Avec deux salles de spectacle totalisant 4500 places assises, le mégacomplexe commercial et résidentiel Royalmount, dans le nord de la métropole, risque « de cannibaliser » le public du Quartier des spectacles et d'autres grandes salles de la région métropolitaine.

Devant la Commission sur le développement économique et urbain et l'habitation de la Ville de Montréal, le producteur, agent d'artistes et président du Partenariat du Quartier des spectacles Jacques Primeau a affirmé qu'il « ne peut pas s'enthousiasmer sur ce projet, à ce moment-ci ».

M. Primeau a expliqué que malgré le développement de pôles culturels majeurs et la construction d'équipements de qualité en banlieue depuis 10 ans, le Quartier des spectacles avait su maintenir son attractivité, et son public, à un niveau relativement stable d'une année à l'autre.

« Cet équilibre, prévient-il, sera toutefois fortement compromis si le volet culturel du projet Royalmount voit le jour », tel que soumis par son promoteur, Carbonleo.

Dans un mémoire présenté par la direction du Quartier des spectacles à la Commission du conseil municipal, qui tient des consultations sur le projet Royalmount, la direction du Quartier des spectacles a comparé la provenance de ses 1,6 million de visiteurs annuels et celle du public ciblé par Carbonleo pour son complexe.

« Il apparaît clairement, conclut le mémoire, que les objectifs de fréquentation [des salles de Royalmount] ne pourront se réaliser qu'en allant directement éroder les publics et concurrencer les produits du Quartier des spectacles. »

200 COMMERCES, 6000 CONDOS

Royalmount est un vaste projet résidentiel, commercial et touristique de 2 milliards qui verra le jour d'ici 2022 à l'intersection des autoroutes 15 et 40, dans la municipalité de Mont-Royal. Son promoteur, Carbonleo, veut y construire cinq hôtels, des tours de bureaux, une centaine de restaurants, 200 commerces, un centre de mieux-être haut de gamme, un aquarium, un centre d'amusement, un cinéma et deux salles de spectacles, qui compteront respectivement 3250 et 1250 places.

Le promoteur projette une fréquentation de 25 à 35 millions de visiteurs par année sur un immense ancien terrain industriel abandonné depuis des décennies.

L'ensemble pourrait aussi compter jusqu'à 6000 appartements et condos si Montréal consent à une modification de zonage. Tout le reste du projet tombe sous l'autorité de la Ville de Mont-Royal, qui a déjà autorisé le projet.

AVIS CONTRASTÉS

Le projet Royalmount s'est attiré de virulentes critiques en raison de l'augmentation de la circulation automobile qu'il entraînera au point de rencontre des deux autoroutes les plus achalandées de la métropole, et dans un secteur déjà saturé par la circulation.

Il a aussi d'ardents partisans, comme l'Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM), qui « considère qu'un tel projet récréotouristique, [produit] d'un investissement privé, est une opportunité d'attirer de nouvelles clientèles à Montréal », en misant sur le créneau du « luxe ».

Dans un mémoire à la Commission, l'AHGM « tient à ajouter sa voix à celles et ceux qui soulignent que le développement du site proposé pour le projet Royalmount est plus que souhaitable pour améliorer le positionnement concurrentiel du Grand Montréal parmi le marché touristique mondial ».

LA PEUR DU « MÉGA »

Juste avant le passage des dirigeants du Quartier des spectacles, l'homme d'affaires Andy Nulman, cofondateur du festival Juste pour rire, a aussi défendu avec assurance le projet de Carbonleo. Selon lui, des mégaprojets d'une ampleur comme celle de Royalmount « sont importants pour nous, en tant que ville ».

« Il y a toujours une résistance aux mégaprojets », a affirmé M. Nulman, en rappelant que le développement du Mont-Tremblant, l'aménagement du High Line, à New York, et même la construction de Walt Disney World, à Orlando, dans les années 50, ont rencontré une forte opposition locale lors de leur dévoilement.

M. Nulman a attribué une partie de cette résistance à une peur des grands projets, des dérangements qu'ils amènent. Quant aux problèmes de circulation automobile, répond-il, « nommez-moi un endroit, à Montréal, où la circulation automobile n'est pas un enjeu ».

« C'est un projet entièrement financé par le privé, d'envergure internationale, qui se positionne dans un marché qui est complémentaire à l'offre commerciale actuelle, et qui va revitaliser tout un secteur de ville abandonné », a plaidé M. Nulman, en assurant qu'il parlait uniquement à titre de citoyen.

La consultation publique sur le projet Royalmount se poursuivra le 9 janvier 2019.