L'arrivée de Martin Prud'homme dans les bureaux du 9e étage de la direction du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) d'ici la fin de la semaine ne passera pas comme une lettre à la poste.

Même si les policiers et policières du SPVM n'ont rien contre l'homme, dont ils reconnaissent les grandes qualités et la crédibilité, ils en ont contre le symbole. Le grand patron de la Sûreté du Québec (SQ) qui prend les commandes du SPVM.

La Presse a parlé ou échangé hier, mercredi, avec près d'une vingtaine de cadres, policiers syndiqués, civils et retraités du SPVM, qui se sont exprimés à la condition que leur identité ne soit pas dévoilée.

« Une onde de choc. Une claque en pleine face », a entendu La Presse mercredi en fin d'après-midi dans le hall du quartier général de la rue Saint-Urbain. Nous avons même constaté quelques larmes.

« M. Prud'homme va entrer par la porte d'en avant, car nous sommes des professionnels. Mais nous avons le SPVM tatoué sur le coeur. Nous nous attendions à un civil. Le fait que ce soit quelqu'un de la SQ vient augmenter l'effet », a confié un cadre à La Presse.

« Les relations ont déjà été difficiles avec la SQ. Elles s'étaient améliorées, et on espère que cela ne va pas les détériorer », a-t-il ajouté.

Accueil mitigé aussi du côté des policiers de la base. Même si la grande majorité d'entre eux voulaient du changement « pour faire le ménage », la plupart s'attendaient à la nomination d'un civil. Le nom du patron du Bureau de l'inspecteur général (BIG), Me Denis Gallant, avait circulé favorablement avec de plus en plus d'intensité au cours des derniers jours.

Quelques-uns sont heureux de voir arriver M. Prud'homme, mais une certaine proportion d'entre eux appréhendent une mainmise de la SQ sur les affaires du SPVM. Certains y voient une menace du politique ou anticipent un choc des cultures.

Mais aussi, la vieille crainte de voir les « verts » mettre la main sur les services d'enquêtes spécialisées et des stupéfiants des « bleus », le vieux projet de la « police nationale », refait surface, d'autant plus qu'on se demande qui aura assez d'étoffe au SPVM pour confronter le chef administrateur lors de situations sensibles et sur le choix d'un futur directeur au bout de son mandat de 12 mois.

En revanche, plusieurs sont prêts à laisser la chance au coureur. D'autres espèrent que cela permettra au SPVM de retrouver son identité.

PICHET VOULAIT S'ACCROCHER

Mais le nouveau chef aurait pu ne pas être M. Prud'homme.

Deux directeurs adjoints de Philippe Pichet, Claude Bussière et Simonetta Barth, ont été contactés séparément et successivement, à l'insu du directeur, dans la journée de mardi, et se sont vu offrir le poste de ce dernier par une « personne de la Ville ». Les deux ont refusé par respect envers leur chef. Mais visiblement, la nouvelle administration Plante aurait préféré laver le linge sale en famille.

Par la suite, les fuites du rapport Bouchard à Radio-Canada, mardi soir, ont engendré un mélodrame.

C'était réunion après réunion derrière des portes closes, mercredi matin, au quartier général du SPVM, alors que la direction était dans le néant total.

En fin de matinée, Philippe Pichet a reçu un appel l'enjoignant à se rendre à l'hôtel de ville. Une fois rendu, il a rencontré le directeur général Alain Marcoux. La rencontre n'a duré que quelques minutes, le temps que le chef se fasse dire qu'il serait suspendu dans l'après-midi. M. Pichet en a eu la confirmation en même temps que tout le monde, lors de la conférence de presse du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, et de la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Philippe Pichet voulait s'accrocher. Il ne voulait pas démissionner. Il a continué mercredi à répéter à qui voulait l'entendre qu'il n'avait rien à se reprocher et qu'il ne comprenait pas pourquoi, avant d'opter pour ce remède ultime, on ne lui avait pas demandé où en était son plan en 38 points pour rétablir la confiance de la population envers le SPVM.

Philippe Pichet est suspendu avec traitement. Pour le moment, il a été renvoyé à la maison.

« Il n'a rien fait de criminel. Il n'a pas commis de faute lourde. On ne remet pas sa compétence en question. On lui reproche de ne pas être l'homme de la situation seulement pour redresser les affaires internes », ont dénoncé des cadres.

Ceux-ci déplorent « le manque de respect total » avec lequel les choses ont été faites. « Vous, les journalistes, avez eu le rapport Bouchard avant nous. On ne l'a jamais eu avant et on n'a pas eu le temps encore de le lire », ont-ils dit.

Ils dénoncent un manque de confiance. « Tous les cadres passent pour de mauvais gestionnaires. Or, seulement six ont été suspendus sur 125 et deux d'entre eux ont été blanchis et réintégrés », ont-ils rappelé.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

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