Les vacances sont terminées pour Marie Plourde. La conseillère du Plateau-Mont-Royal rentre de son « schack », comme elle l’appelle, un chalet situé non loin de la réserve faunique de Papineau-Labelle que son « chum » tente de rénover tant bien que mal. « Disons qu’il expérimente et qu’il y a eu quelques essais-erreurs », dit-elle.

Comme beaucoup, j’étais persuadé que Marie Plourde allait se présenter à la mairie du Plateau-Mont-Royal lors de l’élection partielle, qui aura lieu en octobre prochain. Devant une limonade salvatrice lors d’un jour de canicule, elle m’a expliqué pourquoi elle a souhaité passer son tour.

« Cette décision est quelque chose de typiquement féminin… J’y ai pensé, mais je me suis dit que je n’étais pas prête. D’abord, ma fille est encore petite. En plus, j’ai toujours eu cette crainte de ne pas bien faire les choses. Et pour être à la mairie du Plateau, il faut bien faire les choses. Si Luc avait annoncé son départ pour 2020 ou 2021, j’aurais peut-être plongé. »

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Marie Plourde, conseillère d’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, a décidé de ne pas se présenter à la mairie de l’arrondissement lors de l’élection partielle qui aura lieu en octobre prochain.

Luc, c’est Luc Ferrandez, celui qui a pris tout le monde par surprise en annonçant son départ de la mairie du Plateau-Mont-Royal le 14 mai dernier. Luc, c’est aussi le conjoint de Marie Plourde.

« Je crois que je n’avais pas envie de passer pour un imposteur, dit-elle. Et puis, on va se le dire, en politique, ça manque d’humilité », ajoute-t-elle en éclatant de rire.

Luc Ferrandez a quitté la mairie parce qu’il avait le sentiment de ne pas retrouver au sein de l’administration centrale le même sentiment d’urgence qui l’habite. Je demande à Marie Plourde si son sentiment d’urgence, à elle, se concilie avec la tête du parti. Elle n’esquive pas la question, mais pèse ses mots.

« J’étais déçue de la décision de Luc, affirme-t-elle. Je lui ai dit que ce n’était pas une bonne idée. Il était le ténor d’une certaine frange du parti plus à gauche, dont je fais partie. Je crois que Luc a baissé les bras trop rapidement. Cela dit, une certaine fatigue s’était aussi installée. Il veut mener son combat d’une autre façon. »

Mais comme nous n’étions pas là pour parler uniquement de celui qui emprunte actuellement le chemin inverse de sa compagne (il quitte la politique pour devenir chroniqueur au 98,5), l’ancienne animatrice de télé et de radio jure que, sept ans après son élection comme conseillère, elle a toujours le feu sacré. « Sérieusement, j’avais hâte de revenir au boulot. »

Titulaire d’un diplôme en urbanisme, Marie Plourde en avait marre de circuler dans la ville avec un regard critique. Elle a décidé de faire le saut en politique municipale en 2013 afin de contribuer à l’évolution de Montréal. 

La notoriété que lui a procurée la télé et la radio a-t-elle joué en sa faveur ? « C’est sûr », répond-elle sans hésitation.

Lorsqu’elle a fait part de son intention de se lancer en politique municipale, on lui a d’abord parlé des arrondissements d’Outremont et de Rosemont. Mais pour celle qui est originaire de Grand-Mère et qui s’est installée dans le Plateau lors de son arrivée à Montréal, en 1985, une seule option était possible.

