Il n'y aura plus de service de train de banlieue entre Deux-Montagnes et le centre-ville de Montréal durant les fins de semaine, à partir du 20 avril prochain, en raison des travaux préparatoires à la transformation de cette ligne en antenne du futur Réseau express métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et ce n'est sans doute que le début des perturbations pour les usagers du train de Deux-Montagnes. La conversion de cette ligne en une antenne du REM pourrait bien entraîner à moyen terme sa fermeture complète en raison de l'intensité et de la complexité des travaux nécessaires pour transformer ce train de banlieue en un train léger électrique complètement automatisé.

Depuis l'automne dernier, de nombreuses rumeurs font état d'une interruption de service complète du train de Deux-Montagnes, la semaine et le week-end, pour une période d'un à deux ans. La transformation de ce corridor ferroviaire, qui s'étend sur 30 kilomètres de long, suppose la reconstruction complète des fondations de la ligne, la pose de nouveaux rails, la construction de nouvelles gares fermées avec portes palières et le remplacement complet de l'alimentation électrique de la ligne, qui ne fonctionnera plus sous la même tension avec l'arrivée du REM.

À cela s'ajouteront les travaux de modernisation du tunnel du mont Royal, emprunté par le train de Deux-Montagnes, et la construction des deux nouvelles stations souterraines du REM, Édouard-Montpetit et McGill, dans ce même tunnel.

Le porte-parole de CDPQ Infra, Jean Vincent Lacroix, n'a pas voulu s'avancer sur le sujet, hier, lorsque La Presse l'a joint. Pour l'instant, a-t-il affirmé hier, « nous avons demandé au consortium NouvLR [qui a obtenu le contrat de construction du REM] de nous préparer une programmation des travaux optimisée pour les fins de semaine afin de tirer profit au maximum de ces plages horaires ».

« Par la suite, on pourra voir à plus long terme avec eux pour les travaux sur la voie et les futures stations du REM. »

- Jean Vincent Lacroix, porte-parole de CDPQ Infra

4600 CLIENTS PRIVÉS DE SERVICE

Il est encore trop tôt pour savoir quand une telle fermeture surviendra ou même si elle sera nécessaire. M. Lacroix a toutefois confirmé hier que le service devra être interrompu sur la ligne de train de Deux-Montagnes toutes les fins de semaine, d'ici l'automne prochain, afin d'effectuer divers relevés et des travaux préparatoires de forage.

Vendredi dernier, à trois semaines d'avis, l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui planifie et finance les services de transports collectifs dans le Grand Montréal, ainsi que le Réseau de transport métropolitain (RTM), qui exploite les trains de banlieue, ont été informés de la nécessité de suspendre les services de train durant les week-ends, à compter de la fin de semaine du 20 avril, à la demande de CDPQ Infra, la filiale de la Caisse de dépôt qui est responsable de l'implantation du REM.

Les services de train de banlieue seront interrompus dès 20 h le vendredi soir. Les quatre trains en partance de la gare Centrale pour Deux-Montagnes après 20 h de même que les trois départs de la banlieue nord vers Montréal qui sont normalement offerts sur cette ligne le vendredi soir seront donc annulés pour une période qui reste à déterminer avec précision.

Le train de Deux-Montagnes est un des seuls à offrir un service régulier aux usagers les fins de semaine dans la région de Montréal.

Cette liaison, qui fonctionne depuis 100 ans, offre actuellement 11 départs par jour en direction du centre-ville, entre 6 h 55 et 23 h 25, et le même nombre de départs en direction de la banlieue, entre 8 h et 0 h 15, le samedi. Le dimanche, les usagers ont droit à six départs dans chaque direction.

Selon le RTM, le train de Deux-Montagnes assure en moyenne 4600 déplacements le samedi et le dimanche, ce qui représente environ 3 % de la clientèle de cette ligne.

Les départs tardifs, le soir, sont particulièrement appréciés des travailleurs vivant en banlieue parce qu'ils constituent une solution de rechange pratique à l'utilisation de l'automobile les fins de semaine, quand une partie importante du réseau routier montréalais est entravée par des chantiers.

C'est notamment le cas des travailleurs des milieux de la santé, de la restauration, du divertissement (théâtre et cinéma) ou des étudiants, qui n'ont pas beaucoup d'options de transports collectifs durant les fins de semaine, outre le métro qui se rend jusqu'à Laval.

PAS PRÉPARÉS

La nouvelle de la suspension des services sur la ligne de Deux-Montagnes a surpris les opérateurs des services de train et d'autobus de la banlieue, qui n'étaient pas préparés à cela. S'il est assuré qu'un service de remplacement sera mis sur pied afin de compenser ces fermetures de week-end, la nature de ces services, l'identité de l'organisme qui les assurera de même que leur financement ne sont pas déterminés.

