Après que le propriétaire d’un immeuble résidentiel d’Anjou ait failli être mordu par le chien d’un locataire, la Ville de Montréal demande au tribunal l’autorisation de saisir deux bêtes considérées « à risque », parce que leur maître ne s’est pas présenté aux deux rendez-vous qui lui ont été donnés avec un expert pour faire évaluer la dangerosité de ses animaux.

Un des deux chiens de Mohamed Taleb a attaqué le propriétaire dans le vestibule du bloc de huit logements, le 11 janvier dernier. Le molosse, de type American bully, a refermé ses crocs sur le pantalon de l’homme, qui a dû se débattre pour se dégager, ce qui a déchiré son vêtement.

« Je ne sais pas ce qui serait arrivé si le chien avait vraiment mordu ma cuisse, au lieu de seulement mon pantalon », souligne le propriétaire, qui a porté plainte à la police à la suite de l’incident.

Trois autres locataires de l’immeuble ont porté plainte à la Ville, parce qu’ils ont peur des chiens, qui auraient souvent un comportement agressif, indique le propriétaire, qui a demandé que son nom ne soit pas publié, parce qu’il craint des représailles.

Le dossier a été transféré à un agent de contrôle animalier de la Ville, qui a visité Mohamed Taleb et ses bêtes, Boogie et Beamer, 10 jours après l’incident du vestibule. Selon le rapport de l’agent, « Boogie et Beamer présentent un potentiel de dangerosité nécessitant leur évaluation comportementale ».

La race de chiens « American bully » a été développée à partir de la race « American Pit Bull Terrier », et influencée par d’autres races, comme le bulldog anglais, selon le site du club canin United Kennel. L’American bully est décrit comme un excellent animal de famille, rarement agressif envers les humains.

M. Taleb a reçu un premier avis lui demandant de rencontrer l’expert de la Ville avec ses animaux le 26 février, mais il ne s’est pas présenté au rendez-vous. Même chose pour le deuxième rendez-vous, qui avait été fixé au 12 mars.

La Ville de Montréal a donc déposé une « Demande pour permission de capturer et saisir des chiens à risque » en Cour supérieure lundi.

« Afin d’assurer la santé et la sécurité du public, il est important que le processus d’évaluation soit respecté, afin d’éviter tout préjudice irréparable futur », indique la requête.

Si Mohamed Taleb refuse toujours de remettre ses chiens aux agents de contrôle animalier, la Ville demande que ses employés puissent « pénétrer au domicile de leur gardien et ce, sans autre avis ni délai, afin que l’expert de la Ville de Montréal procède à leur évaluation ».

Un juge entendra la requête demain matin et décidera s’il y a lieu de l’accorder.

Chiens interdits

Le propriétaire de l’immeuble affirme que le bail signé avec ses locataires précise que les chiens sont interdits. Mais Mohamed Taleb aurait sous-loué l’appartement d’une autre personne, ayant quitté le pays, sans que le locateur n’en soit informé.

« Il y a quelques mois, j’ai entendu des chiens aboyer dans l’appartement, et j’ai vu quelqu’un que je ne connaissais pas. Je ne savais même pas son nom, il a refusé de s’identifier. Quand je lui ai demandé comment il s’appelait, il m’a seulement dit “Milou”, » déplore le propriétaire.

Selon la loi, un locataire qui veut sous-louer son logement est tenu d’aviser par écrit le locateur de son intention, ce qui n’aurait pas été fait dans ce cas.

À la Régie du logement du Québec (RLQ), on lui aurait dit qu’il ne pouvait rien faire, se désole-t-il. À partir du moment où il a accepté le loyer payé par la personne qui occupe l’appartement, il est réputé avoir accepté tacitement sa présence, lui aurait-on expliqué.

« Ça n’a plus de bon sens. La loi protège tellement les locataires, et même les sous-locataires, que les propriétaires ne peuvent plus rien faire, dit-il. Je suis en train de vendre mes immeubles, j’en avais dix, il m’en reste seulement deux. C’est devenu impossible à gérer. »

Selon Hans Brouillette, porte-parole de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), ces situations peuvent être délicates à gérer. Le locateur pourrait demander la résiliation du bail, 10 jours avant qu’il se termine, au motif qu’il n’a pas été informé de la sous-location. Mais les régisseurs de la RLQ pourraient lui demander de prouver que cette situation lui cause préjudice, note M. Brouillette.

Et s’il admet qu’il savait que le loyer n’était plus payé par la locataire, mais par la sous-locataire, il n’aura peut-être pas de recours. « Si vous tolérez une situation, si vous laissez le moindre espace, c’est très difficile ensuite de revenir en arrière pour faire reconnaître vos droits, souligne Hans Brouillette. Vous ouvrez une brèche pour que le régisseur vous déboute. »