L'entrepreneur chargé de l'entretien de l'autoroute 13 n'a pas utilisé toutes les déneigeuses à sa disposition lors de la violente tempête du 14 mars.

Alors que d'importantes accumulations de neige et des vents forts étaient annoncés, Roxboro Excavation n'a utilisé que trois déneigeuses au cours de la journée du 14 mars et cinq en soirée, alors que son contrat exigeait qu'il dispose, durant toute la période hivernale, de six camions au minimum.

Ces détails sont révélés dans un troisième rapport sur les lacunes qui ont mené au chaos lors de la tempête. Ce rapport d'enquête, qui portait précisément sur le travail de Roxboro, est paru en juillet dernier, sans aucune annonce de la part du ministère des Transports (MTQ).

L'enquêteur conclut que l'entrepreneur n'a « pas respecté son obligation de résultat », ce qui lui a d'ailleurs valu une pénalité de 3690 $.

Mais il se garde de dire que Roxboro aurait dû utiliser plus de chasse-neige, soulignant que la clause des contrats sur le nombre minimal de véhicules disponibles peut donner lieu à différentes interprétations : les six déneigeuses doivent-elles toutes être sur la route en cas de tempête ? La sixième peut-elle être considérée comme un véhicule de réserve, appelé en renfort si nécessaire ?

La nuit de la tempête, l'entrepreneur n'a sorti sa sixième déneigeuse qu'à 2 h, alors que la circulation était paralysée dès 19 h. Plus tard dans la nuit, l'entrepreneur a utilisé jusqu'à huit véhicules supplémentaires pour parvenir à libérer les automobilistes prisonniers des congères.

« Comme le contrat prévoit au minimum six déneigeuses, Roxboro aurait pu envisager d'ajouter de l'équipement plus tôt afin de diminuer le risque que la situation dégénère. »

- Extrait d'un rapport d'enquête du MTQ

L'enquêteur souligne toutefois que les véhicules supplémentaires auraient peut-être été coincés par la congestion.

L'entrepreneur aurait aussi pu avoir recours à des « méthodes de déneigement inhabituelles », en utilisant d'autres équipements pour dégager des bretelles d'accès en sens inverse, par exemple.

Mais il est tombé trois fois plus de neige ce soir-là que les météorologues n'en avaient prévu, surtout entre 18 h et minuit, en partie pendant l'heure de pointe, note le rapport. « Plusieurs conditions étaient réunies pour rendre les opérations de déneigement plus difficiles qu'à l'habitude. »

DES CONTRATS PLUS PRÉCIS

L'enquêteur recommande au MTQ de préciser les obligations des sous-traitants dans ses appels d'offres, notamment concernant le nombre minimal de déneigeuses en cas de conditions météo difficiles.

Le Ministère compte suivre ces recommandations, mais les contrats n'ont pas pu être modifiés en vue de la prochaine saison hivernale, explique la porte-parole du MTQ, Sarah Bensadoun.

Serge Mainville, dont l'entreprise a obtenu le contrat de déneigement de l'autoroute 13 pour la prochaine saison hivernale, considère qu'il doit disposer de six chasse-neige en tout temps, dit-il.

Le président de Roxboro, Yvon Théorêt, n'a pas voulu répondre aux questions de La Presse sur le travail de son entreprise lors de la tempête, précisant que son contrat avec le MTQ l'empêchait de parler aux médias.

Hormis la pénalité déjà imposée, aucune sanction n'a été infligée à l'entrepreneur dans la foulée du rapport de juillet. Roxboro n'a pas non plus fait l'objet d'un « rapport de rendement insatisfaisant » et a toujours le droit de soumissionner aux appels d'offres du MTQ.

Le rapport du consultant Florent Gagné, publié en mai dernier, notait que c'est d'abord le mauvais entretien de la chaussée par Roxboro qui a provoqué l'enlisement des camions lourds, bloquant la circulation et empêchant l'intervention subséquente des remorqueuses et des chasse-neige. À cause du changement de quart de travail, il n'y a pas eu de déneigement pendant cinq heures, alors que la neige tombait à un rythme soutenu.

La vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, dans son rapport de juin dernier sur la gestion des contrats par le MTQ, mettait aussi en lumière des problèmes relatifs au déneigement, notamment l'absence de mécanismes de reddition de comptes pour ceux qui attribuent les contrats, ainsi qu'un manque d'expertise interne.

1241 inscriptions au recours collectif

Les avocats qui pilotent un recours collectif au nom des automobilistes coincés sur les autoroutes 13 et 520 lors de la tempête du 14 mars ont reçu 1241 demandes d'inscription de la part d'automobilistes qui veulent recevoir une compensation.

C'est beaucoup plus que les estimations qui tournaient autour de 500 à 600 personnes après l'événement.

Le recours demande une compensation de 2500 $ pour chaque personne coincée par le blizzard, pour préjudices moraux, dommages punitifs et exemplaires, atteinte illicite au droit à la sécurité et dommages matériels. Il vise la Sûreté du Québec, le ministère des Transports, le ministère de la Sécurité publique et la Ville de Montréal.

L'audience pour entendre la demande d'autorisation du recours collectif, menée par les cabinets Deveau Avocats et Trudel Johnston, est prévue pour le 30 octobre.

- Isabelle Ducas, La Presse