L'aéroport de Gatwick, près de Londres, a dû arrêter ses activités après que deux drones non autorisés eurent survolé le site, un « acte délibéré », selon la police locale.

Les perturbations engendrées par cet incident ont eu un impact sur plus de 110 000 voyageurs qui devaient transiter par l'aéroport, le huitième en importance en Europe. Une telle situation pourrait-elle se produire au Canada ? Dans les deux dernières années, plus de 250 événements impliquant des drones ont été rapportés à Transports Canada par des pilotes. La popularité grandissante de ces appareils volants commandés à distance soulève des questions sur la sécurité aérienne. Explications.

Une attaque qui suspend le temps

À 21h3, heure locale, mercredi, deux drones ont été aperçus en train de survoler l'aéroport, ce qui a entraîné une fermeture temporaire qui a été reconduite après la réapparition incessante des deux engins. « Nous nous attendons à ce que les perturbations se poursuivent demain [aujourd'hui] », l'un des jours de l'année où l'aéroport est le plus fréquenté, à l'approche de Noël, a indiqué l'aéroport londonien sur son site internet vers 19h hier. La première ministre britannique Theresa May a prévenu les coupables qu'ils risquaient jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.

La législation encadrant l'usage des drones a été renforcée cette année au Royaume-Uni, interdisant leur utilisation à moins d'un kilomètre d'un aéroport et à une altitude supérieure à 400 pieds. Air Transat a précisé en entrevue avec La Presse que les départs de Montréal vers Gatwick prévus hier soir avaient été maintenus, mais que plusieurs vols avaient été redirigés vers les aéroports avoisinants.

Un Gatwick canadien : est-ce possible ?

« Oui ! Absolument, ça pourrait arriver à Montréal ou ailleurs au Canada », répond John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l'Université McGill. « Il y a indéniablement une augmentation du nombre de drones. Dès qu'il y a un drone, c'est dangereux », renchérit Ron Singer, gestionnaire national pour NAV CANADA, responsable de la navigation aérienne civile. En 2013, un seul drone avait été signalé sur l'ensemble du territoire canadien par un pilote. En 2017, ce nombre grimpait à 165, selon Transports Canada. À l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, on semble envisager sereinement ce nouveau phénomène. « Nous avons très peu de cas de drones à proximité de Montréal-Trudeau, quelques cas isolés », affirme Marie-Claude Desgagnés, conseillère aux communications d'Aéroports de Montréal.

Transports Canada, de son côté, a commenté la situation en disant « prendre ce genre d'incident très au sérieux » et en rappelant que la compromission de la sécurité d'un aéronef pouvait valoir des amendes allant jusqu'à 25 000 $ et une peine d'emprisonnement. La présence de drones dans l'espace aérien accroît les risques de collisions. En raison de leur masse et de leur composition, ces engins peuvent causer des dégâts beaucoup plus importants qu'un oiseau, explique M. Gradek. « C'est du métal durci. Si ça entre dans un moteur à réaction, on peut le perdre. C'est dangereux aussi pour les hélices », précise-t-il.

Procédures et réglementation

La détection des drones à proximité des aéroports se fait principalement grâce à l'identification visuelle par des pilotes, explique Ron Singer, de NAV CANADA. Les événements rapportés sont ensuite transmis aux autorités terrestres comme la Sûreté du Québec, précise M. Singer. « Si les interventions doivent être aériennes, l'armée peut s'en occuper », ajoute l'expert John Gradek. Pour ce qui est des drones commerciaux plus massifs, il est possible de les détecter par radar, poursuit-il. Dans certains cas, des mesures plus radicales peut-être envisagées. « Il y a une façon de tirer sur les drones, mais il faut être très près », estime M. Gradek. « La réglementation [canadienne] en matière de drones est l'une des plus sévères », croit M. Gradek. Il est interdit au Canada de faire circuler un drone à proximité d'un aérodrome ; un périmètre de 5,5 km doit être respecté.

Des cas récents

Dans les deux dernières années, la présence de drones à proximité d'avions a entraîné des manoeuvres d'évitement, des quasi-collisions ou encore une modification de la piste choisie pour l'atterrissage dans une dizaine de cas. En octobre 2017, une collision entre un avion et un drone de la taille d'une assiette avait été rapportée comme l'un des premiers incidents de la sorte au Canada, survenu à l'aéroport international Jean-Lesage, à Québec. Au mois d'août dernier, un incident similaire avec un avion de ligne a été évité à Edmonton.

Des engins populaires

L'arrivée massive des drones sur le marché nord-américain pourrait mener à d'autres modifications de la réglementation, croit M. Gradek. « Mon Dieu ! Il y a tellement de drones en vente pour Noël », dit-il. Pour une utilisation récréative, les prix tournent autour de 150 à 200 $, alors que les prix commencent à 2000 ou 3000 $ pour les drones commerciaux. Les drones récréatifs font l'objet d'une réglementation spécifique parfois méconnue des propriétaires interpellés par les autorités. Un cas de ce type a d'ailleurs eu lieu à l'aéroport de Toronto en décembre 2017, alors qu'un résidant pilotait son drone sur le terrain de l'aéroport. Outre les aérodromes, les drones récréatifs ne peuvent pas voler au-dessus de tous types de bâtiments dans des zones habitées.

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse et l'Agence France-Presse