Ce sera l'un des legs les plus significatifs de l'administrateur provisoire Martin Prud'homme : pour la première fois en 15 ans, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) va faire approuver par Québec un nouveau seuil d'effectif minimum requis pour assurer la sécurité des Montréalais.

Nommé en décembre 2017 avec le mandat de redresser une organisation à la dérive, M. Prud'homme quittera le SPVM d'ici à la fin de l'année afin de retourner à son emploi de directeur général de la Sûreté du Québec (SQ). Dans son rapport final sur le SPVM, il demande à son successeur et à la Ville de finir un travail amorcé cette année sur le seuil d'effectif minimal.

Sur la trentaine de services de police que compte le Québec, le SPVM est la seule organisation à ne pas avoir de « plan d'organisation policière » à jour. La loi oblige pourtant chaque municipalité à fournir au ministre de la Sécurité publique ce plan comprenant un calcul précis des effectifs minimaux nécessaires à son service de police.

Une fois le plan approuvé par le ministre, une municipalité qui veut réduire ses effectifs doit obtenir une autorisation ministérielle spéciale.

Le dernier plan d'organisation policière du SPVM a été approuvé en 2004. Il prévoyait un effectif minimum de 4155 policiers. La population desservie et les services à offrir ont beaucoup évolué depuis, mais le plan n'a jamais été mis à jour.

« Lorsque j'étais sous-ministre à la Sécurité publique, j'ai demandé [le plan d'organisation policière] quelques fois au SPVM et je ne l'ai jamais reçu. » - Martin Prud'homme, en entrevue à La Presse

Pendant son passage à la tête du corps policier montréalais, M. Prud'homme a lancé le processus de préparation d'un nouveau plan. Dans son rapport final, il demande à son successeur à la Ville de terminer le travail pour enfin s'entendre avec Québec en 2019, 15 ans après la dernière entente.

TRANSFORMATION PROFONDE

Changements majeurs dans la formation des enquêteurs et des gestionnaires, création d'un bureau de vérification interne, transfert des enquêtes internes de nature criminelle à une équipe mixte : les recommandations du rapport final de M. Prud'homme visent la poursuite d'une transformation profonde amorcée cette année.

« Le travail réalisé en onze mois est considérable et je crois pouvoir affirmer que la page est réellement tournée », écrit-il dans son rapport de 38 pages.

Parmi ses 14 recommandations à la Ville de Montréal et au gouvernement du Québec, M. Prud'homme suggère de ne pas nommer immédiatement un chef issu des rangs du SPVM. Il rejette aussi l'idée d'un appel de candidatures ouvert, car il craint « une nouvelle course à la chefferie », voire « un possible retour de clans » et une « détérioration du climat  ».

« Bien que nous estimions que le Service de police est composé d'officiers de qualité, dont certains ont un bon potentiel de relève, ils doivent obligatoirement poursuivre leur développement avant d'être pressentis au poste de directeur », écrit-il.

« Nous considérons qu'il doit y avoir un délai suffisant pour bien marquer la transition avec l'ancienne administration et ses anciennes façons de faire et pour poursuivre la préparation de la relève », poursuit le rapport.

DEUX CANDIDATS À SA SUCCESSION

M. Prud'homme suggère donc de choisir un des deux membres de son comité de direction issus de l'extérieur qu'il avait sélectionnés pour l'épauler dans la réorganisation du SPVM l'an dernier : Sylvain Caron, ancien directeur général adjoint de la Sûreté du Québec, ou Line Carbonneau, ancienne sous-commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.

« Ces deux membres ont d'ailleurs toute l'expérience et les compétences requises pour occuper cette fonction », affirme M. Prud'homme.

Il suggère que l'un des deux devienne chef du SPVM pour cinq ans tout au plus, le temps de former une relève à l'interne. Tous deux se sont montrés intéressés, et tous deux se sont engagés à rester en poste si l'autre est choisi au terme du processus.

« Peu importe qui des deux va prendre la direction, l'autre va rester avec », dit M. Prud'homme.

La mairesse Valérie Plante et la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault sont d'accord pour que le chef soit choisi parmi ces deux candidats.

DÉVELOPPER LA RELÈVE COMME À QUÉBEC

D'ici cinq ans, l'administrateur provisoire recommande que le SPVM mette en place un programme de développement de la relève inspiré de celui qu'il a vu à l'oeuvre dans la haute fonction publique à Québec, lorsqu'il était sous-ministre.

Il veut que de futurs leaders soient ciblés tôt, qu'on leur offre des formations et du mentorat personnalisé afin de les aider à se développer pleinement, de façon que l'organisation se constitue un bassin d'une trentaine de candidats potentiels pour le poste de chef un jour.

Rien de tel n'existait au SPVM. « Je ne vous cacherai pas qu'ici, on identifiait la relève un mois avant le choix d'un directeur, quand on déclenche la course à la chefferie », reconnaît-il.

UNE NOUVELLE ÉQUIPE MIXTE  ?

Parmi ses autres recommandations, M. Prud'homme suggère de créer une équipe mixte permanente regroupant des enquêteurs de différents corps policiers, afin de mener les enquêtes sur tout policier qui serait visé par des allégations criminelles.

Il veut aussi régler le problème des 35 % d'enquêteurs du SPVM qui n'ont pas terminé leur formation en suivant « l'activité d'intégration » de l'École nationale de police, une simulation d'enquête concrète de trois semaines avec acteurs professionnels.

La loi prévoit que les enquêteurs qui ont terminé leurs cours théoriques de niveau universitaire peuvent attendre quelques années pour s'inscrire à l'activité d'intégration, mais les retards ont pris de l'ampleur ces dernières années au SPVM. M. Prud'homme croit que pratiquement tous les policiers vont réussir l'activité haut la main.

« C'est une formation de base, alors que la plupart font déjà ce travail sur le terrain », dit-il.