L'affaire Patrick Lagacé a mis le SPVM sur la sellette cette semaine, mais ce n'est pas la première fois. Voici dix autres situations qui ont embarrassé la direction de la police de Montréal au cours des cinq dernières années.

LA TRAHISON D'IAN DAVIDSON

Même si les faits remontaient à avril 2011, ce n'est qu'en janvier 2012 que cette retentissante affaire a éclaté au grand jour. Après 33 ans de loyaux services, Ian Davidson, policier taciturne responsable de l'encadrement informatique de la banque des sources codées de la police de Montréal, a pris sa retraite en emportant illégalement la liste de tous les informateurs, qu'il a tenté de vendre, pour 1 million de dollars, à au moins deux chefs de clan de la mafia, dont Tony Mucci. Davidson s'est suicidé dans un motel de Laval le 18 janvier 2012.

L'AFFAIRE BENOÎT ROBERGE

Septembre 2013. Le Hells Angel René Charlebois s'évade d'un pénitencier de Laval et se suicide quelques jours plus tard dans un chalet des îles de Sorel. Mais avant de mourir, le motard laisse un testament vidéo dans lequel il annonce que l'enquêteur vedette Benoît Roberge, expert des motards du SPVM, lui a vendu de l'information. Un mois plus tard, Benoit Roberge est arrêté et accusé d'abus de confiance et de gangstérisme. Il plaidera rapidement coupable et sera condamné à huit ans de pénitencier.

LES FRÉQUENTATIONS DE PHILIPPE PAUL

Après certaines allégations à son sujet, Philippe Paul, enquêteur vedette du crime organisé, est suspendu pour des fréquentations douteuses en avril 2014, mais il prend sa retraite quelques jours plus tard. Après enquête, le SPVM dit n'avoir jamais rien trouvé sur Philippe Paul. Ce qui n'empêche pas des accusés dans différentes causes, dont le chef de clan Tony Mucci, que l'ex-policier a fait arrêter pour possession d'arme, de bénéficier d'un arrêt du processus judiciaire alors que la défense demandait à faire témoigner Paul. À Tout le monde en parle en avril 2015, Philippe Paul a dit avoir écrit un document qu'il enverrait à six personnes de confiance s'il lui arrivait quelque chose.

ANDRÉ THIBODEAU MISE GROS

Ce sergent du poste 33 est arrêté en janvier 2015 dans une affaire de paris sportifs de la mafia. Dans une déclaration vidéo suivant son arrestation, il dit à un enquêteur des affaires spécialisées que la moitié des enquêteurs de la Division du crime organisé du SPVM ont des sources fictives, qu'ils se servent des informations de ses sources - celles de Thibodeau - pour se faire payer. Thibodeau cite notamment le cas de l'arrestation de Tony Mucci et dit pouvoir prouver ce qu'il avance à l'aide d'un calepin qui lui a été saisi. Une source codée peut être payée jusqu'à quelques milliers de dollars pour des informations. On ignore si le SPVM enquête sur ces déclarations. 

LA MALLETTE DU COMMANDANT VILCÉUS

Le 8 janvier 2016, Le Journal de Montréal publie un article voulant que le commandant du groupe Éclipse et ex-patron des Affaires internes du SPVM, Patrice Vilcéus, se soit fait voler une mallette qu'il avait laissée à la vue dans sa voiture garée dans une rue du centre-ville de Montréal, lors d'un party de Noël. Selon nos informations, il y avait notamment dans la mallette une clé USB contenant le dossier de l'enquête sur Philippe Paul. Ce sont les enquêteurs des Gangs de rue et des Stupéfiants de la région sud, dont Fayçal Djelidi, enquêteur accusé dans « l'affaire Lagacé », qui ont retrouvé la valise officiellement intacte.

