L'arrondissement d'Outremont testera de nouveaux passages pour piétons en trois dimensions pour inciter les automobilistes à freiner. Les rares études sur ces aménagements nouveau genre soulèvent toutefois des doutes sur leur efficacité à long terme.

Artère commerciale achalandée, l'avenue Bernard fera l'objet d'un projet-pilote pour tenter d'améliorer la sécurité des piétons. Outremont aménagera une traverse piétonne peinte de façon à simuler qu'elle est en trois dimensions. L'idée derrière cette illusion d'optique est de surprendre les automobilistes afin de les inciter à freiner et à céder le passage aux piétons.

«Le but, c'est que les automobilistes voient encore mieux la traverse qu'en deux dimensions. On espère que le fait d'ajouter cet effet visuel fera en sorte que tant les cyclistes que les automobilistes s'arrêtent plus, et donc que ce soit plus facile pour les piétons de traverser», explique Valérie Patreau, conseillère d'arrondissement dans Outremont.

Le passage sera aménagé mardi matin sur l'avenue Bernard, à l'intersection de l'avenue Champagneur. Cet endroit a été choisi parce qu'il a été jugé «sensible» en raison du nombre de piétons qui y ont été victimes d'une collision. Ce secteur génère également un achalandage élevé, notamment en raison de la présence du Théâtre Outremont et de plusieurs restaurants courus.

Les élus de Projet Montréal, qui ont pris la mairie d'Outremont en novembre dernier aux élections, disent vouloir améliorer la sécurité pour les piétons.

«Ces dernières années, on a seulement peint des lignes pour délimiter les passages pour les piétons. C'est plus économique sur la peinture, mais ça augmente le risque pour les piétons», affirme Valérie Patreau.

Plus petit arrondissement de Montréal avec ses 3,9 km2, Outremont investira ainsi 100 000 $ en 2018 pour améliorer le marquage dans ses rues. Un peu plus du quart de cette somme (27 000 $) ira aux passages piétonniers, qui avaient été négligés ces dernières années.

Déjà en vogue ailleurs dans le monde

Les passages piétonniers 3D ont la cote depuis quelques années dans le monde municipal. Plusieurs villes d'Islande, de France, des États-Unis, d'Allemagne, d'Inde et de Chine ont misé sur ces aménagements pour tenter de calmer la circulation dans leurs rues.

C'est notamment le cas de Clermont-Ferrand, dans le centre de la France, qui a aménagé un passage 3D il y a deux semaines. «Les premiers résultats chez les automobilistes ont été de les faire freiner parce que ça donne l'impression qu'il y a une marche», explique Cyril Cineux, adjoint au maire responsable des transports.

L'endroit pour implanter le passage 3D a été choisi non pas en raison du nombre d'accidents, mais plutôt de la difficulté pour les piétons à franchir l'artère, peu d'automobilistes y cédant le passage. «Les automobilistes n'ont pas tendance à s'arrêter malgré que ce soit prescrit dans le Code de la route», déplore M. Cineux. L'aménagement fera l'objet d'un suivi pendant deux ans afin de tenter de mesurer son efficacité sur la sécurité des piétons.

Rares études non concluantes

Mais voilà, les études mesurant l'impact de ces passages 3D sont peu nombreuses. Deux rares études menées sur le sujet aux États-Unis ont conclu que, comme plusieurs aménagements en sécurité routière, ils verraient leur effet s'émousser avec le temps.

Une chercheuse de la Western Michigan University a étudié en 2012 l'efficacité de passages piétonniers aménagés à Chicago.

Si la Ville des vents a observé au départ une augmentation du nombre d'automobilistes qui cédaient le passage aux piétons, l'effet a pratiquement disparu après quelques années.

Même résultat en Oklahoma, dans le Midwest américain. La mort d'une écolière en 2013, frappée par une voiture devant son école, avait incité l'État à aménager une traverse piétonne en trois dimensions. Mais les résultats n'ont pas été convaincants jusqu'à présent.

Selon les observations des ingénieurs du département des Transports de l'Oklahoma (ODOT), 9% des automobilistes freinaient à l'approche de l'aménagement dans la première année ayant suivi son apparition. Mais depuis le début de 2018, à peine 1% des automobilistes ralentissent. «Le taux de réponse à l'aménagement a diminué au fur et à mesure que les gens se sont habitués à sa présence. Ils ont pratiquement cessé d'y réagir en 2018», indique Annahlyse Meyer, porte-parole de l'ODOT.

Le passage 3D sera d'ailleurs retiré sous peu, le projet-pilote tirant à sa fin. L'ODOT recommande néanmoins de poursuivre les études, l'emplacement devant une école pouvant avoir influencé les résultats.

Dos-d'âne repeints

Outre les passages piétonniers, Outremont compte améliorer le marquage sur ses dos-d'âne. Plutôt que de peindre de petits chevrons, ces obstacles seront peints en jaune sur toute leur surface afin d'être plus visibles et éviter que les voitures les traversent à pleine vitesse.

«Le but des dos-d'âne, ce n'est pas d'abîmer les autos, mais de les faire ralentir», souligne Mme Patreau. Une cinquantaine de pictogrammes au sol pour prévenir de la proximité d'un parc et de zones scolaires seront aussi ajoutés.