Des itinérants alcooliques pourraient bientôt bénéficier d'une ressource d'accueil leur permettant de boire dans un environnement contrôlé à Montréal.

Des centaines de sans-abri souffrant d'une dépendance à l'alcool continuent de dormir dans les rues de la métropole, faute de ressources pouvant accueillir les personnes intoxiquées, selon la Ville.

Après avoir rencontré une centaine de personnes de la rue l'été dernier, la métropole n'a eu d'autre choix que d'admettre que des services s'adressant spécifiquement aux itinérants alcooliques étaient devenus nécessaires.

La Ville souhaite donc lancer en 2019 un projet pilote de ressource d'accueil «avec consommation contrôlée» - aussi appelée "wet services" ou "wet shelter" - s'adressant spécifiquement à ce type de clientèle. L'objectif de ces ressources ne sera pas de faire cesser la consommation, mais plutôt d'aider ces personnes itinérantes «à contrôler et à réduire la consommation pour qu'elles puissent au moins être fonctionnelles, et surtout, être ailleurs que dans la rue», indique le commissaire aux personnes en situation d'itinérance à la ville de Montréal, Serge Lareault.

Ce projet, dont les détails seront révélés dans les prochaines semaines, s'inscrit dans le Plan d'action montréalais en itinérance 2018-2020 présenté mercredi par la mairesse Valérie Plante.

«Il y a des clientèles qui ne vont pas dans les refuges, note M. Lareault. On a fait des entrevues dans les parcs, dans les espaces publics avec eux et la grande majorité nous ont dit que c'était la toxicomanie, l'alcoolisme, les troubles de santé mentale qui font qu'elles ne peuvent être enfermées pendant 10 heures dans un refuge. Elles ont besoin d'un lieu adapté à leur condition.»

La responsable du développement social et communautaire et de l'itinérance au comité exécutif de la Ville de Montréal, Rosannie Filato, explique qu'un projet est déjà en chantier, en collaboration avec le CIUSS Centre-Sud, afin de déterminer la nature des besoins dans ce domaine. On étudie notamment les différents modèles déjà proposés ailleurs au Canada, plus précisément à Ottawa et Toronto. Des propositions semblables existent également en Australie, à Manchester et à Seattle, souligne la Ville.

«On sait que les "wet services", les "wet shelters", ont des effets positifs. On a vu le lien, il y a moins de visites à l'hôpital, par exemple, il y a moins d'interventions de la part du SPVM, il y a moins de journées en refuge, donc ça a des effets positifs. C'est la raison pour laquelle on va avoir un projet pilote d'ici 2019, c'est certain, puis on va voir si on a un besoin au-delà du projet pilote», précise Mme Filato, qui ne pouvait pour le moment confirmer si la ressource montréalaise fournira de l'alcool aux itinérants alcooliques comme on le fait ailleurs.

Du côté de l'Accueil Bonneau, qui offre des services aux itinérants, mais où les personnes intoxiquées ne peuvent avoir accès aux lits, on s'est montré ravi par cette proposition de la Ville.

«C'est une clientèle qui est laissée à elle-même dans les espaces publics et qui a de grands besoins. Ces gens-là ne se paieront pas un loyer parce que leur priorité, c'est la consommation d'alcool, le problème de dépendance est trop fort. On a besoin d'adapter des services pour les soutenir, mais l'idée, c'est d'avoir un encadrement de la consommation d'alcool, un encadrement au niveau médical», estime Aubin Boudreau, directeur général de l'Accueil Bonneau, où avait lieu la conférence de presse de Valérie Plante et son équipe.

M. Boudreau s'est dit «séduit et charmé» par le refuge offrant la consommation d'alcool contrôlée qu'il a visité à Ottawa et croit que Montréal devrait s'en inspirer. Son équipe est d'ailleurs en discussion avec celle de la Mission Old Brewery afin de déterminer quel genre de modèle pourrait convenir à Montréal et de quelle façon ces deux organismes pourront s'impliquer dans le développement de ces services.

Le Plan d'action montréalais en itinérance 2018-2020 inclut:

• Un budget triennal de 7,8 millions 

• La création de 950 logements sociaux et communautaires et d'une centaine de chambres

• La réalisation d'un dénombrement ponctuel de l'itinérance visible sur l'ensemble du territoire montréalais

• Le développement d'une approche locale du Service de police de la Ville de Montréal pour répondre aux enjeux de l'itinérance dans les quartiers et le métro

• Une amélioration de la référence vers les ressources d'aide, notamment par le biais de la ligne 211

• L'implantation de toilettes publiques dans les arrondissements

• Le développement de l'offre de services pour les personnes ayant des besoins spécifiques, notamment les femmes et les membres des Premières Nations

• Le renforcement des programmes de déjudiciarisation des personnes en situation d'itinérance à la Cour municipale