Le porte-parole de CDPQ Infra a d'ailleurs indiqué à La Presse hier que la décision d'effectuer une première fermeture dès la fin de semaine du 20 avril n'est pas encore définitive. Il s'agit seulement de la date où le consortium NouvLR a demandé l'accès à l'emprise ferroviaire et la mise hors tension de la ligne électrique qui alimente le train.

L'interruption des services de fin de semaine pourrait donc être décalée d'une ou de quelques semaines si les services de remplacement ne sont pas prêts à être mis en place.

Par contre, M. Lacroix a indiqué que ces fermetures de fin de semaine devraient se répéter au moins jusqu'à la fin de l'été pour profiter de cette période propice à ce type de travaux.

À l'ARTM, hier, la porte-parole Fanie Saint-Pierre a affirmé que l'organisme « travaille de concert avec ses partenaires en transport afin de mettre en place le plus rapidement possible des services de transport alternatifs pour les clients de la ligne Deux-Montagnes ».

On ne sait pas encore qui financera ces services. « La mécanique de remboursement des coûts liés aux mesures d'atténuation n'est pas encore finalisée, a dit Mme Saint-Pierre, mais je peux vous confirmer que l'ARTM, le ministère des Transports et CDPQ Infra seront impliqués. »

De déceptions en déceptions

Les usagers de la ligne Deux-Montagnes ont subi leur lot de déceptions au fil des ans et de désagréments depuis le début de 2018.

DES USAGERS SUR LEURS GARDES

Guillaume St-Sauveur se déplace de Laval à Montréal par la ligne de Deux-Montagnes pour se rendre au travail. Un trajet qu'il parcourt du lundi au vendredi depuis 2001, mais sur lequel il ne compte pas les jours de fin de semaine. « Le service n'est pas fabuleux. Le samedi, les passages sont aux heures, et le dimanche, aux trois heures », soulève-t-il. « Même si ça ne me touchera pas directement, qu'ils annoncent cette interruption-là trois semaines d'avance, je trouve ça court pour ceux qui l'utilisent... » Sur la page Facebook AMT Deux-Montagnes - Mouvement pour nouveaux trains, les utilisateurs sont quelques centaines à faire part de leurs désagréments concernant le service actuel et de leurs inquiétudes en vue de l'arrivée prochaine du REM.

« LA FIABILITÉ S'EST DÉTÉRIORÉE »

De sa maison à Dollard-des-Ormeaux à son travail non loin de la gare Centrale, Jonathan Nardozza se rend d'une porte à l'autre en 35 minutes, quand tout va bien. Cet hiver, ce fut rarement le cas. Dans les deux premières semaines de janvier seulement, le RTM a enregistré 309 retards sur ses six lignes de train. Celle de Deux-Montagnes y a goûté. « Ça m'a déjà pris jusqu'à une heure et quart, rapporte M. Nardozza. Depuis que ça a été transféré à Bombardier, je trouve que la fiabilité s'est détériorée ! Cette année, ce n'est simplement plus fiable. Ils mettent ça sur le dos de la météo, mais depuis les sept années que je prends le train, il y a toujours eu un hiver. »

BILAN CATASTROPHIQUE

L'hiver s'est poursuivi avec un bilan catastrophique sur la ligne de Deux-Montagnes. Le 7 février, seulement 30 % de l'horaire a été respecté dans la journée : 34 des 49 trains sont arrivés en retard à destination, dont 7 avec plus de 30 minutes. Le jour de la Saint-Valentin, 22 trains sont arrivés en retard. De ceux-là, 12 ont été retardés de 10 à 30 minutes, et trois de plus d'une heure, selon des données fournies par le RTM. Le ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports du Québec, André Fortin, a d'ailleurs qualifié la situation d'« inacceptable » et a exigé à la mi-février un plan d'action d'urgence. Un mois plus tard, le RTM a annoncé un plan d'action de près de 500 millions sur cinq ans pour améliorer la fiabilité et la ponctualité des services de trains de banlieue.

LE REM EN BREF

Le Réseau express métropolitain (REM) est un projet de train électrique automatisé qui comptera 26 stations. Le projet offrirait une liaison express entre le centre-ville de Montréal, Saint-Laurent, L'Île-des-Soeurs, l'Ouest-de-l'Île, la Rive-Sud, la couronne nord et l'aéroport international Trudeau, à Dorval. La Caisse de dépôt et placement du Québec travaille sur sa planification depuis deux ans, et sa construction au coût de 6,4 milliards doit commencer le mois prochain.

- Audrey Ruel-Manseau, La Presse