Une coalition de scientifiques, de groupes écologistes et de regroupements citoyens a remis en question hier la pertinence économique du nouveau terminal à conteneurs à Contrecoeur, qui doit être construit à 40 kilomètres du port de Montréal.

Les 11 « chevaliers » de la « Table ronde pour la défense du chevalier cuivré » ont aussi mis en doute la légalité même de ce projet de 650 millions de l'Administration portuaire de Montréal (APM) en raison de ses impacts permanents sur l'habitat d'une espèce de poisson unique au Québec, classée en voie de disparition depuis plus de 10 ans.

« Notre compréhension du projet, dit Alain Branchaud, de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), c'est qu'il est inacceptable sur le plan environnemental, mais qu'il l'est aussi sur le plan légal. Il ne répond pas aux enjeux légaux liés à la préservation de la biodiversité. À la lumière de tout ce qu'on a entendu ici, aujourd'hui, il y a de sérieux doutes sur la faisabilité d'un tel projet à Contrecoeur. »

Dans une déclaration commune, les organismes formant la Table ronde demandent à Pêches et Océans Canada de rendre publics « tous les avis scientifiques internes traitant de l'impact du projet d'expansion du Port de Montréal à Contrecoeur sur le chevalier cuivré », et ce, avant les consultations publiques fédérales prévues sur ce projet, dans deux semaines, à Contrecoeur.

Le chevalier cuivré n'existe nulle part dans le monde, sauf au Québec. Il se reproduit à un seul endroit : dans la rivière Richelieu. Il fréquente toutefois les herbiers des eaux peu profondes en bordure du fleuve Saint-Laurent, entre Montréal et Trois-Rivières. Il en reste au mieux quelques centaines d'individus, dit Louis Bernatchez, professeur au département de biologie de l'Université Laval.

« En tant que société moderne et progressiste, nous avons un devoir moral de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la survie de cette espèce, qui ne vit qu'ici, au Québec », dit M. Bernatchez.

Selon l'étude d'impact environnemental de l'Administration portuaire de Montréal, rendue publique à la mi-janvier, le chevalier cuivré n'a pas été pêché à Contrecoeur depuis la fin des années 90. Cependant, des herbiers propices à son habitat seront détruits pour la construction du quai du futur terminal de Contrecoeur.

Lors de la phase I du projet d'APM, prévue d'ici 2025, quelque 4000 mètres carrés seront irrémédiablement perdus avec la construction du terminal. Au terme des deux phases subséquentes, prévues d'ici 2045, la surface des herbiers disparus sera 10 fois plus grande et totalisera quatre hectares, soit une superficie équivalant à six terrains de football.

Le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius, a remis en question le besoin d'expansion du Port de Montréal et la nécessité de construire ce nouveau terminal. Pour justifier cette expansion à Contrecoeur, APM a anticipé « un taux de croissance gonflé ».

« Ils attendent un taux de croissance de 3 % alors qu'il n'a pas dépassé 1,2 % depuis une décennie, affirme M. Saladzius. Avec les aménagements en cours et l'agrandissement du terminal Viau, le Port de Montréal va disposer d'une capacité adéquate jusqu'en 2030, avec un taux de croissance normal. »

Chiffres

Projet de terminal à conteneurs de Contrecoeur

• Coût estimé : 650 millions

• Échéancier : quatre ans de construction

• Mise en service : Entre 2022 et 2025

Manutention

• Capacité actuelle du Port de Montréal : 2,1 millions de conteneurs par année

• Capacité prévue à Contrecoeur (phase I) : 1,15 million de conteneurs par année

• Capacité totale après les phases I, II et III (en 2045) : 3,5 millions de conteneurs par année

Circulation

• 2 navires porte-conteneurs par semaine

• 1 grand convoi ferroviaire par jour

• De 1200 à 2000 camions par jour

Emplois

• 5000 emplois-année durant les quatre ans de travaux de construction

• 1000 emplois permanents à l'ouverture du terminal