Les habitués du plus vieux marché public de Montréal se heurtent à des portes closes depuis dimanche. Faute de rentabilité, la Fromagerie Atwater, qui depuis 2004 maintenait ouvert à l'année le marché Lachine, a décidé de quitter ses locaux. Une vingtaine d'employés sont touchés.

«Ça fait trois ans que je n'en dors plus. J'ai brassé la situation de tous les côtés, ce n'est plus rentable économiquement», a expliqué Gilles Jourdenais, propriétaire de la fromagerie qui se trouve également au marché Atwater depuis les années 70 et qu'il tient de son père. 

Le trafic

L'épicier avait fondé des espoirs de rentabilité dans les nouvelles constructions résidentielles, mais c'est le contraire qui s'est produit, a-t-il dit à La Presse. De grandes enseignes alimentaires ouvrent des commerces. En semaine, le marché est désert. Et la congestion automobile pèse lourd dans la balance.

«Avant, j'avais des clients qui faisaient un détour en finissant de travailler pour acheter nos produits. Aujourd'hui, ils ont juste hâte d'être à la maison à cause du trafic. Ce qui nous sauve, dans le cas du marché Atwater, c'est la forte densité résidentielle à proximité.»

L'avenir

Au petit matin, mercredi, une poignée d'employés qui conserveront leur emploi à la fromagerie s'affairaient à remplir un camion de bières de microbrasserie. Il ne restait que des comptoirs à fromage vides. Et des affiches annonçant les charcuteries artisanales en vedette de la semaine dernière : rôti de porc, salami, saucissons, rosette de Lyon.

Jusqu'à l'Halloween, le marché faisant partie de l'histoire patrimoniale de Montréal restera occupé par les maraîchers à l'extérieur. À Noël, un commerce de sapins a l'habitude de s'installer. Mais la Ville de Montréal, propriétaire depuis 2002, n'a pas fait part de ses intentions. «Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on a un plan B pour le marché», a assuré le porte-parole de l'arrondissement, Serge Simard.

Consternation

Dans le voisinage, la fermeture du marché intérieur a donné lieu à une pétition signée par plus de 500 noms. Sur la page Facebook du marché, les clients fidèles ont fait part de leurs préoccupations, comme cette dame qui a raconté qu'elle avait choisi ce quartier en raison de la présence du marché. «Toute la famille est vraiment triste. Nous étions fiers d'avoir ce commerce à quelques coins de rue de chez nous, et heureux d'aller vous voir régulièrement.»

«La Fromagerie a été comme une deuxième maison pour moi», écrit un employé. «Lors de ses 10 dernières années, j'ai eu la chance de travailler avec des gens formidables qui m'ont fait grandir, de côtoyer des fournisseurs passionnés de leurs produits et de faire la rencontre de plusieurs clients extraordinaires.»

172 ans d'histoire

Le marché de Lachine a vu le jour en 1845 sur les rives du canal de Lachine, à l'actuel emplacement de la mairie d'arrondissement. Détruit par un incendie en 1866, il rouvre ses portes 40 ans plus tard un peu plus au nord, au 1865, rue Notre-Dame. Il est au coeur des activités économiques jusque dans les années 90, période difficile avec l'arrivée des épiceries de grande surface. La Fromagerie Atwater le maintenait ouvert à l'année depuis 2004, de même qu'une boulangerie qui a elle aussi quitté le marché, il y a quelques années. Afin de freiner le phénomène, l'arrondissement organise chaque année une «Campagne d'achat local».