Alors qu'est attendu le prolongement de cinq stations sur la ligne bleue du métro de Montréal depuis des décennies, Valérie Plante s'estime capable de livrer pour la bagatelle de 6 milliards une toute nouvelle ligne, la rose, longue de 21 km et comptant 18 estations, reliant Montréal-Nord et le centre-ville en 22 minutes, d'ici 2025. Utopie? Aperçu du projet.

Valérie Plante avait déjà évoqué cette ligne alors qu'elle tentait de se faire élire à la tête de Projet Montréal. C'est maintenant l'engagement phare du parti en vue des élections du 5 novembre. Elle estime les actuelles lignes orange et verte tellement saturées que le prolongement de la ligne bleue n'y changera rien, puisque les voyageurs de la bleue finisse obligatoirement par transférer vers la orange et l'embourber.

Avec son tracé diagonal, la ligne rose viendrait en renfort. «C'est un projet qui va désenclaver des quartiers repliés sur eux-mêmes. (...) Non seulement la construction va créer des emplois, mais ça va ouvrir des quartiers, des commerces», plaide l'aspirante mairesse, rappelant que sa ligne rose traversera certains des quartiers les plus denses, mais aussi les plus défavorisés de Montréal. 

Jusqu'à Lachine 

Projet Montréal propose donc une ligne partant de Montréal-Nord et joignant le centre-ville, avec des correspondances aux croisements des lignes verte et orange. Le train y roulerait en 2025. La fréquence des départs serait de trois minutes en heure de pointe, ce qui rappelle un certain Réseau électrique métropolitain.

Trois ans plus tard, on espère avoir prolongé la ligne rose jusqu'à Lachine, grâce à une voie en bonne partie en surface. La ligne rose totalisera alors 29 km. «Il y a déjà une emprise ferroviaire du CP avec de l'espace disponible, cette portion sera assez facile. Ça prendra 39 minutes pour aller de Montréal-Nord à Lachine», précise Sylvain Ouellet, candidat de Projet Montréal et porte-parole en matière de développement durable. 

Métro nouveau genre 

Six milliards, c'est beaucoup d'argent, mais on estime que c'est moins que si on travaillait selon la méthode classique, soit creuser une tranchée pour la refermer sur le tunnel une fois les travaux finis. «On ferait appel à un grand tunnelier. Comme ils ont utilisé pour le métro de Barcelone, et comme on utilise pour creuser le Grand Paris express en ce moment», dit Valérie Plante.

«À Montréal, nous sommes chanceux, le roc est très près de la surface. Le tunnelier permet de creuser à coup d'environ 60 mètres par jour. Le tunnel contient les quais d'embarquement et permet de diminuer le coût de construction des stations. Le percement prendrait environ deux ans», a ajouté Sylvain Ouellet, qui précise que le train sera autonome et roulera avec des roues de fer à cause de son passage à l'extérieur, contrairement au métro actuel.

Polytechnique 

Projet Montréal a fait appel à la Chaire de recherche sur l'évaluation et la mise en oeuvre de la durabilité en transport de l'école Polytechnique pour élaborer son projet, pour calculer les grains de temps que sa ligne apportera aux montréalais. 

Ses cartes (voir ci-contre) modélisent par exemple dans quels endroits de Montréal un résidant du secteur Maurice-Duplessis/Rolland, à Montréal-Nord, peut se déplacer en 15 minutes, 30 minutes, 45 minutes ou une heure. Un premier graphique montre la situation aujourd'hui. Puis sur une autre carte, le modèle appliqué au moment où le Réseau électrique métropolitain et les lignes bleue et rose seront complétées. Les différences sont éloquentes. 

«Nous avons utilisé les horaires de toutes les sociétés de transport qui existent et avons calculé à partir de 71 points où il est possible de se rendre ailleurs dans l'île en partant de là», explique l'associé de recherche à la chaire, Pierre-Léo Bourbonnais. 

Et la ligne bleue? 

Valérie Plante assure que son projet de ligne rose ne met pas en péril la réalisation du prolongement de la ligne bleue vers Anjou. «La ligne bleue, on s'est engagés à la défendre. Et on ne peut penser la bleue sans penser la rose, parce que la bleue mène tout de même à plus de congestion sur la orange. Pas question de renoncer à la bleue donc. On n'est pas obligé d'attendre de terminer un projet avant d'en lancer un autre», croit-elle.

Qui va financer ce beau projet? 

Montréal, mais surtout Québec et Ottawa seront sollicités. Chez Projet Montréal, on compte beaucoup sur les milliards que la Banque de l'infrastructure mise sur pied par Ottawa a à dépenser, surtout d'ici la prochaine élection fédérale, pour aller chercher une partie du financement. «Je m'engage à aller négocier avec Ottawa et Québec», explique la candidate à la mairie. 

Tant elle que M. Ouellet disent estimer le montant à près de 6 milliards en fonction des coûts au kilomètre d'autres métros dans le monde. Ce montant inclut le matériel roulant et les études préliminaires du projet. Mais on n'a pas encore étudié son impact sur le compte de taxation des montréalais.

PROJET MONTRÉAL

MONTRÉAL LES ÉTUDIANTS RÉCLAMENT DE MEILLEURS TRANSPORTS EN COMMUN

Prolongement de la ligne bleue du métro, amélioration du service de nuit, tarif étudiant pour l'ensemble de la région montréalaise : une coalition d'associations étudiantes profite de la campagne à la mairie de Montréal pour réclamer une amélioration du service de transports en commun. La Coalition régionale étudiante de Montréal (CREM) a présenté hier ses revendications en vue des élections du 5 novembre. Ses 260 000 membres étant de grands usagers des transports en commun, la majorité des demandes touchent sans surprise ce service. Attendu de longue date, le prolongement de la ligne bleue est ainsi identifié comme la priorité pour les étudiants, qui espèrent ainsi augmenter le nombre de quartiers et réduire la pression sur le marché locatif. La CREM demande aussi une amélioration du service de nuit, estimant que la faible fréquence de passage des autobus pose problème. Les étudiants pressent aussi l'Agence régionale de transport d'étendre à l'ensemble de la région un rabais étudiant d'au moins 40 % du tarif régulier. Enfin, la Coalition réclame aussi l'instauration d'un tarif étudiant pour l'abonnement à BIXI.- Pierre-André Normandin, La Presse