(Québec) La Coalition avenir Québec (CAQ) s’est engagée à prolonger le Réseau express métropolitain (REM) sur près de 40 km vers Laval et vers Chambly, mais elle tarde à faire sa demande à la Caisse de dépôt et placement (CDPQ), maître d’ouvrage du projet.

En commission parlementaire jeudi, le ministre des Finances, Éric Girard, a indiqué que le conseil des ministres avait fait son choix parmi les priorités de prolongement et qu’une lettre avait été envoyée à la Caisse en décembre, mais la demande officielle n’a pas encore été transmise.

Le REM est un réseau de train électrique privé, propriété de la Caisse. Il s’agit d’un projet de plus de 6 milliards, financé à hauteur de 3 milliards par des fonds publics. Il comptera 26 stations sur 67 km, mais la CAQ s’est engagée à prolonger le REM de 17 km au nord et de 22 km au sud.

« Cette obsession »

Le porte-parole de l’opposition officielle aux Finances, Carlos Leitão, a tenté de savoir jeudi si la lettre de mandat, qui officialise la demande du gouvernement à la Caisse, avait été acheminée. M. Girard a tenu à répondre à la place du grand patron de la Caisse, Michael Sabia, qui était assis à ses côtés.

« Je ne comprends pas c’est quoi, cette obsession, a répondu le ministre. […] Je peux vous assurer que la lettre va arriver. »

Cette lettre de mandat a toute son importance pour entamer les procédures et les études de faisabilité dans ce projet déjà complexe. M. Sabia a d’ailleurs précisé qu’il gérait déjà un projet « colossal » et que sa priorité est d’abord de réaliser le projet initial, avec ses 67 km et 26 stations, avant de songer à toutes les extensions potentielles.

« Oui, nous sommes ouverts à examiner les options pour l’avenir, mais pour l’instant, la priorité, c’est livrer la marchandise, phase 1 », a-t-il déclaré.

Le plan du REM actuellement en chantier comprend une grande ligne qui va de Deux-Montagnes jusqu’en Montérégie (Brossard), en passant par le centre-ville de Montréal, mais aussi des antennes dans l’ouest de l’île et vers l’aéroport Montréal-Trudeau.

Or, la CAQ s’est engagée en campagne électorale à élargir le réseau pour Laval, ainsi que pour Boucherville et Chambly en Montérégie, et la ministre Chantal Rouleau, députée de Pointe-aux-Trembles, a même évoqué une ligne qui irait vers l’est de l’île de Montréal.

« Qui fait la coordination ? »

Le ministre des Transports, François Bonnardel, avait admis en décembre que la Caisse pouvait très bien refuser les propositions du gouvernement. Autant le Parti libéral que le Parti québécois avaient reproché à la CAQ d’avoir promis de prolonger le REM sans même vérifier si cela était faisable.

« Moi, ce qui me préoccupe, c’est : qui fait la coordination ? a demandé M. Leitão. On ne peut pas avoir des REM qui vont dans toutes les directions. Il doit y avoir une certaine priorisation. Vous ne pouvez tout construire en même temps. »

« Ultimement, c’est le gouvernement qui tranche, conseillé par l’ARTM (Autorité régionale de transport métropolitain) », a répondu M. Girard.

Tarification et mitigation

Par ailleurs, le député libéral Monsef Derraji, dont la circonscription de Nelligan sera couverte par le REM, a porté les inquiétudes de ses électeurs concernant entre autres la tarification du futur train.

Il a tenté de connaître plus précisément la grille tarifaire qui sera en vigueur, mais le grand patron de CDPQ Infra, Macky Tall, a dit que c’est l’ARTM, et non la Caisse, qui établira les tarifs.

Il s’est limité à indiquer que ce sera « à un tarif qui se compare avantageusement au coût des réseaux ».

M. Sabia s’est en outre employé à se montrer rassurant quant aux mesures de mitigation. En effet, les usagers des trains de banlieue de la région de Montréal, nommément la ligne Deux-Montagnes, se sont plaints abondamment de la réduction des services durant la phase de construction du REM qui supplantera leur train actuel.

« Honnêtement — Macky va me tuer maintenant — ce n’est pas fondamentalement à nos yeux une question financière, notre objectif n’est pas d’épargner quelques sous : si on a des options techniques pour mitiger les impacts, nous allons le faire. »

Rappelons que dans le projet du REM, le gouvernement du Québec fournit 1,28 milliard et Ottawa, la même somme par l’entremise d’un prêt de la Banque de l’infrastructure du Canada, Hydro-Québec, 300 millions, et l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), 512 millions.

La Caisse a obtenu le versement par les pouvoirs publics d’un tarif de 0,72 $ du passager-kilomètre pour garantir son rendement de 8 %, et le gouvernement Couillard s’était déjà engagé à raison de 240 millions par année pour y arriver.

La CAQ avait laissé entendre en mai dernier qu’elle demanderait directement à la Caisse de réaliser ses projets de ligne, en lui garantissant du financement pour la construction, mais aussi pour l’exploitation.

Le parti avait aussi indiqué qu’il solliciterait le fédéral pour qu’il collabore dans la phase de construction.