C'est la fin de la messe. Des croyants lèvent les mains au ciel alors que le prêtre formule une dernière prière. «Seigneur, nous remettons entre tes mains les migrants qui cherchent un statut légal. Nous espérons que tu seras leur avocat et que tu les aideras à ouvrir les portes fermées», dit le révérend Lumann Bain pour terminer une cérémonie de plus de deux heures.

Dans la petite communauté évangélique de Rosemont-La Petite-Patrie, la vie n'est plus la même depuis que des milliers de demandeurs d'asile d'origine haïtienne sont arrivés en l'espace de quelques mois à Montréal. La grande majorité arrive des États-Unis. 

«Nous avons tous mis la main dans notre poche pour les aider. Moi, ma femme et les membres de notre communauté», affirme le révérend Bain.

Les fidèles de l'église Sheba ont recueilli vêtements, couches et manteaux d'hiver, en plus de préparer des trousses de premiers soins. Chaque semaine, ils livrent des centaines de repas dans les centres d'hébergement temporaires du gouvernement du Québec.

Un toit de transition

Hier, après le service, une cinquantaine de migrants ont été conviés à un repas traditionnel haïtien dans la salle de réception de l'église, au sous-sol.

Après le repas, les décorations et les tables ont été remballées pour faire de la place aux migrants qui y sont temporairement hébergés.

«Ceux qui ont reçu une aide financière de l'État doivent se trouver un endroit où se loger. Ils sont environ 640 $ par mois pour une personne seule et 1200 $ pour une famille de quatre», note le révérend Bain.

«Ce n'est pas beaucoup. Nous les aidons à trouver un logement et les abritons temporairement.»

Les familles ont droit aux salles fermées avec une porte, alors que les hommes seuls se partagent la grande salle de réception. Des isoloirs leur permettent d'avoir un peu de vie privée.

Le long voyage

Pour Wisly Succe, l'accueil de l'église est bienvenu après des années de déplacement avec deux jeunes enfants. Il raconte avoir fui Haïti après avoir subi des représailles pour ses choix politiques. Sa femme et lui ont d'abord vécu au Brésil, où sont nés deux jumeaux, Wisnel et Wistha, relate-t-il.

Comme des milliers d'Haïtiens, la petite famille a ensuite fait le long voyage du Brésil jusqu'à la frontière américaine en passant par le Pérou, l'Amérique centrale et le Mexique. Après avoir traversé la frontière à Tijuana, elle a mis le cap sur la Floride, où elle a passé tout juste neuf mois.

Quand la famille a su que Donald Trump menaçait d'enlever le statut spécial accordé aux Haïtiens, elle a refait ses bagages pour les redéposer cette fois au Québec, le 27 juillet.

Avant de faire du camping dans le sous-sol de l'église, elle a passé quelques semaines dans les corridors du Stade olympique de Montréal. Les enfants, âgés tout juste de 2 ans, n'ont à ce jour connu que des logements de passage.

«Ici, ça se passe bien. Les autorités sont bienveillantes, dit l'homme originaire de l'Artibonite. Je sais que le Canada n'est pas un pays comme les autres. Je suis venu ici pour sauver ma vie», dit M. Succe.

En attendant d'être fixé sur son sort et de trouver un véritable toit pour sa famille, le demandeur d'asile est plus qu'heureux d'être abrité dans une église. «Je peux appeler Dieu.» La ligne est directe.