Isolés sur leur petite île de l'ouest de Montréal, des résidents de l'île Mercier, une vingtaine, tentent de bloquer l'avancement des eaux à l'aide de sacs de sable, et ainsi éviter de devoir quitter leurs domiciles. Le maire Denis Coderre a laissé savoir en fin d'après-midi vendredi que la décision de décréter ou non l'état d'urgence a été repoussée à samedi matin.

«Il va falloir faire sortir les gens de l'île. Le pont se désagrège. Il y a une situation très nette très claire. On a des décisions à prendre pour protéger les gens contre eux-mêmes», a déclaré M. Coderre, tout en indiquant que la situation sera réévaluée demain matin.

Située juste au sud de l'île Bizard, la petite île Mercier compte une quarantaine de maisons, dont la moitié ont été évacuées ces dernières heures par les pompiers. Une vingtaine de résistants combattent toujours l'impitoyable crue des eaux, armés de leurs seules pompes submersibles.

La municipalité a livré plus tôt quelques palettes de poches de sable près du pont. Une dizaine d'hommes se sont aussitôt empressés de les traverser sur l'île, contre les avis des policiers, en remplissant des camionnettes à ras bord.

Pour le moment, et jusqu'à la tombée de la nuit, ces camionnettes ont l'autorisation de traverser le pont pour transporter les sacs de sables. 

Malaise

En matinée, après que les sauveteurs nautiques ont évacué en bateau un homme de 70 ans qui a éprouvé un malaise, des employés de la Ville de Montréal ont commencé à s'inquiéter de l'état du pont. Des galets d'asphalte ont commencé à arracher sous l'effet du courant, qui passe maintenant entièrement par-dessus la chaussée. «La structure du pont n'est pas encore atteinte, mais peu importe, il y a des moments où on doit décider de condamner la place», a déclaré M. Coderre.

«Nous ne faisons pas face à un problème de ressources. C'est la force de la nature qui est à l'oeuvre», a-t-il ajouté.

Dans certains secteurs de l'île, l'eau arrive jusqu'à la taille. Il faut prendre mille et une précautions en marchant dans les rues invisibles pour éviter de perdre pied sous l'effet du puissant courant.

En début d'après-midi, le chef aux opérations du Service incendie de Montréal, Martin Guilbault, a officiellement réclamé ce que tout le monde redoute sur l'île : «Tout le monde doit évacuer. Je comprends les gens de vouloir protéger leurs biens, mais vient un temps où ils ne peuvent plus faire grand-chose. L'eau va continue à monter, et ça va empirer pendant la fin de semaine», a-t-il souligné.

Mais les résistants de l'île Mercier n'entendent pas abandonner de sitôt. Le bruit des pompes submersibles et des jets d'eau ne s'arrête pas. «Tant qu'il y a de l'électricité, il n'y a aucun problème. On peut faire marcher plusieurs pompes», dit Hélène Guilbault, une nouvelle résidente de l'île, qui y a acheté sa maison il y a 9 mois. «On s'attendait à ce qu'une inondation comme celle-là arrive un jour, mais pas si vite», admet-elle. 

Pierre-Luc Cauchon, lui, a traversé le pont avec ses deux pitbulls qu'il a vêtus de vestes de flottaison. «Un vétérinaire de Pierrefonds a proposé sur Facebook d'héberger les animaux coincés dans les inondations. On a accepté l'offre. Il n'y a plus de poches de sable et ça commence à être un peu dangereux», reconnaît-il. Il reviendra protéger sa maison sans ses animaux.

La combativité des habitants de l'île ne semblait pas s'affaiblir pour autant. «Mon frère va sûrement nous apporter une chaloupe. Ça va aider», se réjouissait Hélène Guilbault. «Mon oncle arrive avec deux motomarines et un zodiac. On va pouvoir déplacer du sable», ajoutait une autre jeune femme.

Mais ce ne sera peut-être pas suffisant. Les heures avant que l'île ne soit complètement coupée du monde sont comptées.