Un rassemblement de 17 organismes demande à la nouvelle Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) de tenir une large consultation publique avant d'adopter une grille de tarifs harmonisée pour les transports collectifs de la grande région de Montréal.

En marge du sommet de l'Union internationale des transports publics (UITP) qui débute aujourd'hui, des membres de groupes écologistes, d'usagers des transports collectifs, d'associations de consommateurs et de groupes communautaires distribuent ce matin près du Palais des Congrès des copies d'une Déclaration commune sur la révision tarifaire en cours dans la métropole.

Ils réclament la tenue d'une consultation publique, un gel tarifaire d'un an, et la création d'une tarification sociale permettant aux familles à faible revenu d'avoir accès aux services de transports collectifs, à l'image des tarifs mis en place à Calgary et dans trois grandes villes de l'Ontario.

À compter du 1er juin prochain, une nouvelle gouvernance des transports collectifs se mettra en place dans la grande région métropolitaine. Les sociétés de transport de Laval, Longueuil et Montréal ainsi que les conseils locaux de transport des couronnes de banlieue n'auront désormais plus d'autorité sur leur grille de tarifs.

Cette responsabilité relèvera désormais de l'ARTM, une organisation suprarégionale formée d'élus et d'experts en transports qui, contrairement aux sociétés de transports collectifs, ne tiendra pas d'assemblée publique, sauf une fois par an pour rendre compte de ses activités.

Pour François Pépin, président de Transport 2000 Québec, un organisme qui défend les intérêts des usagers du transport en commun depuis 40 ans, l'adoption de la première grille de tarifs harmonisée revêt dès lors une grande importance pour les utilisateurs, qui pourraient voir leur facture changer substantiellement pour prendre le métro, les trains de banlieue ou les services de bus.

« Alors que s'installe cette nouvelle gouvernance, ce serait partir d'un mauvais pied si tout devait être décidé en vase clos par la nouvelle Autorité, dit, M. Pépin. On comprend que le conseil d'administration de l'ARTM va être formé d'élus et d'experts indépendants, dont des spécialistes en transports, mais je pense que c'est fondamental que l'Autorité prenne le pouls des usagers, qu'ils connaissent leurs attentes, mais aussi leurs inquiétudes ».

M. Pépin voudrait que la région de Montréal prenne exemple sur Vancouver, où une large consultation a débuté l'an dernier, à l'aide de sondages ou de groupes de discussions qui ont permis à plus de 28 000 personnes de s'exprimer sur le projet de révision des tarifs régionaux, prévu pour 2018

Tarification sociale

Plusieurs des 17 organismes qui demandent une consultation publique sur les tarifs souhaitent aussi que l'adoption d'une nouvelle grille métropolitaine soit l'occasion d'établir une tarification sociale afin de rendre le transport collectif plus accessible aux personnes à faibles revenus.

Selon le porte-parole du Mouvement pour un transport public abordable, Jean-Yves Joannette, des discussions ont été entamées à plusieurs reprises depuis 15 ans, notamment avec la Société de transport de Montréal, sur la forme que pourrait prendre une tarification réduite pour les familles défavorisées. Ces discussions n'ont toutefois jamais abouti sur des propositions concrètes.

« Quand nous discutions avec le gouvernement du Québec, on nous disait que c'était l'affaire des sociétés de transport en commun qui décident des tarifs et des municipalités qui les subventionnent, alors qu'en discutant avec les villes, on nous disait que ce n'était pas leur responsabilité de financer des programmes sociaux, qui relèvent de Québec », explique M. Joannette.

« On se retrouve avec une balle de ping-pong invisible que le monde se renvoie, alors que les gens qui pourraient bénéficier d'une tarification sociale restent coincés dans leur isolement », déplore-t-il.

Selon M. Joannette, environ 28 % de la population vit sous le seuil de faibles revenus dans l'île de Montréal. La majorité de cette population « est captive du transport collectif » qui est leur seul moyen de se déplacer. Et encore. « À 83 $ pour une carte mensuelle, quand tu vis avec moins de 1000 $ par mois, c'est une grosse facture à avaler ».

La création de l'ARTM, qui bénéficiera de pouvoirs étendus à l'ensemble du territoire métropolitain en matière de tarifs, et l'adoption récente d'une tarification réduite pour les personnes à faibles revenus dans des villes comme Calgary, Toronto, Ottawa et Kingston, redonnent toutefois espoir aux organismes travaillant auprès des personnes défavorisées de Montréal et des banlieues, à condition que la nouvelle ARTM accepte d'écouter.

« Dans cette nouvelle Autorité, les portes vont être fermées, dit M. Joannette. Il n'y aura pas moyen d'interpeller les gens qui la dirigent. Ce seront sûrement tous des gens très compétents pour gérer des questions de transport, mais auront-ils une sensibilité aux enjeux sociaux et environnementaux ? On ne sait pas, et c'est pour cela qu'on trouve demande une consultation.

Quatre cas de tarification sociale

Calgary : depuis le début de 2017, les personnes à faibles revenus bénéficient de tarifs de 50 à 95 % plus bas que les tarifs réguliers sur des titres mensuels de transports en commun. Le rabais accordé dépend du niveau de revenus. Une personne qui gagne moins de 12 000 $ par année peut ainsi obtenir une carte mensuelle d'autobus pour aussi peu que 5,15 $, au lieu de 99 $.

Toronto : Le conseil municipal de Toronto a adopté par une large majorité, en décembre, un programme qui accorde un rabais de 33 % sur les passages individuels et de 21 % sur titres mensuels Metropass aux personnes à faibles revenus admissibles. Le programme doit être graduellement mis en place en 2018 sur le réseau du TTC (Toronto Transit Commission). Environ 700 000 personnes pourraient être admissibles au programme, qui pourrait coûter jusqu'à 50 millions $ par année. C'est la Ville de Toronto qui remboursera le TTC en fonction du nombre d'usagers qui utiliseront ces services à coût réduit.

Ottawa : La Ville d'Ottawa a autorisé l'automne dernier la création d'un titre à tarifs réduits pour les ménages défavorisés, qui doit être mis en place dans les mois à venir. Le niveau de faible revenu a été fixé à 20 000 $ par année pour une personne seule et à 38 000 $ pour une famille de quatre personnes. On estime à près de 9000 le nombre des résidents d'Ottawa qui pourraient avoir accès à ces tarifs.

Kingston : Les autorités municipales ont donné le feu vert à un projet-pilote, présentement en cours, qui permet aux personnes bénéficiant de l'aide sociale un accès libre et gratuit aux services d'autobus de la municipalité. On estime qu'environ 3000 clients par mois devraient bénéficier de ce projet-pilote qui doit durer jusqu'à la fin de 2017.

Les 17 organismes qui réclament une consultation sur les tarifs métropolitains

• 1,2,3 GO ! Longueuil

• Association du transport collectif de la Rive-Sud

• Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées

• Coalition montréalaise des tables de quartier

• Conseil régional de l'environnement de Laval

• Conseil régional de l'environnement de Montréal

• Corporation de Développement Communautaire de la Pointe - région Est de Montréal

• Équiterre

• Mouvement pour un transport public abordable

• Option consommateurs

• Regroupement des Usagers du Transport Adapté de Montréal

• Réseau des femmes des Laurentides

• Table de concertation des aînés de l'Île de Montréal

• Table pauvreté et solidarité des Moulins

• Transport 2000 Québec

• Table régionale des organismes volontaires d'éducation populaire de Montréal

• Union des consommateur