Un groupe de faux chauffeurs de taxi a fraudé depuis 2014 à Montréal plus de 400 clients pour une somme minimale de 1,2 million, a appris La Presse.

Pour endiguer le phénomène, la Division des fraudes du SPVM a déclenché une enquête baptisée Bogus, surnom donné par les criminels aux terminaux truqués qu'ils utilisent pour voler le NIP de leurs victimes. En parallèle, la police américaine a relié l'un des suspects à une vague de retraits frauduleux dans des guichets automatiques du Vermont.

Le modus operandi 

Le fraudeur sous-loue un vrai véhicule taxi, par le truchement des petites annonces ou par un contact. Il n'a pas de permis du Bureau du taxi et n'a souvent même pas de permis de conduire.

Il prend les passagers dans la rue, idéalement le soir ou la nuit, à la sortie des bars, alors que les clients peuvent avoir les facultés affaiblies par l'alcool.

Avant même que le client ne monte, le fraudeur lui dit qu'il ne prend que les cartes de débit ou de crédit, et demande même le nom de l'institution financière de la carte du client.

Lorsque le client arrive à destination, le fraudeur lui demande sa carte. Il la remplace furtivement par une autre carte de la même institution subtilisée à une victime précédente.

Le fraudeur tend au client un terminal qui n'est branché sur aucune institution financière, mais qui imprime tout de même des reçus. Le client tape machinalement son NIP qui est alors enregistré dans le terminal.

Le chauffeur remet la carte de débit ou de crédit au client qui, dans la majorité des cas, ne se rend pas compte qu'il a hérité de la carte d'une autre personne. Il sort et le taxi s'éloigne.

Le fraudeur se rend à l'institution financière - celle de la carte qu'il vient de voler - la plus proche et effectue un retrait ou des transactions. Il fait des achats dans des boutiques d'objets de luxe et utilise la carte dérobée jusqu'à ce qu'elle soit annulée.

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Ayman Hajj Ali

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Achraf Chhiba

La pointe de l'iceberg

Le SPVM croit que le chiffre de 400 victimes et le montant de la fraude évalué à 1,2 million sont très prudents, car ils proviennent uniquement des clients qui ont porté plainte et des actes criminels qui ont pu être démontrés.

Les montants des fraudes les plus constatées varient entre 200 $ et 10 000 $, mais celles effectuées avec des cartes de crédit sont les plus importantes, l'une d'elles ayant même atteint 30 000 $ en cours d'enquête.

La police affirme que l'arrivée des cartes à puces a changé les méthodes des fraudeurs qui doivent maintenant les voler pour commettre leur crime.

« Ce sont des crimes récurrents et de grandes villes. On veut passer le message aux citoyens d'être vigilants lorsqu'ils se déplacent dans le Grand Montréal, en particulier le soir, la nuit, à la sortie des bars », explique le commandant de la Division des crimes contre la propriété du SPVM, Juan Francisco Vargas.

Jusqu'aux États-Unis

Yaacoub Sarraf, l'un des faux chauffeurs de taxi arrêtés dans le cadre du projet Bogus, a aussi été relié par la police américaine à une vague de fraudes dans des guichets bancaires de la région de Burlington, au Vermont.

L'automne dernier, les agents du département de la Sécurité intérieure ont arrêté quatre jeunes Québécois accusés d'avoir utilisé des centaines de cartes de crédit ou de débit canadiennes clonées pour faire des retraits frauduleux lors de plusieurs séjours dans la région.

Alors que les institutions canadiennes se sont toutes converties aux cartes à puces, qui protègent contre les fraudes, les guichets américains fournissent encore des avances de fonds en lisant simplement la bande magnétique d'une carte, très facile à copier.

Selon la preuve déposée en cour, les jeunes suspects québécois avaient en leur possession des reçus pour des dépôts de 14 000 $ dans le compte de Yaacoub Sarraf.

La preuve ne révèle pas exactement quelle était la relation du groupe avec ce dernier, mais il est considéré comme leur complice. L'enquête révèle aussi que dès 2014, un jeune Québécois avait été stoppé à la frontière, alors qu'il s'apprêtait à entrer aux États-Unis avec un paquet de cartes bancaires clonées dans la région de Montréal. Il avait expliqué que Yaacoub Sarraf le payait 1000 $ par voyage pour faire entrer les cartes aux États-Unis.

Les suspects Mathieu Baaklini, Nicolau Dionne Manfredi, Brandon Lo et Safwan Bensalma sont en attente de leur procès aux États-Unis.

Quelques conseils aux clients

• Ne perdez pas de vue votre carte bancaire ou de crédit durant la transaction.

• Manipulez vous-même votre carte.

• Sinon, assurez-vous qu'il s'agit bien de votre carte lorsque le chauffeur vous la remet.

• Personnalisez votre carte bancaire en y apposant un autocollant ou un autre signe distinctif.

- Avec la collaboration de Vincent Larouche

PROJETS BOGUS 1 ET 2 (2014-2016)

• 5 individus arrêtés

• 2 individus recherchés, dont un non identifié

• 12 perquisitions

Objets saisis:

• 197 500 $ en argent

• 174 cartes bancaires

• Sept terminaux

• Quatre encodeuses pour cartes bancaires

• Trois dispositifs de clonage

• Lamineuses à cartes

• Documents et relevés d'opérations bancaires

• Profils d'identité de victimes

LES ACCUSATIONS

Fraude de plus de 5000 $

Possession de cartes volées, fabriquées ou falsifiées

Vol de cartes

Possession et vol de données

Possession de renseignements nominatifs

Possession d'instruments destinés à copier des données

Complot

Usage de faux

Non-respect des conditions

LES ACCUSÉS ET LES INDIVIDUS RECHERCHÉS

Ayman Hajj Ali, 31 ans: dossier toujours actif devant les tribunaux

Yaacoub Sarraf, 30 ans : condamné à 9 mois avec sursis le 7 février dernier

Achraf Chhiba, 36 ans: condamné à 30 mois le 3 février dernier

Ahmed Khalil, 24 ans: dossier toujours actif devant les tribunaux

Mohamed Sabsabi, 24 ans: dossier toujours actif devant les tribunaux

Recherchés

Mohamad Fadel, 35 ans: homme non identifié relié à plus de 30 dossiers