La mise en place d'une nouvelle gouvernance des transports collectifs métropolitains et les revendications des banlieues qui réclament leur propre prolongement du métro pourraient bien compliquer le destin de la déjà célèbre ligne rose, projet-phare de la nouvelle mairesse de Montréal.

Depuis le 1er juin, la priorisation des petits et grands projets de transports collectifs ne relève plus de la responsabilité des municipalités, dans la grande région de Montréal. C'est une nouvelle entité, l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), dirigée par un conseil d'administration formé de 15 personnes, dont seulement 5 élus, qui devra déterminer quels projets seront réalisés sur un horizon de 10 ans, et dans quel ordre ils seront mis en oeuvre.

Ce changement majeur, téléguidé par le gouvernement du Québec, a pour principal objectif de dépolitiser le processus de planification des réseaux de transports en commun à l'échelle métropolitaine.

Cette dépolitisation n'a absolument pas empêché les courses à la mairie de Montréal, de Laval et de l'agglomération de Longueuil d'être marquées par les promesses de plusieurs candidats en faveur d'éventuels prolongements du métro, dont on parlait déjà bien avant que l'idée même d'une ligne rose ne germe dans l'esprit des partisans de Projet Montréal.

Lignes orange, jaune et bleue

En entrevue à La Presse, le mois dernier, le maire de Laval, Marc Demers, a affirmé qu'il souhaitait présenter à l'ARTM une proposition de prolongement de la ligne orange, qui ajouterait deux stations à Montréal entre Côte-Vertu et le terminus Bois-Franc, et au moins deux stations à Laval. La première serait située près de l'école Saint-Maxime, sur le boulevard Lévesque, juste à l'ouest de la route 117, et la seconde, à l'intersection des boulevards Curé-Labelle et Notre-Dame.

À Longueuil, la gagnante déclarée des élections de dimanche, Sylvie Parent, a affirmé hier vouloir mettre rapidement en branle le développement du grand projet urbain « Longueuil 2035 » qui s'articulerait autour d'un prolongement de la ligne jaune du métro, promis depuis 2009.

Si Québec devait donner bientôt le feu vert à un prolongement de la ligne bleue vers Anjou, un projet strictement montréalais, les banlieues accepteraient-elles ensuite que leurs projets passent après la ligne rose de la mairesse Plante ?

« Théoriquement, la question ne devrait pas se poser de cette façon », estime Florence Junca-Adenot, professeure au département d'études urbaines et touristiques à l'UQAM. 

« On a créé l'ARTM pour qu'elle évalue les projets en fonction d'objectifs clairs, comme réduire la congestion routière, diminuer les émissions de gaz à effet de serre, favoriser la mobilité des gens. »

« Est-ce qu'un prolongement du métro à Laval apportera quelque chose de plus sur le plan de la mobilité ? Est-ce qu'un métro de surface ou un tramway serait plus approprié que le métro pour desservir Longueuil ? Est-ce que le parachèvement de la ligne orange jusqu'à Bois-Franc, à Montréal, devrait être priorisé après la ligne bleue ? Ce sont ces questions-là que devrait se poser l'ARTM », dit Mme Junca-Adenot, qui observe depuis plus de 20 ans le développement (ou l'immobilisme) des transports collectifs dans la région métropolitaine.

Question de rythme

« La création de l'ARTM est trop récente pour qu'on sache à quel rythme les projets vont évoluer sous sa gouverne », dit pour sa part le directeur de Trajectoire (anciennement Transports 2000), Philippe Cousineau Morin. « La ligne rose propose des solutions concrètes à des problèmes réels de services dans l'est de Montréal. Mais si les choses avancent comme avant l'ARTM, avec un projet qui se réalise tous les 10 ans, c'est difficile de penser qu'on va amorcer la construction de cette ligne avant la fin du premier mandat de Mme Plante. »