(Montréal) Les toits verts et les grands potagers prennent de plus en plus de place dans les villes de la province, et principalement à Montréal, démontre le tout premier « Portrait de l’agriculture urbaine commerciale au Québec ». Une pratique dont les bienfaits vont bien au-delà de l’alimentation.

Selon les données publiées la semaine dernière par le Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine (CRETAU), on compte 50 exploitations agricoles situées hors des zones agricoles, en milieu urbain au Québec.

Sur ces 50 entreprises, 28 sont spécialisées en production maraîchère et huit en micropousses. On retrouve également des apiculteurs, des fermes d’insectes, des producteurs de champignons et de fleurs. Un total de 18 exploitations travaillent à l’intérieur (en serre notamment), tandis que 14 autres sont installées sur des toits.

Au Québec, plus de 70 % des entreprises agricoles urbaines sont implantées à Montréal. En dehors de la métropole, les villes de Laval, Québec et Sherbrooke comptent chacune deux fermes urbaines.

Ce créneau vit d’ailleurs une forte croissance depuis quelques années, observe le directeur du CRETAU Éric Duchemin.

« On s’est rendu compte que c’est véritablement en explosion. Chaque année, il y a de nouvelles fermes. Ça fait environ six mois qu’on a finalisé le portrait et qu’on le rédige, puis on continue de colliger des informations sur de nouvelles fermes chaque mois », mentionne-t-il.

Par ailleurs, il est important de souligner que la première ferme urbaine, la Ferme PousseMenu, a vu le jour en 1997 et que la première serre commerciale sur toit a été inaugurée par Lufa en 2006.

D’après ce qu’on peut lire dans le document, les coauteurs n’ont pas réussi à chiffrer le volume d’affaires de ce marché, mais ils l’estiment à plusieurs millions de dollars puisqu’en 2014, les neuf entreprises alors existantes déclaraient des revenus de neuf millions de dollars.

Des bienfaits à la tonne

Dans sa « Stratégie de soutien de l’agriculture urbaine », le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec reconnaît de nombreux effets positifs à l’agriculture urbaine.

Il justifie son plan d’action dans le développement de ce créneau en le qualifiant de « moteur de développement d’une économie locale prospère », ainsi que d’« allié pour l’environnement » et de « pilier pour la communauté ».

De l’avis du professeur Éric Duchemin, les retombées positives sont effectivement multiples à l’intérieur d’une collectivité.

« Ces fermes-là ont un impact surtout sur le milieu de vie, sur la biodiversité en ville. On modifie la ville grâce à ça et on fait connaître aux citoyens ce que c’est qu’une ferme », souligne celui qui dirige aussi le laboratoire sur l’agriculture urbaine.

En matière d’environnement, cette pratique se veut aussi un redoutable outil de défense. « On parle d’adaptation aux changements climatiques, d’îlots de chaleur, de pluies torrentielles. L’agriculture sur toit peut retenir l’eau, rafraîchir la ville, ça a des impacts environnementaux écosystémiques importants », fait remarquer M. Duchemin.

De plus, les potagers communautaires liés à des organismes d’économie sociale aident à combler un besoin alimentaire au sein des populations vulnérables. Alors que le coût des aliments frais ne cesse de croître, bien des citadins aux revenus modestes ont de la difficulté à se procurer des fruits et légumes.

Pour toutes ces raisons, le directeur du CRETAU appelle à davantage d’investissements des différents paliers de gouvernement afin de mieux soutenir ce secteur économique.

« Le MAPAQ a fait une stratégie, ce qui est déjà un bon coup. Maintenant, je pense qu’il faut aller un peu plus loin, investir un peu plus », croit-il.

Relève agricole

Comme dans bien des milieux d’affaires, les entreprises agricoles vivent le défi de trouver des jeunes prêts à prendre la relève. Éric Duchemin croit que la solution pourrait bien venir des villes.

« La majorité des gens vivent en ville. La relève est en ville », affirme-t-il.

Selon lui, bien des jeunes agriculteurs urbains nourrissent leur passion dans leur potager, puis sur leur toit, et en viennent à ressentir l’appel de la terre.

« Certains partent en région pour démarrer des fermes biointensives ou des microfermes. Ce n’est pas encore structuré tout ça, mais je pense qu’il y a matière à réflexion », avance le chercheur qui croit au potentiel de mieux coordonner cette transition à l’heure où le transfert des terres se fait de moins à moins à l’intérieur des familles.