INGÉRENCE POLITIQUE ET PROFILAGE RACIAL

Le lendemain, La Presse révèle que le même commandant Vilcéus a fait l'objet d'une plainte pour entrave à la justice de la part de policiers de son ancienne escouade, le groupe Éclipse. Les policiers se seraient plaints d'avoir subi les pressions de M. Vilcéus et d'un membre de la haute direction pour faire cesser les procédures entreprises contre un jeune homme arrêté lors d'une fête en janvier 2015 et dont la mère, Jocelyne Simon, siège au comité de vigie qui fait le lien entre le SPVM et la communauté noire. La direction du SPVM n'a voulu ni confirmer ni infirmer l'affaire.

RIEN DE SIMPLE DANS MONTRÉAL-NORD

En avril dernier, une manifestation pour protester contre la mort d'un homme tué lors d'une frappe policière, Jean-Pierre Bony, a tourné à l'émeute dans Montréal-Nord. Le poste de quartier 39 a été vandalisé, des vitrines de commerces ont été fracassées et des véhicules ont été incendiés, sans que la police soit intervenue. Le lendemain, la responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, Anie Samson, a défendu la stratégie de non-intervention de la police. Quelques jours plus tard, La Presse révèle que des enquêteurs se sont fait interdire par la direction d'arrêter des suspects en matière de stupéfiants tant qu'ils seraient dans Montréal-Nord, ce qui serait à l'origine de la vaste chasse aux sorcières dévoilée hier par TVA.

LE « MUSELLEMENT » D'IAN LAFRENIÈRE

Après presque 20 ans à la Section des communications du SPVM, qu'il a lui-même contribué à développer, le commandant Ian Lafrenière est déplacé dans une autre section contre sa volonté en juin 2016. Cette décision soulève un tollé parmi les journalistes qui voient là un geste de la nouvelle direction du SPVM pour museler la presse. Pour remplacer M. Lafrenière, le SPVM a nommé la commandante Marie-Claude Dandenault et cherche toujours un employé civil, expert en communication, dont le salaire sera d'environ 160 000 $. Le directeur Pichet a dit que le départ de Ian Lafrenière n'était pas un désaveu et avait pour but de le faire progresser au sein de l'organisation. Après son transfert, Ian Lafrenière a été nommé inspecteur. 

ENQUÊTE CRIMINELLE SUR COSTA LABOS

À la fin de juin dernier, on a appris que le patron des Affaires internes du SPVM, l'inspecteur-chef Costa Labos, faisait l'objet d'une enquête criminelle de la Sûreté du Québec sur trois volets : on alléguait qu'il avait menti dans une déclaration sous serment au soutien d'un mandat de perquisition visant un policier du SPVM, qu'il avait révélé l'existence d'une source, ce qui est interdit, pour ne pas mettre la vie de cette dernière en danger, et qu'il avait tenté de décourager deux enquêteurs - qui l'ont enregistré - de rencontrer un témoin qui aurait pu disculper l'ex-policier Mario Lambert. M. Labos a été blanchi, mais il a été déplacé dans un autre service lors d'un important mouvement des cadres, vendredi dernier.

QUATRE ENQUÊTEURS ARRÊTÉS

En juillet 2016, deux enquêteurs de la région sud, Fayçal Djelidi et David Chartrand, sont arrêtés et accusés de parjure et de tentative d'entrave à la justice à l'issue d'une enquête interne. On les soupçonne d'avoir mis de fausses informations dans une déclaration sous serment dans le but d'obtenir un mandat de perquisition leur permettant d'effectuer une saisie de 10 kg de cocaïne dans le cadre du Grand Prix du Canada. Deux autres policiers ont été arrêtés dans cette affaire, dont un ancien policier d'Éclipse qui avait porté plainte contre le commandant Vilcéus, mais ils n'ont pas été accusés.

Photo Armand Trottier, archives La Presse

Benoît Roberge, ex-enquêteur vedette du SPVM, en 2000

Photo archives La Presse

Philippe Paul, enquêteur vedette du crime organisé, a été suspendu pour des fréquentations douteuses en avril 2014, mais il a pris sa retraite quelques jours plus tard. Après enquête, le SPVM dit n'avoir jamais rien trouvé sur lui.