L’explosion de la rémunération à la mairie de Longueuil et de Laval sera un test d’indépendance pour le bureau de la vérificatrice générale de chacune de ces villes, croit la professeure de l’UQAM Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales.

Même si l’addition de toutes les primes liées à chacune des fonctions assumées par la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, et le maire de Laval, Marc Demers, est légalement permise, cela soulève des questions quant au « caractère raisonnable » du résultat final, affirme à La Presse Mme Pilette. Avec l’abolition des balises législatives encadrant jusqu’en 2018 le salaire des élus municipaux, la mairesse Parent bat tous les records avec une rémunération de plus de 240 000 $ en 2019, et le maire de Laval la suit de près avec 217 000 $ cette année. En comparaison, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a choisi de plafonner son salaire par voie réglementaire à 185 000 $, allocation de dépenses comprise.

« Si ce n’est pas raisonnable, on va se retrouver, un moment donné, à tester la capacité du vérificateur général de la ville à comparer et justifier la rémunération des élus. Est-ce que le vérificateur général est suffisamment indépendant pour donner son avis sur le caractère raisonnable de la rémunération des élus ? », soulève Danielle Pilette. « C’est absolument une question pour le vérificateur général », insiste-t-elle.

Une indépendance fragile

Mais comme Mme Pilette le souligne, l’indépendance des vérificateurs généraux est parfois fragile, et cela, même s’ils relèvent du conseil municipal. Selon la loi, le vérificateur général ne peut faire plus d’un mandat de sept ans dans une municipalité. Cela peut créer des tensions, comme ce fut le cas à Saguenay où l’on souhaitait prolonger le mandat de la vérificatrice générale en poste en 2016. « Et rappelons-nous la guerre que le maire de Montréal, Gérald Tremblay, avait faite au vérificateur général, Jacques Bergeron [concernant son rapport sur le contrat des compteurs d’eau] », mentionne Mme Pilette.

Le prochain rapport des vérificatrices générales de Longueuil et Laval est attendu dans les prochains mois, tout comme celui de toutes les municipales comptant plus de 100 000 habitants. Pour les plus petites municipalités, le gouvernement a donné le mandat de vérification à la Commission municipale du Québec (CMQ) en 2018.

La nouvelle autonomie du monde municipal en matière de rémunération des élus pose également la question du conflit d’intérêts puisque les élus ont maintenant le plein contrôle sur leur propre rémunération. « C’est la question », estime Mme Pilette.

L’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui regroupe notamment les villes de Longueuil et Laval, a développé un outil en ligne établissant des critères objectifs pour permettre aux municipalités d’ajuster la rémunération des élus en fonction des changements législatifs. La Fédération québécoise des municipalités (FQM) a également mis à la disposition des petites municipalités qu’elle représente un guide de rémunération. On y souligne que « la rémunération constitue un facteur important pour favoriser la relève et convaincre de nouvelles personnes de s’impliquer ».