Alors que Laval tente de modifier son image de vaste stationnement, elle se bute à des citoyens qui estiment que garer sa voiture dans la rue devant sa résidence est un droit.

« Depuis l'ouverture de la Place Bell, le stationnement dans nos rues, c'est l'enfer. [...] Il n'est plus possible de recevoir des visiteurs. » C'est ce qu'a lancé une résidante exaspérée, Céline Lavoie-Beaulieu, lors de l'assemblée du conseil municipal la semaine dernière.

Le développement du centre-ville de Laval entraîne en effet une augmentation du nombre de voitures garées dans les quartiers des alentours, où les résidants comme Mme Lavoie-Beaulieu crient à la perte de jouissance de leur environnement. À ceux-ci, la Ville rappelle que les rues sont un bien commun sous-utilisé et qu'elles ne sont donc pas le prolongement des terrains privés.

C'est un changement de la culture du tout-à-l'automobile que tente ainsi d'opérer la Ville de Laval. La conseillère municipale Virginie Dufour, responsable de l'urbanisme et des questions environnementales au sein du comité exécutif, préfère parler de « changement d'habitude ». Selon elle, il est temps de gérer la place de l'automobile dans une perspective de développement durable.

« On veut une ville plus belle. » - Virginie Dufour, conseillère municipale

« Beaucoup de citoyens ont l'impression que l'espace de stationnement sur rue est le prolongement de leur terrain. C'est une perception que l'on doit changer. La rue appartient à tout le monde et pas seulement à celui qui y habite », affirme Virginie Dufour.

COMME UNE ENCLAVE

Des citoyens ont une perspective différente. Une dizaine de citoyens de Laval-des-Rapides ont clairement exprimé leur mécontentement au conseil municipal la semaine dernière. Ils estiment être « pénalisés par l'explosion du centre-ville ».

« Notre objectif est de retrouver la sécurité et la quiétude de notre quartier qui n'est pas et ne veut surtout pas devenir le stationnement incitatif du centre-ville », a souligné Jean-Paul Cantin. L'ancien conseiller municipal Pierre Anthian a plaidé pour sa part que le développement du centre-ville n'était pas compatible avec des quartiers résidentiels à échelle humaine. Il souhaite que la Ville accorde des vignettes dans ces secteurs pour qu'ils soient réservés à 100 % aux résidants ; à l'heure actuelle, il existe deux quartiers (près de l'hôpital de la Cité-de-la-Santé et derrière le collège Montmorency) qui sont comme des enclaves bénéficiant de telles vignettes.

Or, l'administration du maire Marc Demers veut éliminer complètement ces privilèges, comme le mentionne la politique du stationnement lancée mardi dernier. Cette politique sera soumise à la consultation publique à compter du 22 octobre. L'exercice s'inscrit dans la « Vision stratégique Laval 2035 », qui « vise à aménager Laval comme une grande ville du 21e siècle ».

Concrètement, il est proposé, par exemple, d'installer des parcomètres, de revoir les modalités de délivrance des vignettes de stationnement, de favoriser les transports actifs, d'obliger les promoteurs à aménager des stationnements intérieurs et en réduire le nombre, ainsi que d'accroître le verdissement des aires de stationnement.

VASTE STATIONNEMENT

Le document de consultation le reconnaît d'emblée : « En certains lieux, la ville ressemble à un immense stationnement, très souvent presque vide. » C'est autant d'îlots de chaleur néfastes pour la santé, souligne-t-on. Pour chaque voiture, on compte trois places de stationnement sur rue à Laval.

Au total, on évalue qu'il y a plus d'un demi-million de places de stationnement, en excluant les entrées privées des maisons.

Mais cette abondance ne signifie pas pour autant qu'il n'y a pas de problème. Certains quartiers résidentiels sont sous pression, notamment ceux près des stations de métro. D'ailleurs, les trois stationnements incitatifs près des stations Montmorency, Cartier et De la Concorde sont bondés. Mais jusqu'à 40 % des espaces ne sont pas occupés par des Lavallois, note Virginie Dufour.

Des problèmes surgissent également à proximité de l'hôpital de la Cité-de-la-Santé et, bien sûr, du centre-ville qui est en développement. Mme Dufour apporte toutefois des nuances. « C'est bien beau que les gens disent qu'ils sont envahis. Mais nos études ne nous démontrent pas ça. [...] Autour de la Place Bell et du métro Montmorency, par exemple, les espaces sur les rues sont occupés seulement à 30 % », dit-elle. Dans l'ensemble du territoire, il est plutôt question de seulement 20 % d'utilisation.

VIRAGE DIFFICILE

Mme Dufour reconnaît qu'il n'est pas facile pour Laval d'entreprendre un grand virage alors que la ville s'est développée autour de l'automobile au cours des 50 dernières années. La progression du parc automobile y est d'ailleurs plus rapide que l'augmentation de la population (7,5 % contre 6,4 % entre 2010 et 2015).

Certains changements proposés dans la politique du stationnement pourraient bousculer les traditions lavalloises : imposer une tarification pour le stationnement sur rue alors qu'il n'y a jamais eu de parcomètre à Laval, ou ajouter, comme on l'a fait récemment, des pistes cyclables qui réduisent le nombre de voies sur les grands boulevards, ce qui a suscité beaucoup de critiques à l'hôtel de ville.

Pour avoir un portrait aussi juste que possible, Laval a embauché la firme AECOM Consultants quelques jours avant Noël 2016, lors d'une assemblée extraordinaire. L'administration Demers avait présenté ce contrat de 430 000 $ comme une mesure d'accompagnement. Au diagnostic de la situation s'ajoutent les solutions mises de l'avant dans d'autres villes.

Chose certaine, pour Virginie Dufour, le changement passe par une réduction du stationnement.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Céline Lavoie-Beaulieu, une citoyenne de Laval, estime que le stationnement est devenu un enjeu dans son quartier depuis l'ouverture de la Place Bell.

En chiffres

435 000 habitants et 250 000 véhicules

1,6 véhicule par ménage

Un demi-million de places de stationnement disponibles

80 % du stationnement sur rue non occupé

90 % des aires de stationnement sans aucune végétation

Zéro parcomètre