgs, dans Le Village, dans le cadre du « méga T-Danse », au rythme de la musique proposée par des DJ.

Création du prix John-Banks

S’il s’agissait du 36e défilé de la Fierté dans les rues de Montréal, il faut savoir que le mouvement a été amorcé il y a 40 ans dans la métropole, avec une interruption pendant quatre années dans les débuts de ce défilé qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis.

« La première marche s’est tenue en 1979. Elle était organisée par M. John Banks. Il y a eu plusieurs organismes, dont Diversité, qui ont pris la relève […] et c’est Fierté Montréal qui l’organise depuis 2007 », a relaté M. Pineault qui a rendu hommage à son prédécesseur avant le départ.

Fierté Montréal a créé le prix John-Banks, dont la première statuette a été remise à celui dont elle porte le nom. Les prochains récipiendaires seront « des bâtisseurs exceptionnels » du mouvement LGBTQ+.

« Dans ma tête, je voulais qu’on ait une parade et pas une autre manifestation. Je voulais une journée où l’on aurait du plaisir, où l’on allait s’amuser et être dans la rue. Je vous remercie du plus profond de mon cœur pour cet honneur et si j’accepte, c’est au nom de tous les centaines de milliers de bénévoles », a commenté avec émotion M. Banks en accueillant son prix.

D’ailleurs, derrière l’ambiance de fête, les organisateurs ne cachent pas qu’il reste encore beaucoup de travail de sensibilisation à faire. Ceux-ci révèlent avoir à faire à un nombre record de propos transphobes et homophobes sur leurs plateformes sociales.

« C’est du jamais vu ! Plus notre notoriété augmente, plus ces commentaires apparaissent », dénonce Éric Pineault.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, reconnaît que le combat est loin d’être terminé. Et c’est la principale raison pour laquelle tous les politiciens devaient y être selon lui.

« Tant que ce combat ne sera pas fini, la fête ne sera pas qu’une fête, ce sera aussi un geste de sensibilisation auquel tout le monde, de tout parti et de tout palier du gouvernement a l’obligation de participer parce que sinon il y a des morceaux de la société que l’on va échapper », a-t-il déclaré.

Montréal candidate du World Pride 2023

La ville de Montréal est candidate pour la tenue du Word Pride en 2023. Une sorte de « Jeux olympiques de notre communauté », compare Éric Pineault. Ce grand rassemblement mondial se tient à New York cette année, où l’on attendait 3 millions de festivaliers d’après le maire de la métropole américaine.

Outre Montréal, deux autres villes sont aussi en lice pour l’événement 2023, soit Houston (États-Unis) et Sydney (Australie). L’identité de la ville gagnante sera révélée à Athènes, le 20 octobre prochain.

Les organisateurs peuvent déjà compter sur l’appui de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui rêve elle aussi du prestigieux rassemblement. « Tous les paliers de gouvernement sont de la partie pour faire une candidature incroyable et moi, j’y crois ! », a-t-elle mentionné tout juste avant le défilé.