Plus vite. Moins cher. La Ville de Montréal prend un virage numérique pour payer ses fournisseurs dans l'espoir d'économiser temps et argent. La métropole implantera un nouveau système afin de numériser les 370 000 factures que lui envoient ses fournisseurs chaque année.

Les élus montréalais ont accordé jeudi un contrat à Xerox afin d'implanter un nouveau système de numérisation des factures. La Ville versera 1,6 million sur trois ans à l'entreprise afin de traiter l'ensemble des factures qu'elle reçoit à l'aide d'un système de reconnaissance de caractères. Cette opération devrait lui permettre au passage d'économiser en moyenne 1,6 million par an.

Montréal note que son système actuel pour traiter les factures est lourd. Avec quelque 370 000 factures reçues en moyenne chaque année, la Ville indique que des milliers d'employés doivent manipuler «plusieurs millions de documents». En effet, avant le paiement, des pièces justificatives doivent être rassemblées, documents qui peuvent être volumineux.

En éliminant une importante partie des opérations de classement, de manipulation, de saisie de données et de validation, la Ville estime que la numérisation des factures lui fera économiser environ 4,40 $ par facture traitée. D'où l'évaluation d'économies de 1,6  million par an. Cela représente également le travail de 27 employés.

Au coeur de ce virage, la Ville dit vouloir surtout réduire les délais dans le traitement des factures. «Les délais de traitement des factures sont excessivement longs», dit François Croteau, élu responsable de la ville intelligente.

Les plus récentes statistiques indiquent que près du tiers des fournisseurs doivent attendre plus de 30 jours avant de recevoir leur paiement. Voilà, tarder à payer peut coûter cher. Certains fournisseurs facturent jusqu'à 15% de plus en raison des retards de paiement, avance la Ville.

La Ville note d'ailleurs qu'elle s'est forgé une mauvaise réputation en raison de ses délais de paiement. Mauvaise réputation qui réduit le nombre d'entreprises prêtes à répondre aux appels d'offres de la métropole. «En ce moment, Montréal n'a pas bonne réputation auprès des fournisseurs. C'est sûr que ça fait en sorte que plusieurs entreprises n'ayant pas les reins assez solides pour attendre les paiements ne vont pas soumissionner, de peur de se trouver à court de liquidités. Ça restreint le marché», dit François Croteau.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, dont plusieurs membres sont d'importants fournisseurs de la Ville de Montréal, a salué ce virage. «Effectivement, la Ville de Montréal a mauvaise réputation quant aux délais de paiement, alors c'est certain qu'on voit d'un bon oeil les changements», dit un porte-parole, Christian Croteau. L'organisation avait d'ailleurs dénoncé la situation dans son mémoire à la commission Charbonneau, sur les problèmes dans l'attribution et la gestion des contrats publics.

Le problème ne se limite pas à la Ville de Montréal. En 2015, plusieurs acteurs de l'industrie de la construction s'étaient rassemblés au sein de la Coalition contre les retards de paiement pour demander des correctifs. Ceux-ci évaluaient que les délais s'étiraient sur 80 jours dans le milieu, fragilisant la santé financière des entreprises.

Un seul fournisseur conforme

À noter, Xerox a décroché ce contrat au terme d'un appel d'offres qui a été mené l'automne dernier. Pas moins de 17 entreprises ont manifesté leur intérêt, mais seulement trois ont déposé une offre en bout de piste. Et une seule soumission a été jugée conforme. Les deux autres firmes ayant participé à l'appel d'offres n'ont pas obtenu la note de passage (70%) pour que leur soumission soit considérée comme recevable.

Bien qu'une seule entreprise se soit qualifiée, le prix demandé est malgré tout 23% inférieur à l'estimation de la Ville, qui s'attendait à payer 2 millions.

François Croteau dit ne pas être inquiet du déroulement de cet appel d'offres. Il explique le faible nombre de soumissionnaires par le fait que la Ville a changé son approche. Plutôt que d'acheter une solution informatique, Montréal a décidé d'embrasser le logiciel libre. La métropole veut ainsi que des systèmes soient développés pour répondre à ses façons de faire et non plus avoir à changer ses processus pour s'adapter aux logiciels offerts sur le marché.

«On veut arrêter d'être dépendants à une solution technologique, dit l'élu. Si on développe nos processus en fonction de la solution informatique, quand le contrat arrive à terme ou que le logiciel est désuet, il faut changer le processus. Il faut renverser cela.»