Des élus de trois ordres de gouvernement vont lancer une « offensive » commune auprès de Québec et des autorités métropolitaines pour réclamer de meilleurs services de transports collectifs dans l'est de l'île de Montréal, un secteur « oublié » depuis des décennies.

La députée provinciale de Pointe-aux-Trembles, Nicole Léger, a affirmé à La Presse qu'elle comptait profiter d'une rencontre prévue cette semaine avec la nouvelle mairesse de Montréal, Valérie Plante, pour présenter un programme en quatre points devant conduire, à long terme, à l'implantation d'un mode de transport collectif lourd jusqu'à la pointe de l'île (voir autre texte).

La démarche est appuyée par le député fédéral de La Pointe-de-l'Île, Mario Beaulieu, le maire de Montréal-Est, Robert Coutu, et la mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau.

Plus de 150 000 personnes habitent à l'est de l'autoroute 25, dit Mme Léger, dans ce grand territoire qu'on appelle la pointe de l'île. Elles comptent parmi les résidants les plus mal desservis par les transports collectifs dans toute l'île de Montréal. Une seule station de métro (Honoré-Beaugrand) est située à l'est de l'autoroute 25, et un seul train de banlieue, celui de Mascouche, traverse Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles et Anjou.

« Et avec le projet de Réseau électrique métropolitain [REM] de la Caisse de dépôt, fait-elle remarquer, le train de Mascouche, pour lequel on s'est battus pendant 10 ans, va être arrêté à Mont-Royal, et ses passagers vont être obligés de faire une correspondance avec le REM. Le train ne se rendra même plus au centre-ville. »

« Nous sommes les oubliés du transport collectif. Le REM, c'est l'exemple parfait. Il va aller sur la Rive-Sud, en banlieue nord et dans l'ouest de l'île. Il y a juste un point cardinal sur quatre où il n'ira pas, et c'est chez nous, dans l'Est », déplore Robert Coutu, maire de Montréal-Est.

« On est pour le REM, ajoute-t-il. On est contents pour Sainte-Anne-de-Bellevue. On est pour la ligne rose de Mme Plante, ou la ligne jaune à Longueuil. Mais peu importe la couleur, on n'est jamais dans le décor. À un moment donné, est-ce qu'on existe, nous autres aussi ? »

DES BESOINS À ANALYSER

L'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles que représente Chantal Rouleau est au sixième rang des plus populeux de Montréal. C'est aussi, précise la mairesse, un des arrondissements qui prennent le plus d'expansion et qui comptent le plus d'enfants, qui fréquenteront dans quelques années des établissements d'enseignement supérieur, et qui devront sans doute s'exiler ailleurs dans la ville, « parce qu'en transports en commun, c'est trop long pour se rendre à l'université ».

Dans Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles, des milliers de résidants vivent à plus de 15 kilomètres de la station de métro la plus proche.

En avril, raconte la mairesse, la Société de transport de Montréal (STM) a été invitée par l'arrondissement à rencontrer ses citoyens pour échanger sur les services de transports collectifs offerts. « Il est venu 200 personnes, dit-elle, qui ont presque toutes exprimé la même chose : on voudrait utiliser le transport collectif, mais on n'est pas capables. C'est trop lent, c'est trop loin pour s'y rendre. »

« Si on veut aller vers la mobilité durable, si la mairesse de Montréal veut vraiment être la mairesse de la mobilité, et si c'est vraiment la solution pour réduire nos émissions de GES et lutter contre les changements climatiques, il faut que Mme Plante vienne le démontrer, dans l'Est, et pas juste au centre-ville », dit Mme Rouleau, ancienne membre du comité exécutif de Montréal dans l'administration Coderre.

