Le rapport 2015 du vérificateur général de Montréal souligne de nombreuses lacunes et irrégularités dans la gestion de la métropole. Signe du manque de surveillance des cartes de crédit utilisées par les fonctionnaires, des transactions ont eu lieu alors que les employés n'étaient plus en fonction. Le rapport, qui sera le dernier rédigé par Jacques Bergeron, note plusieurs autres déficiences, notamment dans les projets de construction de bâtiments et la gestion des ententes avec des entreprises de technologie.

Manque de surveillance des cartes de crédit

Le vérificateur général a noté des irrégularités dans la gestion des cartes de crédit utilisées par les fonctionnaires pour le compte de la Ville de Montréal. « Plusieurs transactions ont été effectuées alors que le détenteur désigné était en interruption d'emploi », note le rapport. Les 415 cartes d'achat en circulation sont utilisées généralement pour acquérir des biens de moins de 1000 $. En 2014, celles-ci ont servi à faire 30 000 transactions pour un total de 2,5 millions. Outre le manque de surveillance, le VG déplore l'absence de pièces justificatives ou d'approbation d'un supérieur dans plusieurs cas. Autre problème, « la plupart des unités d'affaires auditées n'effectuent pas d'analyse ni de reddition de comptes traitant de la conformité d'utilisation des cartes ». Malgré ces irrégularités, le vérificateur estime que « la Ville a mis en place un mécanisme efficace pour gérer l'utilisation des cartes d'achat ».

Lacunes dans les projets de construction

Le rapport 2015 du VG note d'« importantes lacunes dans les pratiques de gestion de projets de construction et de rénovation d'immeubles », ce qui représente tout de même un budget d'environ 220 millions par an. Lors de la construction de la piscine Valleycrest, à Pierrefonds, le vérificateur a estimé que l'arrondissement avait « commenté de façon simpliste et incomplète » l'écart de 21 % entre le coût du contrat (5,2 millions) et l'estimation de la Ville (4,2 millions). Il déplore également le manque dans le suivi en ce qui concerne l'échéancier des travaux, si bien qu'un retard de 45 jours dans la livraison de la piscine a entraîné des frais de 100 000 $. Le VG a également noté un même manque de suivi dans le projet de la piscine Annie-Pelletier, dans Mercier-Est, où un retard de 142 jours a été constaté.

Des ententes-cadres jugées « préoccupantes »

Le vérificateur général s'est penché sur le recours important à des ententes-cadres avec des entreprises de technologie pour prêter main-forte à la Ville dans ses projets. Son rapport note la présence de nombreuses déficiences jugées « fort préoccupantes » dans la gestion de ces contrats. Après avoir analysé quatre ententes d'une valeur de 32 millions, le VG relève des lacunes de contrôle interne dans la facturation du temps, y voyant un « risque que les montants facturés ne représentent pas fidèlement les heures effectivement travaillées ». Le rapport déplore aussi la faible participation des entreprises aux appels d'offres, estimant que la Ville a échoué à ouvrir ces contrats à la concurrence.

Confusion sur les règles d'intégrité

« Une confusion importante existe » au sein des 19 arrondissements de Montréal dans l'application des règles devant assurer l'intégrité des entreprises avec lesquelles la Ville faire affaire. Le vérificateur général a tenté de déterminer si les administrations locales s'assuraient de suivre les règles mises en place dans la foulée de la commission Charbonneau, comme vérifier si les fournisseurs sont inscrits à une liste noire ou ont reçu une autorisation de l'Autorité des marchés financiers (AMF). « Force est de constater que des efforts supplémentaires devront être investis afin de renforcer l'étanchéité et la conformité du processus », note le rapport. Le vérificateur a constaté que, dans certains arrondissements, l'information peut varier entre les documents des appels d'offres, ceux qui sont rendus publics et ceux qui sont fournis aux élus.

Danger en cas de sinistre majeur

Les communications de la Ville de Montréal seraient grandement à risque en cas de sinistre majeur, évalue le VG. Son bureau a analysé les systèmes de relève des technologies de l'information et des communications de la métropole et estimé que celles-ci étaient inadéquates. En cas de sinistre affectant les communications, « la Ville devrait recourir à des actions improvisées ». Du coup, des activités critiques seraient perturbées. Seule exception, le VG note que les systèmes de répartition du Service de sécurité incendie et du Service de police de la Ville de Montréal sont adéquats.

Fin de mandat pour Jacques Bergeron

Le rapport 2015 du vérificateur général sera le dernier entièrement rédigé par Jacques Bergeron puisque son mandat prend fin le 2 juin, soit après sept ans. Il en profite pour déplorer le faible taux d'application de ses recommandations. Montréal s'était donné comme objectif de répondre à 70 % de ses observations en un an et à 90 % en deux ans. Au moment où il a rédigé son rapport, seulement 35 % de ses recommandations formulées en 2014 avaient été suivies et 67 % de celles faites en 2013. « Je constate que la situation ne s'est guère améliorée », écrit-il. En fait, « force est de constater que la situation se dégrade ».