« Mon fils de 14 ans m'a dit tout à l'heure : "Est-ce que tu réalises, maman, que tu vas être dans les livres d'histoire comme étant la première femme à devenir mairesse de Montréal ?" Je crois que je ne le réalise pas encore. Mais c'est un mandat que j'accepte avec beaucoup d'humilité. »

Valérie Plante, tout juste élue à la tête de la ville, semblait passer constamment, hier soir, de l'excitation au sérieux en prenant la mesure de la victoire historique qu'elle vient de remporter.

« Ce soir, on a écrit l'histoire : 375 ans après Jeanne Mance, Montréal a enfin sa première mairesse ! », a-t-elle lancé devant les militants de Projet Montréal, galvanisés par la victoire.

Au théâtre Corona, dans le quartier Saint-Henri, où se trouvaient quelques centaines de bénévoles et d'élus du parti, les sympathisants se sautaient spontanément dans les bras en lançant des cris de victoire. « Ça fait tellement longtemps qu'on travaille pour ça ! », s'est exclamé un militant en retenant à peine ses larmes.

La température et les éclats de voix n'ont cessé de monter pendant toute la soirée, culminant lorsque Valérie Plante a été déclarée élue à la tête de la ville, vers 21 h 15.

Quand elle s'est présentée devant ses partisans, elle a été ovationnée durant de longues minutes. « Va-lé-rie ! Va-lé-rie ! Va-lé-rie ! », scandait la foule, tandis que la nouvelle mairesse se permettait quelques pas de danse et plusieurs éclats de rire.

Mais la nouvelle mairesse de Montréal a souligné à plusieurs reprises que cette victoire était aussi celle de son parti et de ses militants. « Mes amis, nous avons fait une campagne historique, a-t-elle dit. Nous avons démontré qu'il ne fallait pas prendre les Montréalais pour acquis et qu'il fallait proposer des solutions à leurs problèmes au quotidien. »

Elle a promis, dans son discours de victoire, d'être à l'écoute de la population. 

« Pendant longtemps, les élus ne vous ont pas écoutés. Ils doivent maintenant se rendre compte que vous avez votre mot à dire et qu'une élection n'est pas qu'une formalité. Vous avez le droit d'être entendus. »

Elle a répété ses priorités pour les quatre prochaines années, qu'elle et les candidats de son parti ont souligné pendant toute la campagne : transports en commun, accès au logement et transparence, en informant ses « partenaires de Québec et d'Ottawa » que leur aide financière serait sollicitée pour répondre à ces besoins.

«L'homme de la situation»

Comment la nouvelle mairesse, dont plusieurs soulignent le manque d'expérience en politique, démontrera-t-elle qu'elle est bien « l'homme de la situation », comme le clamait son slogan de campagne ? « Pendant la campagne, les gens ont vu que je connaissais mes dossiers, que j'étais rigoureuse, et donc capable de mener la ville », a-t-elle répondu en point de presse avec les journalistes.

Sa victoire peut paraître une surprise pour plusieurs, mais elle n'a pas étonné outre mesure Valérie Plante et les ténors qui ont été élus avec elle.

« On sentait cet engouement sur le terrain », a souligné Benoît Dorais, nouveau président du comité exécutif et maire de l'arrondissement du Sud-Ouest. « Les gens ont vraiment apprécié son authenticité. »

Selon le maire du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, au-delà de la sympathie qu'elle a attiré chez les citoyens, Valérie Plante se montrera à la hauteur. « On vante souvent son sourire, mais elle est plus qu'un sourire. C'est quelqu'un qui va vraiment travailler avec tout le monde, pour le bien de la ville et non pour elle-même. »

Valérie Plante en quelques dates

• 1974: Naissance à Rouyn-Noranda, en Abitibi

• 1994: Arrive à Montréal pour ses études

• 1997: Obtient un baccalauréat en anthropologie

• 2001: Termine une maîtrise en muséologie

• 2006-2011: Travaille à la Fondation Filles d'action, où elle a été directrice du réseau national

• Novembre 2013: Se lance en politique municipale et cause la surprise en battant l'ex-ministre Louise Harel

• 2014: Nommée au conseil d'administration de l'Institut Broadbent

• Décembre 2016: Devient cheffe de Projet Montréal malgré l'appui de l'establishment du parti à son adversaire Guillaume Lavoie

Élections municipales 2017: la marche des femmes en politique au Canada

• 1791: Les femmes propriétaires du Bas-Canada (Québec) obtiennent le droit de vote.

• 1849: On retire le droit de vote aux femmes.

• 1887: Les femmes non mariées et veuves qui sont propriétaires obtiennent le droit de vote aux élections municipales du Québec.

• 1899: Les femmes non mariées et veuves qui sont locataires obtiennent aussi le droit de vote aux élections municipales.

• 1922: Les femmes de l'ensemble du Canada, à l'exception du Québec, obtiennent le droit de vote.

• 1934: Les femmes mariées obtiennent le droit de vote aux élections municipales du Québec.

• 1940: Élection de la première femme au conseil municipal de Montréal, Jessie Kathleen Fisher.

• 1940: Les femmes obtiennent le droit de vote aux élections provinciales du Québec.

• 1961: Élection de la première femme députée à l'Assemblée nationale, Marie-Claire Kirkland-Casgrain.

• 1978: Hazel McCallion est élue pour la première fois mairesse de Mississauga, poste qu'elle occupera sans interruption jusqu'en 2014, à l'âge de 93 ans.

• 1990: Léa Cousineau devient la première femme nommée présidente du comité exécutif de Montréal.

• 1991: Toronto élit sa première femme à la mairie, June Rowlands.

• 1993: Kim Campbell devient la première (et unique à ce jour) femme première ministre du Canada.

• 2005: Andrée P. Boucher devient mairesse de la ville de Québec.

• 2012: Pauline Marois devient la première femme élue au poste de premier ministre du Québec.

- Pierre-André Normandin, La Presse