Des agents immobiliers tentent de vendre plus de 1 million de dollars un terrain lourdement inondé au printemps dernier dans l'île Bizard, à Montréal, en vantant la possibilité d'y construire « immédiatement » 18 maisons.

« Occasion à saisir ! Terrain bord de l'eau et prêt à construire immédiatement », écrivent les courtiers Alexandre Couturier et France d'Amours, de RE/MAX.

Les photos aériennes incluses dans la fiche de vente montrent un terrain boisé et luxuriant, alors que le cours de la rivière des Prairies est à un niveau normal. Mais les photos prises par La Presse en mai dernier montrent une autre réalité.

Le maire de l'arrondissement de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève, Normand Marinacci, se souvient lui aussi d'avoir vu ce boisé lourdement inondé. Malgré les arguments de vente de RE/MAX, il promet en entrevue de s'opposer à toute construction à cet endroit, situé juste à côté du pont de la petite île Mercier, devenu un symbole des inondations. Le lien avait été complètement submergé par les flots.

« C'est l'intention du conseil d'arrondissement de ne pas permettre la construction sur ce terrain », a indiqué M. Marinacci en évoquant les dégâts du printemps 2017. 

« La volonté du conseil d'arrondissement, c'est de maintenir cette zone comme espace naturel, a-t-il continué. C'est une zone à risque, surtout avec l'expérience qu'on vient de vivre », dit Normand Marinacci.

Il a ajouté que ses services avaient reçu une demande de permis de construction pour cet espace. « Évidemment, il reste des recherches à faire », mais les demandeurs ne devraient pas se faire d'illusions, a-t-il continué.

Joint au téléphone, le courtier immobilier Alexandre Couturier a d'abord expliqué que le plus gros du terrain était effectivement situé dans une zone inondable de récurrence de 20 ans (risque assez élevé), mais qu'une « portion » se trouvait dans une zone inondable de récurrence de 100 ans (risque habituellement acceptable pour la construction d'habitations). « C'est sûr qu'on ne peut pas construire sur le bord de l'eau, mais il y a une petite zone où il est possible de construire », a-t-il dit.

UN TERRAIN ÉVALUÉ À 412 000 $

Le terrain est offert au prix de 1,1 million. Son évaluation municipale est de 412 000 $.

La fiche immobilière précise que « le zonage permet la construction d'un projet domiciliaire unifamilial allant jusqu'à 18 unités de type maison à étages (jumelées ou en rangée) ».

Après avoir offert de faire parvenir à La Presse la documentation relative au risque d'inondation sur le terrain, M. Couturier a rappelé pour dire que son client s'opposait à la transmission des informations. Il n'a pas non plus voulu révéler l'identité du propriétaire ni l'adresse correspondant au terrain.

Le courtier immobilier a reconnu que même si son annonce évoquait la possibilité de construire « immédiatement », le propriétaire était en fait « en train d'essayer d'obtenir un permis de construction ». « C'est sûr que si on a une offre d'achat, ça va être conditionnel à la vérification du zonage et du permis de construction », a-t-il dit.

Vers la fin de l'épisode d'inondations majeures du printemps dernier, le premier ministre Philippe Couillard avait annoncé que le gouvernement se pencherait « très rapidement » sur les cartes des zones inondables interdites à la construction afin de les mettre à jour. « Bien sûr, tout ça doit être appuyé sur un avis scientifique robuste et bien reconnu », avait-il ajouté.

PHOTO FOURNIE PAR L’AGENT IMMOBILIER

Les photos aériennes incluses dans la fiche de vente du terrain montrent un terrain boisé et luxuriant, alors que le cours de la rivière des Prairies est à un niveau normal.