Son réseau de distribution d'eau continuant à se rompre deux fois plus que dans les grandes villes canadiennes, Montréal dit être dans l'obligation d'augmenter de 50 % la cadence dans la réfection de son réseau en 2018. Signe de l'ampleur du problème, des documents obtenus par La Presse révèlent que l'administration Coderre prévoyait elle aussi une hausse marquée de la taxe de l'eau.

L'étude détaillée du budget de Montréal a permis d'apprendre hier que le service de l'eau prévoyait réaliser jusqu'à 525 millions en travaux cette année pour réparer ses conduites vieillissantes. C'est beaucoup plus que les 350 millions exécutés en 2017.

« Oui, il y a des besoins urgents, et oui, on a l'intention d'investir au maximum de notre capacité. Je n'ai aucun problème à défendre ces investissements. C'est pour des raisons sécuritaires et économiques, parce que si on attend, ça ne va qu'empirer », a indiqué Sylvain Ouellet, élu responsable de l'eau au sein de l'administration Plante.

Les conduites de distribution d'eau de Montréal ont en moyenne 61 ans. C'est nettement plus que la moyenne de 41 ans dans les grandes villes canadiennes. Accusant son âge, le réseau a subi en 2017 pas moins de 18 ruptures par 100 km de conduites. Cette statistique représente une amélioration par rapport au début des années 2000, où l'on recensait 29 ruptures par 100 km, mais cela reste deux fois supérieur à la moyenne des grandes villes canadiennes.

Le directeur général de la Ville, Alain Marcoux, a souligné que le déficit d'entretien du réseau de distribution d'eau remontait à 1976, alors que Montréal a mis la pédale douce sur l'entretien de ses infrastructures au lendemain des Jeux olympiques.

Un problème de taille guette Montréal d'ici 10 ans, prévient Sylvain Ouellet, alors que près des deux tiers des conduites sont dans un état jugé « moyen ». 

En effet, les conduites aménagées au début du XXe siècle arrivent peu à peu en fin de vie. Mais de nombreuses conduites datant de l'après-guerre doivent aussi être remplacées. Bien que plus jeunes, elles sont de moindre qualité. D'où la congestion dans les projets de réfection de la Ville.

La multiplication des ruptures majeures contribue également à ralentir le travail de Montréal. « Plus on a de situations d'urgence, plus on a de personnel qui devrait travailler sur du préventif qui est sollicité, et ça nous empêche d'en faire plus », a exposé Chantal Morissette, directrice du service de l'eau.

Samedi, par exemple, l'une des deux conduites alimentant le Casino en eau a cédé, entraînant une importante baisse de pression. Sa réparation s'avère très complexe puisqu'elle se trouve sous le pont de la Concorde, au-dessus du fleuve. Les travaux doivent donc s'effectuer près des glaces couvrant le cours d'eau, dans des conditions de froid intense. Une telle rupture survenue en novembre avait forcé la fermeture du Casino pendant quelques heures.

CODERRE AUSSI

L'opposition a continué à talonner l'administration lors de l'étude du budget. Bien qu'il dise comprendre l'importance d'investir dans le réseau d'eau, l'élu Alan De Sousa a estimé que l'acceptabilité sociale n'était pas au rendez-vous pour hausser les taxes au-delà de l'inflation.

Or, l'administration sortante envisageait elle aussi une hausse marquée, selon des documents préparés peu avant la dernière campagne dont La Presse a pris connaissance. On y apprend qu'on envisageait une augmentation des taxes résidentielles et commerciales de 2,1 % ainsi qu'une hausse de la taxe de l'eau pour récolter 27 millions de plus, soit très précisément la hausse décrétée par l'administration Plante-Dorais. En fait, le budget présenté la semaine dernière et la plus récente ébauche se ressemblent en plusieurs points.

L'administration Coderre prévoyait toutefois aussi de réduire d'un point de pourcentage les budgets des arrondissements, en plus de leur refiler une partie du coût des régimes de retraite. On comptait aussi augmenter les revenus tirés des parcomètres. Un document envisage également de réduire de 1 million le budget pour la lutte contre l'agrile du frêne, cet insecte ravageur s'attaquant au principal arbre de rue de Montréal.

Interrogé sur une hausse de la taxe de l'eau envisagée par l'ancienne administration, le chef de l'opposition Lionel Perez a indiqué que des propositions ont pu être faites, mais qu'« au final, on aurait respecté notre engagement de ne pas augmenter au-delà de l'inflation ».

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LONGUEUR DES CANALISATIONS D'EAU RENOUVELÉES PAR ANNÉE

• 2006: 18 KM

• 2007: 35 KM

• 2008: 67 KM

• 2009: 97 KM

• 2010: 124 KM

• 2011: 154 KM

• 2012: 193 KM

• 2013: 220 KM

• 2014: 273 KM

• 2015: 322 KM

• 2016: 389 KM

Source : Service de l'eau, Ville de Montréal

D'autres nouvelles montréalaises

RETARDS POUR LE CENTRE ANIMALIER

Les retards s'accumulent dans le projet de centre animalier, lancé en 2011 à la suite d'un reportage sur des cas de cruauté au Berger blanc. Initialement prévu dans le Sud-Ouest, la décision de l'administration Coderre de construire ce centre dans Saint-Michel a entraîné de nombreux problèmes. Le terrain envisagé s'est révélé très contaminé et les appels d'offres pour le nettoyer ont dû être repris trois fois. Il fallait aussi trouver un nouvel emplacement pour le clos de voirie de l'arrondissement. Ces écueils ont ainsi contribué à faire passer la facture du projet de 22 à 46 millions. L'élu responsable du dossier au sein de l'administration Plante, Jean-François Parenteau, a indiqué que le tout était en révision et que « des décisions à court terme » devraient être prises.

LES SERVICES SUIVIS À LA LOUPE

Les 150 différents services de la Ville de Montréal devront se doter en 2018 d'un tableau de bord permettant de suivre en temps réel leur performance. « Chaque directeur devra avoir au moins quatre indicateurs d'efficience pour mesurer ses opérations. C'est un grand pas en avant », a expliqué à l'étude du budget 2018 Simon Cloutier, qui dirige le service de la performance organisationnelle. Pour usage interne au départ, ces tableaux de bord seront plus tard rendus publics, en vertu de la politique de données ouvertes de la métropole, a indiqué le directeur général de la Ville, Alain Marcoux. « Ça va nous permettre de fonctionner par résultats plutôt que par intentions », a-t-il commenté.

PÉTITION CONTRE LA HAUSSE DE TAXES

La Fédération canadienne des contribuables a lancé hier une pétition pour permettre aux Montréalais d'exprimer leur mécontentement face à la hausse de taxes de 3,3 % décrétée par l'administration Plante-Dorais dans le budget 2018. « Les gens en ont marre des politiciens qui ne respectent pas leurs promesses électorales. Les Montréalais avaient le sentiment réel que Valérie Plante ferait de la politique différemment, mais elle les a déçus à la toute première occasion », a dénoncé l'instigateur de la pétition, Carl Vallée, directeur québécois de la FCC.