Le premier budget de l'ère Valérie Plante s'annonce difficile. Le président du comité exécutif, Benoit Dorais, dit avoir découvert un manque à gagner de 358 millions dans les finances de la Ville de Montréal, trou que Projet Montréal devra combler en un mois à peine. Et ce, sans augmenter les taxes au-delà de l'inflation.

« Ça va être difficile. On ne peut pas trouver 358 millions du jour au lendemain comme ça, avec une formule magique », prévient Benoit Dorais, en entrevue avec La Presse.

Élu dimanche soir, celui qui assurera la présidence du comité exécutif de l'administration Plante s'est attaqué dès lundi matin à la préparation du budget 2018. Il s'attendait à une lourde tâche, mais dit avoir été renversé d'apprendre l'existence d'un important manque à gagner mardi matin lors d'une rencontre avec le directeur général de la Ville, Alain Marcoux.

Différents éléments auraient contribué à creuser ce trou dans les finances de Montréal, à commencer par les récentes ententes sur les régimes de retraite, qui coûteraient beaucoup plus cher que prévu. D'importantes dépenses étaient également payées à même les surplus anticipés. Or, 2017 risque de se terminer sans aucun surplus, forçant la nouvelle administration à intégrer ces dépenses dans son budget courant.

« Visiblement, ces 358 millions qui manquent ne sont pas apparus il y a deux jours. Quand ils sont partis en élections, ils savaient qu'il manquait de l'argent. Ça n'a pas été traité de façon transparente », affirme M. Dorais. Il entend d'ailleurs « casser » cette opacité durant son mandat pour éviter une telle surprise à l'avenir.

Hier, au moment de tirer sa révérence, Denis Coderre a assuré que son administration avait « remis de l'ordre dans les finances » de Montréal.

Manque à gagner majeur

Ce trou de 358 millions représente 7 % du budget de 5,2 milliards de la Ville. S'il devait être absorbé par les Montréalais, il faudrait augmenter les taxes de plus de 10 % d'un seul coup.

C'est hors de question, tranche Benoit Dorais. « On ne va pas faire cela. Les Montréalais nous ont fait confiance et on s'est engagés à limiter la hausse de taxe à l'inflation, soit environ 2 %. »

Pour combler le manque à gagner, l'administration Plante-Dorais compte plutôt miser sur l'expertise des employés de la Ville, chercher des économies d'échelle et tenter d'étaler certaines dépenses dans le temps. « On peut être créatifs. Je ne parle pas de comptabilité créative, je parle du fait qu'à Projet Montréal, on est reconnus comme étant des gens qui pensent à l'extérieur de la boîte. On est capables d'innover », dit Benoit Dorais.

MARGE DE MANOEUVRE RÉDUITE

Cet important manque à gagner risque toutefois de priver à court terme Projet Montréal de la marge de manoeuvre nécessaire pour implanter les promesses faites en campagne. Benoit Dorais dit évaluer lesquelles pourront être mises en place à brève échéance et lesquelles devront attendre. Mais il tient à ce que son administration imprime sa marque dans le prochain budget. « On sait gérer, à Projet Montréal, et on va le montrer », résume-t-il.

Mais le temps presse. « La contrainte, c'est le temps. On a un mois pour le faire », expose le président du comité exécutif. Pour respecter la loi imposant d'adopter le budget d'ici le 31 janvier, Projet Montréal devra présenter ses prévisions d'ici les Fêtes ou tout juste au retour des vacances.

Trous récurrents à Montréal

Ce n'est pas la première fois qu'une nouvelle administration montréalaise déplore un important manque à gagner à son premier budget. En 1995, le président du comité exécutif de Pierre Bourque, Sammy Forcillo, avait annoncé avoir hérité d'un trou de 105 millions dans les finances de la métropole, gracieuseté de Jean Doré. L'administration suivante de Gérald Tremblay avait elle aussi dit découvrir l'existence d'un manque à gagner de 150 millions à son premier budget, pour l'an 2003. Même scénario à l'élection de Denis Coderre en novembre 2013. « À notre arrivée, il y avait un déficit de 175 millions », avait annoncé son bras droit, Pierre Desrochers, à la présentation du budget de 2014. Benoit Dorais assure que le manque à gagner n'est pas un faux-fuyant. « C'est réel, on n'est pas en train d'inventer un trou. Il y a un trou de 358 millions pour boucler le budget. »

Déficits à Québec aussi

À Québec aussi, les mauvaises surprises budgétaires font souvent les manchettes à l'arrivée d'un nouveau gouvernement. Quand Jacques Parizeau a pris le pouvoir en 1994, il a accusé son prédécesseur Daniel Johnson d'avoir sous-estimé le déficit d'un milliard. Lorsque Jean Charest a pris le pouvoir en 2003, son gouvernement a à son tour accusé le Parti québécois d'avoir caché un manque à gagner de deux milliards dans les finances publiques. En 2014, le gouvernement libéral a commandé un rapport qui allait établir à 5,7 milliards le déficit du budget préparé dans le court mandat du Parti québécois. 

- Avec Denis Lessard, La Presse

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Bourque en 1995