L'épaisse couche de roche qui recouvre et protège les structures sous-marines du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, entre la Rive-Sud et Montréal, s'érode. Par endroits, elle aurait perdu jusqu'à un tiers de son épaisseur. Il faudra six semaines de travail, une petite armada de bateaux près de l'île Charron et l'équivalent de 500 camions remplis de roche pour restaurer cette couche «essentielle pour la protection de l'ouvrage».

Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a mis en ligne, mardi dernier, une série d'avis et d'études qui documentent l'histoire, le développement et les impacts appréhendés de ce projet du ministère des Transports du Québec (MTQ), en planification depuis sept ans.

Le chantier, avec ses barges, ses remorqueurs et ses déversements de roche dans le fleuve, pourrait bien empoisonner la fin de l'été 2019 pour des milliers de plaisanciers, d'amateurs de plein air, de plage ou de croisières fluviales qui fréquentent les secteurs de l'île Charron et des îles de Boucherville.

Les études rendues publiques soutiennent par ailleurs que l'enrochement ne causera pas de perte d'habitat pour les poissons.

En rendant publics ces documents, le BAPE a aussi lancé une période d'information de 45 jours qui se terminera le 4 janvier 2019. D'ici là, des personnes et des organismes pourront réclamer la tenue de consultations publiques en bonne et due forme sur ce projet.

Le BAPE a tenu une séance d'informations publique hier soir à ce sujet au Centre récréatif Édouard-Rivet, à Montréal-Est.

Le projet

Ouvert à la circulation au printemps 1967, le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, entre l'île Charron et Montréal, n'est pas creusé dans le lit du Saint-Laurent. Il est constitué de sept caissons construits en cale sèche puis coulés en place dans une tranchée draguée sur le fond du fleuve. Dès la conception du tunnel, les ingénieurs avaient prévu que l'infrastructure soit recouverte d'un enrochement d'une épaisseur minimale de 1,83 mètre (ou 6 pieds), tout en préservant la profondeur minimale de 11,3 mètres du chenal de la voie maritime du Saint-Laurent, qui passe juste au-dessus. Une marge d'environ 2,5 mètres sera maintenue afin «de considérer une possible variation à la baisse du niveau d'eau reliée aux changements climatiques».

Des travaux de restauration, en 1976, avaient permis de rétablir l'épaisseur originale de cet enrochement «grugé par l'érosion, le passage de bateaux commerciaux et le dragage effectué par le Port de Montréal». En 2010, des sondages ont toutefois révélé que la couche de protection rocheuse du tunnel «a diminué à nouveau à certains endroits. Dans au moins neuf sections, l'épaisseur du remblai oscille entre 1,2 et 1,8 mètre».

Le chantier

La presque totalité des travaux sera réalisée en eaux. La pierre sera entreposée sur le quai 48 du port de Montréal, à l'angle du boulevard Pie-IX et de la rue Notre-Dame, à 4 kilomètres en amont du chantier. Les barges pleines de roc vont ainsi descendre le courant vers le chantier, dont les activités se dérouleront entre l'île Charron et Montréal. Les travaux vont nécessiter l'implantation d'une drague dans le fleuve et la présence d'une véritable petite armada : trois barges, quatre remorqueurs pour les tirer, un bateau sondeur (qui mesure le fond et les conditions géodésiques du fleuve pendant le mouvement), un bateau d'appoint pour ramasser les ancres et une équipe de secours.

Les principaux impacts

Les travaux empiètent dans une zone désignée comme un «habitat essentiel du chevalier cuivré», même si la présence de ce poisson unique au Québec et en voie de disparition n'a pas été observée dans le secteur. On signale aussi à proximité, dans la baie de l'île Charron, la présence d'une aire d'alimentation pour l'esturgeon jaune (une espèce susceptible d'être désignée menacée ou vulnérable). Malgré cela, il n'y aurait «pas de pertes significatives de productivité de l'habitat du poisson», selon l'étude d'impact rendue publique par le BAPE.

En fait, s'il faut en croire l'étude, tous les impacts environnementaux du projet seront temporaires et d'une importance jugée «mineure». À l'extrémité est du tunnel, près de l'île Charron, l'enrochement du tunnel entraînera des modifications de l'habitat du poisson sur une superficie de plus de 1900 mètres carrés, mais «les sédiments se redéposeront au fil des années et la faune benthique (dont se nourrissent les poissons) recolonisera les lieux dans un horizon d'environ cinq ans».

Activités nautiques

La présence du chantier et le bruit pourraient aussi nuire à des milliers de vacanciers et d'amateurs de plein air qui fréquentent le secteur, surtout si les travaux ont lieu en fin d'été. Cette zone, précisent les documents déposés, «est très fréquentée pour la navigation de plaisance, les canoteurs et les kayakistes». Les parcs des Îles-de-Boucherville et de l'Île-Charron reçoivent un total de 400 000 visiteurs par année. Au moins deux entreprises y offrent des services de navette fluviale et on compte pas moins de sept marinas à moins de dix kilomètres du tunnel.

L'échéancier

Les travaux devront être réalisés avant l'hiver, mais hors de la période de frai des poissons. Cela laisse au MTQ une plage de quatre mois qui s'étend du 1er août au 1er décembre pour mener à bien le chantier d'une durée de six semaines. Un indice laisse croire que les travaux pourraient avoir lieu en 2019, puisqu'ils sont préalables «à des travaux de remplacement de la chape de béton qui recouvre le radier dans les deux tubes de circulation du tunnel». Or, le grand chantier de réfection majeure du tunnel La Fontaine, qui prévoit la reconstruction de cette chape, est prévu pour commencer au printemps de 2020.

IMAGE FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Les études rendues publiques soutiennent que l'enrochement ne causera pas de perte d'habitat pour les poissons.