Les contribuables montréalais seraient perdants dans la réforme de la taxe scolaire puisqu'ils « assumeront la grosse part de la facture de la réforme et en retireront les plus petits bénéfices », estime le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal.

« L'effet du projet de loi sur les payeurs de taxes à Montréal est préjudiciable. (...) Les Montréalais paieront plus cher, auront une moins grande diminution de leur compte [de taxe] et continueront de vivre dans la région avec la plus forte concentration de pauvreté », a affirmé Patricia R. Lattanzio, présidente du comité, lors de son passage mercredi en commission parlementaire. 

Le projet de loi libéral prévoit uniformiser dans chaque région le taux de taxe scolaire afin de mettre fin aux iniquités entre les différentes commissions scolaires. Pour ce faire, le gouvernement souhaite fixer dès l'an prochain la taxe au taux le plus bas en vigueur, région par région. L'État pallierait ensuite pour les pertes subies par les commissions scolaires dont le taux de taxe aurait diminué. 

« Le coût de cette réforme semble être de 650 millions de dollars. Les contribuables montréalais, [qui représentent 21% de la population de la province], supporteront 21% de cette somme [et] en retireront 22 millions de dollars », a écrit le comité dans son mémoire déposé à l'Assemblée nationale. 

« En voulant ménager les contribuables qui, pour diverses raisons, ont pu jouir d'un taux de taxe anormalement bas [dans certaines régions], on retourne encore la facture sur les épaules des contribuables montréalais qui n'ont toujours aucune possibilité de voir baisser leur compte de taxes », poursuit-on. Montréal est actuellement la seule région du Québec ayant un taux de taxe régional qui est le même pour tous.

Pour le statu quo 

Le comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal recommande au gouvernement de suspendre le projet de loi 166. Dans sa version actuelle, dit-il, « la proposition de réforme ferait plus mal que le statu quo », a dit Mme Lattanzio.

« Malgré ses lacunes, le système de taxation scolaire actuel est moins inéquitable que celui proposé. (...) Toutes réformes de fiscalité doivent être équitables. Ce n'est pas le cas dans [ce qui est] proposé. Ce ne sont pas les régions composées du plus fort taux de pauvreté qui recevront le plus », a-t-elle ajouté en commission parlementaire. 

À Montréal, le comité perçoit la taxe scolaire en juillet en octobre, avant de la redistribuer aux commissions scolaires en janvier. « Entre temps, les sommes perçues produisent de l'intérêt (...) qui est redistribué à titre d'allocation aux milieux défavorisés », a également expliqué Mme Lattanzio. Cette année, l'organisme a ainsi pu récolter 10,5 millions de dollars.   

« Toute modification au système de taxation scolaire ne doit pas avoir d'incidence sur ces allocations, lesquelles sont primordiales pour les commissions scolaires de l'île de Montréal qui desservent une population où la pauvreté, la diversité ethnique et l'analphabétisme sont des enjeux quotidiens », prévient le comité dans son mémoire. 

Or, dans le projet de loi actuel, « rien n'est prévu pour la perte d'intérêts sur le produit de la taxe ni pour la perte de facturations supplémentaires. Ces deux composantes forment le montant remis aux commissions scolaires de l'île de Montréal en allocations aux milieux défavorisés », poursuit-on. 

Un « risque réel de coupure », craignent les commissions scolaires 

De leur côté, les commissions scolaires craignent que la réforme du système de taxation scolaire « risque de nuire à la pérennité du financement de ce modèle », mais aussi placer « le système d'éducation scolaire public face à un risque réel de coupure qui pourrait fragiliser son financement et nuire à l'atteinte des objectifs en matière de réussite éducative ». 

Ces craintes, exprimées dans le mémoire de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), ont été présentées mardi en commission parlementaire. 

« Nous nous interrogeons sur la pertinence d'appliquer le taux le plus bas. Ce choix implique une importante compensation du gouvernement qui risque de nuire à la pérennité du financement de ce modèle. En effet, plus ce montant est élevé, plus il sera difficile de le maintenir en cas de changement des priorités gouvernementales ou de la situation économique », a écrit le FCSQ dans son mémoire. 

Entre 1990 et 2016, la part des revenus tirés des taxes scolaires pour le financement du réseau public a augmenté, rappelle la Fédération, passant de 5% à 18,2%. Ces revenus représentent aujourd'hui 2,2 milliards de dollars.