Le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine sera doté d'un système de protection supplémentaire pour lutter contre les incendies et d'un centre de contrôle à la fine pointe de la technologie afin « d'optimiser la sécurité des usagers », selon un appel de qualification lancé la semaine dernière en vue d'un grand projet de réfection prévu en 2020.

Le corridor d'évacuation, au centre du tunnel, sera reconstruit, la signalisation sera améliorée, une technologie visant à communiquer en temps réel avec les usagers sera mise en place et la puissance de ventilation pour « désenfumage » sera augmentée de manière « à répondre à un incendie de grande puissance ».

De plus, le document suggère que les mesures préventives additionnelles pourraient prendre la forme de « radars photographiques et de barrières télécommandées aux entrées » pour stopper le trafic à l'entrée du tunnel en cas d'accident ou d'incendie.

L'amélioration des systèmes de sécurité fait partie des quatre volets principaux selon lesquels seront évaluées les propositions des soumissionnaires qui se disputeront cet important contrat d'ingénierie et de construction qui vise à prolonger la vie du tunnel pour au moins 40 ans. Le coût de ce projet de réfection majeure est estimé à plus de 1 milliard de dollars.

Les soumissionnaires devront proposer leurs solutions pour réaliser les travaux de réfection prévus (voir la liste des travaux ci-contre), refaire toute l'installation électrique, remplacer l'éclairage et le système de drainage, moderniser l'ensemble des systèmes de surveillance et d'exploitation et protéger le tunnel « contre les effets d'un incendie de grande puissance ».

MAXIMUM DE QUATRE ANS

L'appel de qualification international lancé jeudi dernier par l'entremise du système électronique d'appel d'offres du gouvernement du Québec est la première étape d'un processus qui s'étendra sur un an et demi.

Au terme de cette étape, trois entreprises ou consortiums seront sélectionnés pour participer à un appel de propositions, qui sera lancé en décembre 2018. Leurs propositions sont attendues en septembre 2019. En plus des coûts demandés, elles devront détailler les solutions préconisées par chaque soumissionnaire pour respecter les exigences du contrat.

Le choix du soumissionnaire sera annoncé en janvier 2020, et les travaux débuteront dans les mois suivants. Ils devront durer un maximum de quatre ans.

Le jour, pendant le chantier, deux voies de circulation devront être maintenues dans chaque direction (au lieu des trois voies actuelles), afin de limiter les embouteillages.

L'accessibilité des camions au tunnel devra être assurée, et des solutions de rechange en transports en commun seront mises en place pour atténuer les problèmes de circulation.

De plus, les travaux qui entraînent des entraves de longue durée devront être limités « à deux années maximum », et ce, même s'ils supposent la démolition et la reconstruction de plusieurs kilomètres de chaussée, ainsi que la restauration de la chape de béton située juste en dessous.

Comment y parviendront-ils ?

RESPONSABILITÉ PARTAGÉE

Dans cet appel de qualification, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports (MTMDET) se contente de présenter ses exigences et ses objectifs. Le choix des moyens pour les atteindre appartiendra au soumissionnaire.

Québec veut ainsi « mettre à profit l'expertise du secteur privé » et compte sur celui-ci pour qu'il participe d'une manière importante « au partage des risques et responsabilités du projet, incluant la conception et la réhabilitation de l'infrastructure ».

Le contrat, réalisé en mode conception-construction-financement, prévoit que le soumissionnaire devra concevoir les plans, choisir les systèmes de remplacement du tunnel, mener à bien les travaux de construction et financer lui-même leur réalisation, tout en respectant les échéanciers et en contrôlant les coûts.

Les paiements au consortium seront étalés sur quatre versements à diverses étapes du projet, et feront l'objet d'une retenue si les travaux ne respectent pas les exigences fixées par le Ministère.

TRANSPORTS EN COMMUN

Ce chantier de quatre ans aura des répercussions majeures sur la circulation dans l'ensemble de la région métropolitaine. Plus de 120 000 véhicules empruntent chaque jour le tunnel La Fontaine entre la Rive-Sud et Montréal. C'est la plus importante voie de passage des camions entre les deux rives du Saint-Laurent.

Actuellement, à toute heure du jour, la circulation des véhicules est déjà ralentie aux approches du tunnel, tant du côté de Montréal que du côté de Boucherville.

Or, pendant au moins deux ans, le chantier entraînera la fermeture obligatoire d'une voie de circulation sur trois, dans chaque direction.

L'appel de qualification prévoit que le MTMDET tentera de limiter l'effet des travaux sur la mobilité des gens en implantant une voie réservée aux autobus sur l'autoroute 20. Elle s'étendra sur une distance de 11 kilomètres entre le chemin du Fer-à-Cheval, à Sainte-Julie, et la sortie du boulevard Industriel, à Boucherville.