La mairesse aimerait relancer un projet de navette fluviale entre le secteur Pointe-aux-Trembles et le Vieux-Port de Montréal, qui permettrait aux résidants de l'Est d'arriver au centre-ville en seulement 30 minutes. « Je l'ai fait en automobile durant quatre ans pour me rendre aux réunions du comité exécutif à l'hôtel de ville, rappelle-t-elle. Ça me prenait une heure et quart pour me rendre. »

LIEN INTERMODAL

Pour Nicole Léger, députée de Pointe-aux-Trembles, la nouvelle Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) doit entreprendre rapidement un inventaire exhaustif des services de transport de tous les modes (incluant le BIXI, l'autopartage) et déterminer les besoins de la population de la pointe de l'île, et des entreprises qui peinent à retenir leur main-d'oeuvre.

Une partie du développement économique à long terme de la pointe est de l'île de Montréal pourrait bien dépendre de décisions qui doivent être prises dans les années à venir. « Et on ne veut pas être oubliés, cette fois-ci », dit la députée péquiste.

Selon Nicole Léger, l'implantation d'un service de transports collectifs lourds jusqu'à Pointe-aux-Trembles, dans le prolongement des lignes verte et bleue du métro, et la création d'un « lien intermodal » entre ces deux lignes sont des éléments « incontournables » pour améliorer la mobilité des résidants de l'Est.

LES QUATRE POINTS DU PLAN

1. DOCUMENTER LES BESOINS 

Les instances métropolitaines et gouvernementales doivent réaliser une analyse exhaustive des besoins en transport dans la pointe de l'île. Cette analyse devra prendre en compte les besoins spécifiques des travailleurs du milieu scolaire et de la santé. Elle doit aussi tenir compte de la population voisine de Lanaudière afin de réduire la circulation en provenance de ce secteur, source de congestion majeure sur le réseau local. Cette analyse, sur le modèle du Plan de mobilité de l'Ouest réalisé il y a quelques années par l'AMT dans l'ouest de l'île de Montréal, devra proposer des solutions pour répondre aux besoins en transport et « s'ouvrir sur différents modes tant collectifs que routiers, fluviaux, ferroviaires, alternatifs et innovants ». Les élus soulignent qu'un projet-pilote de navette fluviale entre le secteur de Pointe-aux-Trembles et le Vieux-Port de Montréal « serait une avenue prometteuse ».

2. LA LIGNE BLEUE

Instaurer un lien intermodal qui relierait la station Honoré-Beaugrand, sur la ligne verte, à la future station Anjou sur la ligne bleue. L'objectif de ce service est d'éviter aux usagers de devoir faire un détour par la ligne orange, déjà saturée, lorsqu'on doit passer d'une ligne de métro à l'autre. Ce lien devrait être mis en place dès la fin des travaux de prolongement de la ligne bleue, prévue pour 2025. Un service d'autobus express de type SRB, circulant sur des voies réservées, un train léger ou un autre mode pourraient être envisagés.

3. PROLONGEMENT DU MÉTRO

Réaliser une étude de faisabilité sur le prolongement du métro vers la pointe de l'île, que ce soit à partir de la station Honoré-Beaugrand ou de la future station d'Anjou. Cette étude couvrira tous les modes possibles pour un tel prolongement : métro souterrain, métro de surface, train, tramway ou tout autre moyen de transport alternatif.

4. LA GRILLE TARIFAIRE

Les élus de l'Est demandent à la nouvelle Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) d'organiser une consultation publique avant l'élaboration d'une nouvelle grille tarifaire pour l'ensemble des services de transports en commun métropolitains. Depuis toujours, dans la pointe de l'île, les utilisateurs du métro et des autobus de la STM paient le même tarif que les autres Montréalais. Lorsqu'ils prennent le seul train de banlieue qui traverse l'est de Montréal, par contre, ces usagers doivent payer un tarif métropolitain de zone 3. « Il n'est pas concevable qu'un citoyen de l'est de Montréal soit considéré dans la même zone que Laval, Longueuil ou Lanaudière », estime-t-on.