En 27 ans, Nathalie Morin n'avait jamais vu la Ville de Montréal retaper la chaussée de sa rue. Cette année, elle ne sait pas si elle doit se compter chanceuse, alors que la métropole s'apprête à refaire l'asphalte devant chez elle pour la deuxième fois en quelques semaines à peine.

L'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension vient en effet d'entreprendre le planage - c'est-à-dire l'enlèvement de la couche de bitume en surface - d'un tronçon de la rue des Écores pour ensuite l'asphalter de nouveau. Or, une importante partie de cette chaussée avait été asphaltée en août.

« La rue est plus belle que jamais, et ils vont enlever tout cela trois semaines plus tard ! C'est bizarre. C'est très discutable », indique Nathalie Morin.

L'asphaltage de la rue à la mi-août a été effectué par le service des transports actifs. Celui-ci a pour mandat d'étendre de 50 km par an le réseau cyclable de Montréal. Au début de l'année, la rue des Écores a été ciblée pour accueillir une bande cyclable de 1,3 km entre les rues Saint-Zotique et Villeray. Un entrepreneur a ainsi reçu le mandat d'« effectuer des réparations ponctuelles à plusieurs endroits sur le parcours ».

Plusieurs retouches exécutées du 9 au 15 août ont eu lieu dans le tronçon entre les rues Bélanger et Jean-Talon. Avec sa chaussée lézardée et minée par les nids-de-poule, ce segment avait en effet cruellement besoin d'être rafraîchi. À tel point, en fait, qu'au même moment, l'arrondissement de Villeray planifiait de son côté une réfection complète de sa surface.

Ce tronçon de 300 mètres a en effet été inscrit au programme de planage complémentaire financé par Montréal. Les élus de Villeray ont donné le feu vert aux travaux au début du mois de septembre.

Tout le monde au courant



Un porte-parole de Montréal dit que le service des transports actifs savait que l'arrondissement prévoyait faire à l'automne des travaux dans la rue, mais qu'il a tout de même été décidé d'aller de l'avant.

« Cette décision a été guidée par la volonté d'améliorer le plus rapidement possible le niveau de sécurité des usagers de la rue, en particulier celle des cyclistes, et d'éviter de reporter d'une année ce projet. Le report de la création du lien cyclable aurait privé les résidants de cinq tronçons de la rue des Écores (de Villeray à Saint-Zotique) du nouveau lien cyclable », a indiqué Philippe Sabourin.

La Ville ajoute que seulement « quelques mètres carrés d'asphalte » posé cet été disparaîtront lors des travaux de Villeray.

Gaspillage dénoncé



« Je n'ai pas sorti mon ruban à mesurer, mais c'est plus que "quelques mètres carrés". C'est quasiment le quart de la rue qui a été refait. Au prix que l'asphalte coûte au mètre carré, c'est significatif. On aurait pu attendre pour éviter de faire dépenser de l'argent aux Montréalais pour rien », déplore Sylvain Ouellet, conseiller municipal du secteur.

La citoyenne Nathalie Morin comprend mal comment la Ville n'a pu mieux coordonner ses interventions réalisées à quelques semaines d'intervalle à peine. « C'est des sous que ça nous coûte, mais c'est aussi tout le bordel que ça crée », déplore-t-elle.

Nathalie Morin est d'autant plus surprise de voir sa rue refaite deux fois que le nombre de rues à asphalter dans le secteur est élevé. « Quand j'ai reçu l'avis au début de la semaine, je pensais qu'ils s'étaient trompés. Au lieu de refaire ma rue deux fois, ils devraient aller sur la rue Saint-Zotique, elle en aurait grand besoin. »

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Piste cyclable dangereuse ?

Non seulement la nouvelle piste cyclable de la rue des Écores illustre les cafouillages de la Ville de Montréal, qui prévoit d'étendre son réseau cyclable de 50 km par année, mais elle vient mettre en lumière les risques qu'il y a à agir avec précipitation, dénonce le conseiller Sylvain Ouellet. La nouvelle piste de 1,3 km traverse plusieurs artères achalandées, dont les six voies de la rue Jean-Talon. Or, aucun feu de signalisation ou panneau d'arrêt ne vient protéger le passage des cyclistes. Ceux-ci devront ainsi se faufiler entre les voitures. « C'est dangereux », estime Sylvain Ouellet. Celui-ci aurait préféré être consulté sur le meilleur emplacement pour aménager un lien cyclable.