(Québec) Les Montréalais sont de plus en plus souvent accueillis avec le « bonjour-hi » dans les commerces, mais cela ne les empêche pas de recevoir des services en français, selon un nouveau rapport de l’Office de la langue française du Québec (OQLF).

La présidente de l’Office, Ginette Galarneau, a présenté une avalanche de statistiques sur l’état du français au Québec lors d’une conférence de presse chaotique, au cours de laquelle elle a refusé de répondre à plusieurs questions.

L’OQLF confirme que l’utilisation du français comme « langue d’accueil unique » dans les commerces montréalais a diminué depuis 2010, passant de 84 % à 75 %. Sur la même période, les consommateurs ont été de plus nombreux à être accueillis en anglais seulement (12 % à 17 %) ou de manière bilingue (4 % à 8 %).

Sauf qu’au final, cela n’empêche pas les Québécois d’être servis en français. Le taux de service dans cette langue dans les commerces de la métropole était stable à 96 %.

Est-ce que cette situation est compatible avec les objectifs de protéger et faire rayonner le français au Québec ? Mme  Galarneau a refusé de répondre à cette question.

« Vous devez savoir que je suis en poste depuis le 11  février 2019, a-t-elle dit. Ce n’est pas mon rôle, aujourd’hui, de vous exprimer, et ce n’est jamais le rôle des dirigeants d’organismes d’avoir des opinions personnelles et de les exprimer. »

Elle a néanmoins fini par exprimer sa préférence pour le « bonjour » plutôt que le « bonjour-hi ».

« Il faut continuer à sensibiliser à l’importance d’accueillir… de faire un “bonjour” quand on accueille des clients dans un commerce, a-t-elle dit. Je crois qu’il faut continuer à sensibiliser et à valoriser cette pratique. »

Indifférence

Le rapport met aussi en relief un clivage générationnel chez les Québécois sur l’importance accordée au français dans le service à la clientèle. Moins du tiers (32 %) des francophones de 18 à 34 ans ont dit éprouver des sentiments négatifs lorsqu’ils sont abordés dans une langue autre que le français dans un commerce. Cette proportion grimpe à 47 % chez les 35 à 54 ans, et à 53 % chez les 55 ans et plus.

La ministre de la Culture a convenu que certaines données de l’OQLF sont « préoccupantes et inquiétantes ». Mais elle n’a pas conclu pour autant que le français est en recul au Québec.

« Dire un beau “bonjour” au monde, il n’y a rien de plus beau pour dire qu’au Québec, ça se passe en français, a dit Mme Roy. Maintenant, je n’analyserai pas finement cette analyse parce que je ne veux pas vous dire des choses erronées. C’est très volumineux et il y a beaucoup de nuances. »

« Ingérence »

L’OQLF a présenté un rapport et neuf études quelques minutes avant une interpellation à l’Assemblée nationale sur la protection de la langue française.

Le gouvernement a-t-il ordonné à ce chien de garde indépendant de rendre public son rapport sur l’état du français à ce même moment ? Mme  Galarneau a plusieurs fois refusé de répondre à la question et Mme Roy n’a pas nié avoir agi de la sorte.

Le député du Parti québécois, Joël Arseneau, n’a jamais pu consulter les documents de l’OQLF avant le débat sur l’état du français, vendredi. Selon lui, il est clair que le gouvernement de la Coalition avenir Québec s’est immiscé dans les affaires d’un chien de garde du gouvernement.

« À l’évidence, il y a eu ingérence de la part de la ministre ou de son entourage pour que ce rapport — commodément — soit publié une demi-heure avant l’interpellation », a dénoncé le député du Parti québécois, Joël Arseneau.

« L’OQLF doit être neutre et doit être apolitique, a ajouté M. Arseneau. Si le gouvernement s’en sert pour défendre son ineptie ou son immobilisme, son bilan assez mince depuis six mois, c’est préoccupant. »

Invitée à commenter ce rapport, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a dit préférer que l’accueil des clients dans les commerces se fasse uniquement en français. « Ce que j’encourage bien sûr, c’est que nos commerçants utilisent le “bonjour”. Point. Le “bonjour”, tout le monde le comprend, tout le monde l’aime. C’est quelque chose de très rassembleur », a-t-elle commenté en indiquant que des campagnes de sensibilisation étaient peut-être nécessaires.

– Avec Kathleen Lévesque, La Presse