Si les réseaux de transports collectifs de la région métropolitaine n'existaient pas, il y aurait près de 700 000 véhicules de plus sur les routes du Grand Montréal. La distance du parcours quotidien de chaque automobiliste s'allongerait du tiers. Et la population de la grande région de Montréal devrait consommer, chaque année, presque 1,7 milliard de litres d'essence de plus.

Les déplacements motorisés, plus longs en raison de la congestion accrue, et surtout plus nombreux, produiraient presque 4 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) de plus par année dans la seule région métropolitaine.

Ces scénarios, qui auraient des conséquences catastrophiques sur la circulation et sur l'aménagement du territoire, ne sont pas tirés d'un roman de science-fiction ni des cauchemars d'un écologiste angoissé. Ils découlent des conclusions d'une étude réalisée par la Société de transport de Montréal (STM) au cours de la dernière année pour mesurer les émissions de GES évitées grâce à l'utilisation des réseaux de transports en commun de la métropole.

L'étude a été réalisée en collaboration avec plusieurs autres sociétés de transport, des organismes municipaux et deux ministères provinciaux (Transports et Développement durable) en utilisant les méthodes reconnues de quantification des GES élaborées par des groupes de recherche de renommée mondiale. Ses résultats ont été vérifiés par Golder, une firme internationale d'ingénierie-conseil spécialisée dans la conception et la construction d'infrastructures vertes.

Selon cette étude, qui sera rendue publique plus tard cette semaine, les transports en commun existants dans la métropole permettent d'« éviter » la production de 3,9 millions de tonnes de GES par année. Sans leur contribution, les émissions attribuables au transport routier dans la grande région de Montréal seraient supérieures de 55% à ce qu'elles sont actuellement.

Circulation automobile

«On sait depuis longtemps que les transports collectifs sont un moyen efficace pour diminuer les émissions de GES, a dit André Porlier, gestionnaire corporatif au développement durable à la STM, et responsable de l'étude. Mais, ironiquement, ni à Montréal, ni à Québec, ni même au niveau canadien, on n'a jamais vraiment quantifié la contribution du transport en commun à la réduction des GES.»

Le premier facteur d'évitement se mesure au transfert modal qui serait nécessaire au quotidien si les réseaux de transports collectifs actuels n'existaient pas.

Chaque jour, dans la région de Montréal, le métro et les réseaux de trains de banlieue et d'autobus assurent un total combiné de 1,6 million de déplacements. C'est 15% de tous les déplacements effectués par une population de près de 4 millions de personnes sur une période de 24 heures.

En périodes de pointe, le matin, un déplacement sur quatre (25%) est réalisé grâce aux transports collectifs.

«On a demandé à Léger Marketing de sonder 1200 usagers des transports collectifs, en tenant compte des proportions d'utilisateurs venant de Montréal ou des banlieues, pour savoir comment ils se déplaceraient si, demain matin, il n'y avait plus de métro, plus de trains ou plus d'autobus. Dans 51% des cas, les usagers ont répondu qu'ils utiliseraient leur automobile», dit M. Porlier.

En considérant qu'un certain nombre de ces automobilistes feraient du covoiturage, on a estimé que ce transfert modal massif vers la voiture ajouterait 690 000 véhicules dans la circulation quotidienne de la région de Montréal et que les émissions de GES s'élèveraient à 735 000 tonnes en équivalent CO2 par année.

Congestion

Le second facteur d'évitement des GES découle du premier. L'arrivée de 690 000 véhicules de plus sur les routes de la grande région de Montréal entraînerait une congestion monstre. «Chaque automobiliste roulerait moins vite, explique M. Porlier, la consommation des véhicules serait plus importante, parce que les déplacements seraient plus longs.»

En conséquence, la consommation supplémentaire d'essence produirait un «gain» de 836 000 tonnes d'équivalent CO2 par année, qui s'ajoutent aux émissions additionnelles de GES générées par le transfert modal théorique des usagers des transports en commun vers la voiture.

Étalement urbain

Selon l'étude de la STM, ce sont toutefois les impacts sur la densification urbaine qui seraient les plus importants, en matière d'émissions de GES. Pour saisir l'importance de ce facteur, il suffit d'imaginer ou, et comment, on pourrait loger la population actuelle de la Communauté métropolitaine de Montréal, qui compte presque 4 millions d'habitants, tout en réduisant l'espace occupé par la fonction résidentielle au profit des infrastructures de transport plus envahissantes - en supposant, toujours aux fins du calcul, que les réseaux de transports collectifs actuels n'existent pas.

Selon les outils de calcul produits par le Transit Cooperative Research Program, un groupe de recherche qui relève de l'Académie nationale des sciences, à Washington, l'effet sur l'étalement urbain serait dramatique: «la densité de population diminuerait de 3 à 4 fois par rapport à la densité actuelle, en passant de 1588 à 435 personnes par kilomètre carré», soit une densité équivalant à celle de la ville de Mascouche.

Cet étalement allongerait les déplacements moyens de chaque automobiliste de 22,2 à 29,9 kilomètres par jour, une augmentation de près de 35% du kilométrage quotidien. Sans la présence des réseaux actuels de transports en commun, c'est un total de 2 341 000 tonnes de GES qui s'ajouteraient au bilan des émissions polluantes responsables des changements climatiques.