« Cette troisième voie dédiée au transport collectif sera aménagée sur une chaussée temporaire avec des fondations permanentes, précise le document. De plus, un accotement carrossable dédié aux autobus sera aménagé entre Beloeil et Sainte-Julie » pour réduire les temps de déplacement des autobus vers le tunnel, en pointe du matin.

Le terminus d'autobus de la station de métro Radisson, dans l'est de Montréal, sera réaménagé et agrandi, et trois stationnements incitatifs seront implantés sur la Rive-Sud.

La liste des travaux à réaliser

CHAPE DE BÉTON

À l'inauguration du tunnel, en 1967, les automobilistes roulaient directement sur la chape protectrice du tunnel, avant qu'on ne la recouvre d'une couche d'asphalte dont l'épaisseur variait entre 65 et 185 mm, en 1996, presque 30 ans plus tard. Cette chape de béton « est considérée comme le système de protection du radier au même titre qu'une membrane protège la dalle du tablier d'un pont contre la pénétration des ions-chlores provenant des sels de déglaçage ». Mais après 50 ans d'usure, « elle arrive à la fin de sa vie utile », rongée par le sel. « Il devient nécessaire de la remplacer pour protéger le radier » du tunnel.

CHAUSSÉE DE BÉTON

La chaussée de béton de l'autoroute 25 aux approches du pont, à Montréal et sur la Rive-Sud, est composée des dalles d'origine de 1967. Un demi-siècle plus tard, cette chaussée est parmi les plus fortement sollicitées au Québec. Le pont-tunnel est « l'axe le plus utilisé par les camions pour accéder à l'île de Montréal et au réseau autoroutier de l'ouest du Québec, et ce, dans les deux directions, et pendant toute la journée ». Les interventions nécessaires pour réparer cette chaussée se multiplient « et ne sont plus suffisantes pour maintenir l'état de la chaussée ».

JOINT DES CAISSONS 6 ET 7

Le joint d'étanchéité entre les caissons 6 et 7 du tunnel est problématique depuis toujours. « Avec la chute des températures, explique le document d'appel d'offres, le joint s'ouvre de quelques millimètres et cause des infiltrations d'eau », près de la sortie du tunnel, du côté de Montréal. Ces infiltrations « causent des dommages ». Diverses interventions ont été tentées au fil des ans. Le Ministère a même « instrumenté ce joint pour améliorer la compréhension de la problématique » (une façon élégante de dire qu'on ne sait toujours pas pourquoi cela se produit). Dans le cadre du projet de réfection majeure, « le Ministère s'attend à ce qu'une solution durable, permettant une étanchéisation adéquate du joint et une réduction des coûts futurs d'entretien et d'exploitation, soit mise en place ».

ENROCHEMENT

« Le tunnel, selon le document, est stabilisé au fond du fleuve par un enrochement de 1,83 m d'épaisseur minimum et par le poids de la chape en béton. Des études bathymétriques montrent une érosion de cet enrochement à certains endroits. » Dans les documents d'appel de qualifications, le Ministère indique que « le rétablissement de l'enrochement à son état initial est requis ». Une étude d'impact environnemental a été entreprise pour la réalisation de ces travaux.

PROTECTION INCENDIE

Le Tunnel possède plusieurs dispositifs de sécurité incendie, incluant des cabinets d'incendie répartis dans les deux tubes de circulation avec de l'eau sous pression. Malgré cela, en cas de sinistre majeur, une intervention des pompiers est nécessaire, mais celle-ci pourrait être compliquée par les problèmes d'accès au tunnel en raison de la paralysie de la circulation. Le Ministère souhaite donc « moderniser la protection incendie de l'infrastructure au moyen d'une protection supplémentaire pour mieux protéger cette infrastructure », et pour faciliter l'accès sécuritaire des pompiers. Le système de ventilation sera amélioré pour « augmenter sa capacité de désenfumage en cas d'incendie de grande puissance ».

CORRIDORS D'ÉVACUATION

Les corridors d'évacuation seront revus « en cohérence avec de nouvelles sorties construites de part et d'autre du tunnel en 2007 ». Certaines portes de secours doivent être remplacées pour permettre l'évacuation des personnes à mobilité réduite. La signalisation des chemins d'évacuation sera elle aussi « améliorée ». Le Ministère souhaite aussi se doter de nouveaux systèmes pour communiquer en temps réel avec les usagers en cas de feu ou d'accident, et transmettre les directives d'urgence.

DRAINAGE ET SYSTÈMES ÉLECTRIQUES

Le système de drainage sera remplacé en tenant compte du nouveau système de protection incendie et devra répondre à des nouvelles normes relatives à la gestion des hydrocarbures à la suite d'un déversement. L'éclairage du tunnel, la distribution électrique et les systèmes auxiliaires arrivent tous « à la fin de leur vie utile et requièrent un remplacement ».