Marie Plourde a souhaité « faire ses classes ». Elle a pris le temps de bien comprendre les choses. Deux mandats plus tard, elle affiche une assurance certaine. Son expérience lui a toutefois appris qu’il ne fallait rien tenir pour acquis. « Chaque fois que tu te dis que tu es en contrôle, il arrive un dossier qui te fait dire : “Taboire, je ne l’avais pas vu venir, celui-là.” »

Être maire ou conseiller d’arrondissement, c’est faire face tous les jours aux récriminations ou aux vivats des citoyens. « Les gens nous rappellent constamment qu’ils payent des taxes, dit Marie Plourde. Avec le temps, j’ai appris à relativiser. »

Ces commentaires peuvent survenir n’importe où, n’importe quand. « C’est la beauté de la chose. On met un pied dehors et on est dans son bureau, dit-elle. En politique, il faut être à la hauteur des attentes, sinon on va s’en souvenir. »

L’équipe de la mairie du Plateau-Mont-Royal a adopté, au cours des dernières années, une série de mesures qui ont procuré à cet arrondissement l’image d’une enclave de bobos antivoitures.

Acclamées par certains, conspuées par d’autres, ces mesures font maintenant école dans d’autres arrondissements de la métropole.

Marie Plourde fait partie du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal. Quand je lui demande de me décrire le Montréal dans lequel elle aimerait vivre, c’est sans équivoque qu’elle me parle d’un environnement « où le transport en commun est accessible à tous ».

J’évoque une chronique récente dans laquelle je reproche à la nouvelle administration un manque de clarté quant à ses intentions sur la place de la voiture. Grosso modo, je dis : si on ne veut pas de voiture, qu’on le dise, mais qu’on arrête de créer par derrière des mesures qui ne font que frustrer les adeptes de la voiture. Je soulignais aussi l’absence d’un plan global pour l’ensemble du territoire.

La présidente de la Commission sur les transports et les travaux publics a lu avec intérêt cette chronique. Elle prend la balle au bond et me parle du plan de mobilité qu’elle est à préparer avec une vaste équipe et qui devrait être présenté dans quelques mois au comité exécutif. Ce document devrait dire clairement ce que doit faire Montréal afin de lutter contre le nombre grandissant et incontrôlable de véhicules sur son immense territoire.

« On tente de comprendre pourquoi les citoyens sont dépendants de leur voiture, dit-elle. Quand j’étais jeune, mon idole était David Bowie. Aujourd’hui, c’est Catherine Morency, une spécialiste de ce phénomène. Ce plan englobera le point de vue des Montréalais et de divers organismes. Ça ne sera pas juste le point de vue de la fille du Plateau. On vit un point de bascule, il faut faire des gestes concrets. Tout le monde le dit qu’il faut agir. »

Des représentants de tous les arrondissements et des villes liées font partie de ce groupe de travail. Le plan s’intéressera à tous les modes de transport que l’on retrouve sur le territoire du Grand Montréal. « Le problème est pluriel, la solution sera plurielle aussi. »

Marie Plourde se défend d’être une antivoiture aveugle et obstinée. « Quand on me dit qu’il faut penser aux personnes âgées qui ne peuvent se déplacer en vélo, je le comprends. J’ai une teinture, moi aussi je commence à avoir des cheveux gris. Il faut travailler sur les voitures inutiles. Toutes les voitures inutiles qui disparaissent laissent de la place à d’autres qui sont vraiment nécessaires. »

Cette jeune tête grise ressent toutefois un sentiment de bonheur quand elle amène sa fille à l’école et qu’elle aperçoit une faune bigarrée de parents qui ont choisi des moyens de transport non polluants pour accompagner leur progéniture. « On n’a pas de voiture chez nous, mais, comme tout le monde, on en a parfois besoin, dit Marie Plourde. On est abonnés à des systèmes de partage, on en emprunte parfois à des amis. »

Nous étions rendus au bout de nos limonades. J’écoutais Marie Plourde me parler avec passion de son Montréal idéal. Ce n’était pas la vision d’une rêveuse déconnectée, mais celle d’une femme qui a acquis beaucoup d’expérience au cours des dernières années. Ses propos, qui ne sont pas extrémistes, sont réfléchis, nuancés. Mais ils ne renient pas pour autant les raisons qui ont fait qu’elle s’est lancée un jour en politique municipale.

Projet Montréal tiendra une investiture le 6 août en vue de l’élection partielle, qui aura lieu en octobre à la mairie du Plateau-Mont-Royal. Marie Plourde ne fera pas partie des candidats. C’est dommage.