Les vendeurs de drogue de la station Berri-UQAM risquent bientôt d'avoir de la concurrence... légale. La Société québécoise du cannabis (SQC) envisage d'aménager près de la principale station de métro de Montréal l'une des quatre succursales qui ouvriront dans l'île, a appris La Presse.

À quelques mois de la légalisation de la vente de cannabis, la réflexion sur l'emplacement des succursales est bien avancée. La Société des alcools du Québec, qui chapeaute les activités de la SQC, a entrepris des discussions avec plusieurs villes où elle compte ouvrir boutique pour vendre du cannabis, dont Montréal et Québec.

Ainsi, 20 points de vente ouvriront cette année, et non pas 15, comme prévu au départ. Du lot, quatre auront pignon sur rue à Montréal au moment de la légalisation. Et tout indique que les Montréalais iront magasiner leur cannabis en métro.

Quatre secteurs sont envisagés par la SQC pour vendre sa marchandise dans l'île, tous à proximité du réseau souterrain. 

Au centre-ville, c'est près de la station Berri-UQAM que l'on compte ouvrir, un secteur jugé incontournable pour vendre du cannabis légal. 

D'abord, il s'agit de la station de métro la plus achalandée de la métropole, avec plus de 13 millions d'entrées par an. Trois lignes s'y croisent, soit les lignes orange, verte et jaune. Enfin, l'endroit est déjà bien connu des amateurs de marijuana.

En effet, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a longtemps tenté de déloger les vendeurs de drogues du secteur, sans jamais y parvenir. L'ajout de caméras de sécurité et l'occupation de la place Émilie-Gamelin par de nombreuses activités publiques ne sont pas parvenus à les éloigner.

Une autre succursale devrait ouvrir près de la station de métro Jean-Talon. Là encore, il s'agit d'un secteur névralgique du réseau souterrain, au croisement des lignes orange et bleue. L'emplacement précis de la boutique n'est pas encore déterminé, mais on souligne la proximité de deux importantes artères commerciales, soit les rues Saint-Hubert et Jean-Talon. Notons que la rue Saint-Hubert sera en chantier majeur jusqu'en 2020 dans ce secteur.

L'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve aura aussi sa succursale, près de la station Radisson, sur la ligne verte. Cet endroit a été jugé intéressant en raison de la proximité d'un secteur commercial dans la rue Sherbrooke et du centre commercial Place Versailles. Rappelons toutefois que la SQC n'est pas autorisée à ouvrir boutique dans un centre commercial intérieur.

Un flou persiste sur l'emplacement de la quatrième succursale. Les dernières discussions avaient évoqué un secteur dans Verdun, près de la station De l'Église, mais ce scénario a finalement été écarté. On indique que la boutique devrait néanmoins se trouver dans ce secteur de l'île. Il est ainsi hautement probable que ce lieu de vente soit dans le Sud-Ouest, afin qu'il se trouve lui aussi à proximité du réseau souterrain de la STM.

LA CLÉ DES TRANSPORTS EN COMMUN

Le fait que les emplacements envisagés se trouvent près de stations de métro majeures n'est pas dû au hasard. La réflexion sur l'emplacement des succursales a quelque peu évolué au fil des dernières semaines pour en arriver au constat que l'accès était un enjeu central.

Si Berri-UQAM a toujours été envisagée comme emplacement, on songeait au départ à implanter les autres succursales à LaSalle, au Marché central, dans Ahuntsic et à Anjou. L'idée derrière ce plan était d'offrir un équilibre géographique dans l'île.

Les discussions avec la Ville de Montréal ont toutefois fait évoluer le plan, la métropole ayant soulevé que ces endroits étaient difficiles d'accès en transports en commun, de sorte que la clientèle aurait eu à utiliser la voiture pour s'y rendre. Il a donc été jugé préférable de trouver des secteurs plus près des principaux axes de transports en commun.

Trouver des emplacements pour les succursales de la SQC s'avère une tâche épineuse. De nombreux critères entrent en ligne de compte et viennent brouiller les cartes. 

Ainsi, nos sources indiquent qu'on tient à éloigner les succursales le plus possible des garderies ainsi que des écoles primaires et secondaires. On veut aussi éviter la proximité des parcs fréquentés par les enfants ou des organismes communautaires offrant des services aux jeunes.

Rappelons que la loi prévoit une interdiction formelle aux mineurs d'entrer dans les boutiques de la SQC. Des portiers devront contrôler l'entrée des succursales en vérifiant les cartes d'identité des visiteurs. Les produits se trouveront derrière un comptoir, dans un emballage neutre.

VERS UNE PHASE DEUX



Si quatre succursales ouvriront au départ à Montréal, elles ne seront pas seules. Quatre autres sont envisagées dans l'île, selon nos informations. Leur emplacement n'a pas encore été déterminé et elles ne devraient ouvrir leurs portes que plus tard dans l'année ou au début de 2019.

La Ville de Montréal, qui est consultée par la SAQ dans les démarches, se montre toutefois réticente à voir des concentrations de succursales. On veut ainsi empêcher la SQC d'ouvrir deux boutiques distantes l'une de l'autre de moins d'un kilomètre « pour éviter l'effet ghetto », nous a confié une source proche du dossier.

Rappelons que le gouvernement avait évoqué un réseau d'une centaine de succursales, mais le président de la SAQ, Alain Brunet, a indiqué récemment que cela pourrait être plus. « Le chiffre, c'est 100, c'est ce qu'on a évalué. Ou 150. Ce n'est pas un enjeu : si ça en prend 300, ça en prendra 300 », a-t-il dit en marge d'un discours, la semaine dernière, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Nos informations évoquent un réseau de 150 à 200 succursales.

Au cabinet de la mairesse, on a préféré ne pas commenter le dossier, précisant qu'il était toujours en évaluation. Au-delà de l'emplacement des succursales, la Ville de Montréal est toujours en discussions avec le gouvernement Couillard sur la question des redevances sur les ventes de cannabis que Québec prévoit verser aux municipalités.

Les Villes s'attendent à ce que le gouvernement dévoile son jeu sur les redevances dans son budget, la semaine prochaine. Le sujet figure d'ailleurs à l'agenda d'une rencontre de l'Union des municipalités du Québec prévue à Montréal aujourd'hui. Le président de l'UMQ, Alexandre Cusson, et Valérie Plante feront part de leurs attentes ce midi à l'issue de leur rencontre.