Les tensions entre les juifs hassidiques et l'arrondissement d'Outremont pourraient être atténuées avec des approches innovatrices, selon deux chercheuses qui présentaient leurs travaux à l'Acfas lundi dernier. Et certains chercheurs estiment que l'isolement de la communauté par rapport au reste de la société québécoise s'amenuisera inévitablement avec le temps, en partie à cause des téléphones intelligents.

« La mission de l'école est d'instruire, de socialiser et de qualifier, explique Sivane Hirsch, professeure en éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Partout dans le monde, même en Israël, il y a eu des tensions pour l'intégration de la communauté hassidique à l'école nationale. Partout, l'intégration a passé par une réduction à un noyau essentiel, autour de l'instruction et de la qualification. Sinon, la communauté va plutôt vers l'instruction à la maison. Mais en misant sur l'instruction et la qualification, on crée des liens avec le reste de la société qui vont dans le sens de la socialisation. »

Mme Hirsch a étudié quatre écoles juives non hassidiques et a constaté beaucoup de diversité. Elle pense retrouver cette diversité dans la communauté hassidique d'Outremont et du Mile End, dont elle commence à étudier les écoles. « Généralement, l'éducation pour les filles est bien acceptée. Pour les garçons, les études religieuses sont plus importantes, et il y a plus de résistance à l'instruction laïque dans certaines communautés. » Il y a selon elle une petite dizaine de communautés hassidiques à Montréal.

Des tensions évitables

Valentina Gaddi, elle, a fait une « étude ethnographique » des relations entre hassidim et goyim (non-juifs) à Outremont dans le cadre de ses études de maîtrise à l'Université de Montréal. Elle note que les tensions tirent souvent leur origine de problèmes relativement simples de cohabitation. 

« Une femme qui accompagnait une amie au conseil municipal à Outremont lors d'une séance sur une question entourant la communauté hassidique m'a raconté qu'elle n'avait pas aimé que quand ses enfants étaient jeunes, ils ne pouvaient pas jouer avec les hassidiques. »

« S'il y a plus de lieux où parler de ces problèmes de cohabitation, il y aura moins de radicalisation. »

Mme Gaddi va maintenant étudier, dans le cadre de son doctorat, la socialisation des enfants hassidiques.

La communauté hassidique a même suscité des tensions dans les années 80 dans la ville de Côte-Saint-Luc, dont la population est en majorité juive non hassidique, a relaté Ira Robinson, historien à l'Université Concordia. « C'était autour de la location d'une synagogue, dit M. Robinson. Maintenant, ça s'est arrangé. Évidemment, à Outremont, il y a en plus des tensions linguistiques qui compliquent les choses. » M. Robinson estime que les tensions à Outremont vont inévitablement diminuer à cause de l'intégration des hassidiques au réseau d'éducation, et aussi à cause des téléphones intelligents, qui permettent aux individus de consulter internet et de s'exposer au reste de la société subrepticement.

«Ils sont très pragmatiques»

Mme Gaddi n'est pas d'accord avec l'interprétation de M. Robinson. « Les hassidiques sont beaucoup plus au courant de ce qui se passe dans le reste de la société qu'on ne le croit. Ils sont très pragmatiques, ils ont accès à internet. Comment pourraient-ils se mobiliser au conseil municipal d'Outremont si ce n'était pas le cas ? » Selon elle, certains des cas très médiatisés de hassidiques qui sont sortis de la communauté et se plaignent d'avoir été mal préparés au monde moderne ne sont pas représentatifs de la communauté en général.

Mme Gaddi plaide également qu'il faut faire attention à l'idée que l'exposition au monde extérieur amènera inévitablement les hassidiques à « s'émanciper » : cela porte un « jugement normatif » voulant que l'attitude de leur communauté envers le monde moderne ne soit pas adéquate.